Appuyons la grève partielle des débardeurs du Port de Montréal

Le conflit de travail entre les débardeurs du Port de Montréal et l’Association des employeurs maritimes (AEM) se poursuit. Avec aplomb, le 11 avril, les travailleurs ont fait l’annonce d’une grève des heures supplémentaires, grève qui a été déclenchée le 13 avril. Du même souffle, ils ont avisé qu’ils allaient cesser leurs activités de fin de semaine à compter du 17 avril. Représentés par le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), les travailleurs du port négocient leurs conditions de travail, entre autres la conciliation travail-famille de même que les horaires de travail. Par exemple, les débardeurs doivent travailler 19 jours sur 21, ne bénéficiant que d’une fin de semaine de congé sur trois : ils cherchent à ce qu’on leur accorde des horaires plus décents, au risque de gagner moins.

Les débardeurs sont sans contrat de travail depuis décembre 2018. En août dernier, ils ont débrayé pendant deux semaines. Leur grève a fait couler beaucoup d’encre et a fait réaliser combien ils jouent un rôle névralgique dans le transport des marchandises et des matières premières, de même que dans la production et la circulation du capital en général. Ce sont 2 500 conteneurs qui entrent au port ou qui en sortent par camion chaque jour. Les débardeurs de Montréal ont entre les mains un levier qui a le potentiel d’ébranler plus de la moitié des entrepreneurs de la province, aux dires de la bourgeoisie québécoise elle-même. En temps de perturbations syndicales et de grève, les pertes qu’entraînent les détournements de navires vers d’autres ports comme celui d’Halifax sont colossales pour les capitalistes. « Pour plusieurs entreprises, c’est des millions de dollars par semaine, pour nos grands exportateurs » a confirmé Véronique Proulx, présidente-directrice des Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ). Le son de cloche est le même du côté de l’Association du camionnage du Québec (ACQ), la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, le Conseil du patronat du Québec, et la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante. Toutes ces instances servant à protéger le grand capital ont d’ailleurs uni leurs voix pour demander, le 16 mars dernier, à la ministre fédérale du travail, Filomena Tassi, d’agir davantage dans le conflit, voire de barrer la route aux travailleurs au moyen d’une loi spéciale. C’est d’ailleurs la perspective qui se trame dans le cabinet du gouvernement Trudeau et le souhait exprimé par l’exécutif gouvernemental de Legault. La lutte économique des débardeurs est donc un incontournable et elle nous révèle l’importance des ouvriers de la grande industrie et du transport dans la lutte pour le pouvoir populaire. Leurs soulèvements et leur éventuel appui à la révolution prolétarienne constitueront une menace de taille à la bourgeoisie canadienne.

Le 21 mars dernier, les débardeurs du Port de Montréal ont rejeté à presque l’unanimité (99,71%) l’offre patronale qualifiée de « finale » qui leur a été soumise le 12 mars, et ce, après un mois de délibération et une trêve de sept mois pendant laquelle les deux parties s’entendaient pour ne pas parler publiquement en vue d’en arriver à une entente négociée. Ce sont finalement 1 023 syndiqués sur 1 100 membres (91%) qui se sont exprimés lors d’un vote secret dont le dépouillement n’a révélé que 2 pour et 1 abstention. L’unité des travailleurs du Port de Montréal est telle dans cette lutte économique que le taux de participation s’est avéré spectaculaire et que le rejet de l’offre a été massif. « Il va faire froid en enfer avant que les débardeurs se laissent berner par une offre patronale semblable », a indiqué Michel Murray, conseiller du SCFP pour les débardeurs. Ces propos donnent une bonne idée de la ténacité des troupes! L’offre médiocre qui a été écartée comprenait 80 demandes patronales et ne répondait qu’à 4 demandes syndicales. Lorsque la trêve a été levée au moment du dévoilement du vote, Michel Murray a laissé savoir que la bataille allait reprendre de plus belle et que la bourgeoisie ne perdait rien pour attendre : « À partir d’aujourd’hui, on va répondre coup pour coup dans les médias à tous les épouvantails à moineaux qui vont être soulevés par Québec inc., la Chambre de commerce, le Conseil du patronat, pour remettre les pendules à l’heure. »

Cette grève survient alors que l’AEM vengeresse a décidé de suspendre des « conditions de rémunération », c’est-à-dire qu’elle n’assurera plus aux débardeurs le paiement d’un minimum d’heures payées non travaillées. C’est au lendemain de la dernière journée de négociations que l’employeur a émis son préavis de 72 heures. Cette odieuse suppression contrevient à une clause garantie dans la convention collective . Il s’agit-là d’un régime de sécurité d’emploi acquis en 1970. Heureusement, prêt à répliquer, le SCFP avait en poche un mandat de grève qui venait à échéance le 15 avril. Les débardeurs pouvaient faire huit heures de temps supplémentaire par semaine, ce qu’ils ne font plus depuis mardi. Ils ne travailleront pas non plus les samedis et les dimanches.

L’AEM affirme avoir subi, en mars dernier, une baisse de 11% du volume des marchandises qui transitent par le Port de Montréal en raison de « l’incertitude et l’anxiété » que le conflit de travail génère sur le marché. La bourgeoisie justifie donc son attaque envers les ouvriers par la baisse de l’achalandage au port. Elle met la faute sur la lutte économique menée avec courage par les ouvriers du port face à un employeur véreux. L’AEM dit craindre que sa relance économique soit entravée par les moyens de pression conduits par les travailleurs.

C’est avec un grand sens de la solidarité envers tout le prolétariat que les débardeurs se sont tout de même engagés à traiter les conteneurs contenant du matériel servant à combattre la pandémie de COVID-19 qui fait rage. Dans la même veine, la fin de semaine, les débardeurs continueront d’assurer le chargement et le déchargement du céréalier de même que le traitement des conteneurs approvisionnant Terre-Neuve et Labrador. Pour le reste, selon le SCFP, la grève la fin de semaine ralentira le traitement de certains conteneurs de quelques jours et aura le potentiel de toucher 5% des entreprises qui reçoivent ou expédient des marchandises qui transitent par le Port de Montréal. Selon Martin Imbleau, président-directeur général de l’Administration portuaire de Montréal, le port doit désormais composer avec une réduction de 33% de ses capacités.

Appuyons les débardeurs dans leur bras de fer avec l’AEM pour de meilleures conditions de travail!

Prenons acte de l’importance des débardeurs dans la production et dans la révolution!