COVID-19 : Quelques considérations sur le vaccin
La distribution du vaccin contre la COVID-19 a débuté au commencement de l’hiver. Après le Royaume-Uni et le Bahreïn, le Canada a été l’un des premiers pays à autoriser l’administration du vaccin de Pfizer-BioNTech, puis celui de Moderna. L’Arabie Saoudite, Israël, le Mexique, les États-Unis, les pays de l’Union européenne et l’Inde ont emboîté le pas. Le monde entier est entré, ou est sur le point d’entrer, dans la phase de la vaccination. Cela dit, nous devons garder en tête que la distribution du vaccin sera très inégale. La majorité des doses de vaccin ont été sécurisées par une dizaine de pays il y a de cela plusieurs mois déjà. La course au vaccin ouvre la porte à plusieurs nouveaux enjeux : les capacités biopharmaceutiques de développer des vaccins, les capacités manufacturières et industrielles de produire des doses, les brevets, le financement international, les ressources pour opérationnaliser la vaccination (vaccinateurs, stockage, congélation, transport, etc.), les premières personnes à se voir administrer le vaccin, la double dose requise, le respect des protocoles éprouvés par les études cliniques, les avancées scientifiques que représente le développement de vaccins à ARN messager, la concurrence entre les pharmaceutiques, la concurrence internationale en général doublée d’une certaine cohésion dans la sortie de crise grâce à la production de vaccins efficients, etc. En trame de fond, quand des États faibliront, assiégés par une progression fulgurante des cas de COVID-19, d’autres viendront s’emparer de leurs parts de marché, ce qui met les nerfs de la bourgeoisie à vif, bien plus que tout le reste. Ainsi, tous les États lutteront, dans les prochains mois, pour consolider leur économie et tirer profit d’une immunité qui grandira au fil d’une vaccination de plus en plus étendue à l’ensemble de la population nationale. Du même souffle, nous assisterons à la continuation de l’épidémie dans les grandes concentrations populationnelles mondiales et surtout, dans les pays dominés par l’impérialisme.
Le vaccin à ARNm, une découverte fort prometteuse
Les essais cliniques du vaccin de Pfizer-BioNTech ont débuté en juillet 2020 avec 44 000 participants. Les taux d’efficacité enregistrés atteignaient la barre des 95% alors que généralement, un taux de 50% peut permettre de se prévaloir d’une autorisation d’urgence. Les laboratoires de Pfizer-BioNTech, comme ceux de leur compétiteur Moderna, ont emprunté la voie du vaccin à ARNm. L’ARN, comme l’ADN, est une découverte de la biologie qui a été faite au début du 20e siècle alors que l’ont cherchait à comprendre comment fonctionne le corps de manière autonome et inaccessible à la conscience humaine immédiate. Le développement des sciences et de la biologie a permis d’en arriver à une compréhension de la mécanique du corps et du langage naturel des phénomènes biologiques. Cette compréhension permet aujourd’hui d’obtenir un résultat spécifique en stimulant nos cellules à produire une protéine virale nous immunisant contre la COVID-19. C’est à la fin des années 1980 que les premières propositions de projets de recherche entourant l’utilisation de l’ARNm dans les cellules ont vu le jour, mais seulement très peu de compagnies s’y sont intéressé, vu les investissements colossaux qu’ils exigeaient en échange de bien peu de rentabilité. Autrement dit, bien que les connaissances autour du potentiel remarquable de l’ARN messager datent, c’est le financement monstre que les laboratoires se sont vus offrir en 2020 par les États impérialistes qui a permis l’élaboration fulgurante de l’application pratique de cette technologie contre la COVID-19 alors qu’une sortie de crise urge pour tous les États du monde. On constate que ce sont les parcelles de centralisation, de planification et de socialisation qui existent sous le capitalisme qui ont permis de débloquer des capacités d’une telle envergure. Cela nous rappelle combien sous le capitalisme, la médecine ne connaît pas les avancées qu’elle devrait connaître, car les rapports de production actuels engourdissent le développement des forces productives.
L’acide désoxyribonucléique (ADN) et l’acide ribonucléique (ARN) sont les acides nucléiques qui renferment le matériel génétique de toutes les formes de vie biologique. Le vaccin à ARNm consiste à se servir d’un matériel génétique synthétique pour stimuler le corps à produire la protéine qui aurait normalement été produite par l’introduction d’un pathogène. C’est ainsi qu’on arrive à « s’adresser au corps » avec un niveau de précision inégalé auparavant. La méthode permet non seulement de développer une immunité humorale, mais aussi cellulaire, ce qui signifie que le corps ne développe pas que des anticorps décelables, mais surtout des cellules mémoire (lymphocytes) à la survie prolongée qui sont réactivées lors de l’exposition à un antigène spécifique (soit par le contact avec le coronavirus ou par la réception d’un vaccin traditionnel). Les vaccins à ARNm ne requièrent aucune manipulation d’êtres vivants dans leur conception et ne contiennent pas d’agents infectieux : ils sont produits par synthèse biochimique. Les risques de retour à la virulence sont donc nuls. Aussi, ils présentent moins de risques d’effets secondaires que les autres vaccins. Certes, les implications biologiques et médicales de la technologie ARNm n’ont pas encore toutes été sondées, mais il est certain qu’il s’agit d’un progrès d’une ampleur incroyable qui saura se révéler, un jour, salutaire pour la médecine.
Il faut savoir qu’avant que les vaccins à ARN messager ne soient introduits sur le marché à l’automne 2020 dans la lutte contre la pandémie de COVID-19, il n’existait que deux grandes catégories de vaccins, soit ceux qui correspondent à l’introduction d’un agent infectieux vivant atténué (complet), soit ceux qui correspondent à l’introduction d’un agent pathogène inactivé ou à l’introduction des fragments d’un agent infectieux. Pour produire ces vaccins vivants atténués ou ces vaccins inactivés, on recours le plus souvent à des cultures de cellules ou à des œufs embryonnés. Parfois, on emploie, en guise de pathogène, un équivalent animal sans danger pour l’être humain, comme par exemple, on a eu recours à la vaccine (variole des vaches) pour immuniser l’humain contre la petite vérole (variole des humains). Dans la lignée des vaccins conventionnels, des laboratoires concurrents à ceux de Pfizer-BioNTech et de Moderna ont développé celui d’AstraZeneca/Oxford, un vaccin à vecteur viral qui prend comme support un autre virus, soit un adénovirus de chimpanzé. Son efficacité s’est chiffrée à 70% aux suites de l’injection de deux doses à un mois d’intervalle. Malgré son efficacité moindre, ce vaccin traditionnel n’entraîne pas les défis de conservation à très basse température qu’on rencontre avec les vaccins à ARNm. On parle aujourd’hui aussi du vaccin de Sinopharm (Chine), celui du Centre Gamaleya, le Spoutnik V (Russie), de celui de l’Institut de vaccination Finlay, le Soberana (Cuba), et de celui de Bharat Biotech, le Covaxin (Inde). Bien d’autres vaccins sont aussi sur le point de compléter leurs phases des tests cliniques et d’être approuvés pour servir à l’inoculation de la population mondiale.
La distribution inégale du vaccin
L’opération baptisée Warp Speed aux États-Unis annonçait la vaccination de 20 millions d’Américains en date du 1er janvier 2021. À cette date, au final, 25% de l’objectif était atteint. En tout, 10 milliards de dollars ont été consacrés à cette opération logistique d’envergure. Le programme consistait à financer les grands fabricants de vaccin selon une mécanique complexe (la totalité nationale ne fusionnant pas avec le capital privé individuel). Les autorités américaines ont donc versé à l’avance 2 milliards de dollars à Pfizer-BioNTech en échange de 100 millions de doses; 1,53 milliard de dollars à Moderna; et 1 milliard à Johnson & Johnson. Le laboratoire Pfizer-BioNTech a finalement été le premier à compléter la troisième phase de ses tests cliniques et donc, à être approuvé par les autorités de santé publique de plusieurs États impérialistes. Malgré que Pfizer prétend ne pas avoir été financé par l’administration Trump, il n’en demeure pas moins que la promesse d’achat américaine a favorisé la circulation du capital et a directement aidé au développement de la technologie ARNm. Dans la foulée, le laboratoire a aussi promis 300 millions de doses à l’Union européenne, 120 millions au Japon, 40 millions au Royaume-Uni et 20 millions au Canada, ce qui annonçait une belle grosse cagnotte. Pfizer-BioNTech prévoit avoir distribué plus d’un milliard de doses d’ici juin prochain. On rapporte que les États représentant seulement 13% de la population mondiale ont acheté plus de 50% des doses de vaccin qu’on projette de produire. Plus encore, 96% des doses de vaccin à ARNm de Pfizer-BioNTech et de Moderna ont été achetées, en prévente, par des pays riches. C’est donc ce financement colossal des États impérialistes, bien souvent sous forme de précommandes impulsées par la volonté politique de sortir de la crise sanitaire, qui a permis aux compagnies pharmaceutiques de donner un grand coup dans la recherche et le développement. En contrepartie, l’Alliance du vaccin (Gavi) estime que 9 personnes sur 10 dans 70 pays pauvres n’auront pas accès à un vaccin contre la COVID-19. Pendant ce temps, le Canada a monopolisé suffisamment de doses pour vacciner sa population cinq fois…
L’exemption des droits de propriété intellectuelle sur les vaccins contre la COVID-19 a été proposée par l’Inde et l’Afrique du Sud dans le but de les rendre plus accessibles. Le partage des connaissances au-delà des brevets obtenus par les pharmaceutiques (entre autres, le partage des savoirs autour de l’extraordinaire ARN messager), dans un monde meilleur, permettrait la multiplication des sites de production des doses de vaccins (génériques), mais aussi des tests de dépistage, des médicaments et d’autres marchandises médicales pour optimiser la lutte contre la pandémie à l’échelle de toute la planète. Évidemment, les impérialistes ne se sont pas prononcés en faveur de la dérogation à certaines règles de l’Accord sur les aspect des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) lors du débat organisée par l’Organisation mondiale du commerce (OMC). La proposition n’a reçu que des appuis symboliques. Par conséquent, sans surprise, la suspension des droits de propriété ne verra pas le jour. Des initiatives comme le programme international COVAX, piloté par le Gavi, la Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies (CEPI) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ne recevront que bien peu de dons et de mains tendues de la part des impérialistes et des compagnies pharmaceutiques. Le programme COVAX vise, d’ici la fin de l’année en cours, à inoculer 20% de la population des 92 pays les plus économiquement faibles. Jusqu’à présent, la collecte et les ententes signées ne vont pas de bon train pour le COVAX. Il ne fait aucun doute qu’il n’y aura pas de distribution équitable des vaccins dans le monde. Les pays dominés bénéficieront de produits biopharmaceutiques insuffisants, tardivement, et moins efficaces que ceux qu’on aura en abondance dans les pays impérialistes. Le président de la Chine impérialiste a annoncé que tout vaccin produit par une entreprise chinoise deviendrait « un bien public mondial ». Des essais cliniques de deux vaccins chinois ont déjà eu lieu en Amérique du Sud et au Moyen-Orient. Mais ce qui est certain, c’est que chacune des puissances impérialistes priorisera d’abord la vaccination de sa propre population dans le but d’accélérer sa reprise économique, puis fera des provisions. Les États qui ont des capacités de développement et de production de vaccins comme la Chine et les États-Unis exploreront ensuite la possibilité de consolider leurs marchés dans les pays dominés ou d’en développer de nouveaux, si cela est rentable. La distribution du vaccin est donc freinée par l’impérialisme. Des profits importants sont à prévoir pour les puissances mondiales qui pourront capitaliser sur la misère sanitaire dans laquelle pataugeront plus longtemps les classes laborieuses des pays dominés.
La sortie de crise
Il faut encourager tous les prolétaires canadiens à aller se faire vacciner quand leur tour viendra. Cela dit, nous comprenons les craintes que certains entretiennent à l’endroit de la vaccination. C’est que d’ordre général, le peuple constate que les capitalistes n’ont que faire de la vie des gens ordinaires, ce qui entretient la méfiance populaire, d’autant plus que cette fois, la sortie de crise a été développée dans un temps record. Plus encore, les intentions récentes des autorités, du moins au Québec, de dévier des protocoles mis sur pied par les laboratoires, et ce, dans le but d’accélérer la vaccination et de limiter les dépenses, inquiètent et font douter du sérieux du gouvernement québécois. Les gens ont du mal à faire confiance à ceux qui ont tout simplement l’air de bâcler la sortie de crise et d’en faire le minimum. De plus, on ne peut pas blâmer personne de ne pas maîtriser les tenants et aboutissants des découvertes en biologie car notre société ne dissémine pas d’éducation polytechnique et de connaissances scientifiques poussées au plus grand nombre. Nous sommes maintenus dans l’ignorance alors que les sphères très hermétiques de spécialistes, elles, font de grandes avancées. La santé publique n’a même pas daigné nous expliquer clairement la mécanique entourant le lavage des mains et la propagation aérienne du virus. L’exécutif parlementaire et les autorités sanitaires veillent aux besoins de la bourgeoisie, sans plus, ce qui les rend avares de bien des enseignements. Rappelons aussi que parmi les petits-bourgeois bien-pensants qui se moquent des prolétaires se méfiant du vaccin contre la COVID-19 se trouvent des gens qui s’opposent de manière bien plus rétrograde à d’autres grandes avancées scientifiques et technologiques de notre époque comme l’énergie nucléaire, par exemple.
En ce sens, nous devons combattre l’arrogance et les moqueries injustes et déplacées dirigées contre les prolétaires qui sont sur leurs gardes quant à la vaccination. Mais du même souffle, il faut aider notre classe à saisir l’importance du développement des vaccins anti-COVID. Il faut aussi aider nos camarades à comprendre que les capitalistes ont intérêt à sprinter vers la ligne d’arrivée pour ne pas s’affaiblir face à leurs adversaires économiques et pour ne pas sombrer dans une crise politique majeure. C’est pourquoi la vaccination de la population ne sera pas une campagne d’empoisonnement, mais bien une véritable tentative d’endiguer la propagation et la létalité de la COVID-19, et ce, même si elle comportera certaines ratées.
Malgré le chaos impérialiste qui règne, réjouissons-nous des développements technologiques et scientifiques que représentent les vaccins à ARNm, encourageons tous ceux qui le pourront à aller se faire vacciner. En même temps, dénonçons la distribution inégale du vaccin et insurgeons-nous devant les cafouillages de la vaccination. Surtout, révélons l’unité des capitalistes de tous les pays impérialistes dans leur volonté politique de parvenir à une sortie de crise, car celle-ci leur permettra de protéger l’exploitation de la classe ouvrière.