COVID-19 : Le couvre-feu, une mesure illégitime qui n’a rien à voir avec la lutte contre le virus

Le sort de la province n’est guère reluisant. Le bilan est plus sombre que jamais alors que plus d’un Québécois sur mille a été fauché par la COVID-19. Les chiffres sont alarmants et ne cesseront de gonfler pendant les prochains mois. La négligence organisée de la bourgeoisie a un goût très amer. Et pour ajouter à l’indignation du prolétariat de la province face à la dégradation de la situation, voilà qu’il fait l’objet d’un nouveau coup de masse. Devant la progression incontrôlée de l’épidémie au Québec, l’exécutif gouvernemental de la classe dominante québécoise réagit une fois de plus en désignant injustement les masses populaires comme les responsables de la catastrophe et en les ciblant avec des mesures policières odieuses au lieu de mettre en place de vraies solutions sanitaires pour freiner la propagation du virus.

Le couvre-feu, que les autorités viennent d’instaurer, n’est pas une mesure de santé publique réelle : c’est une mesure de répression qui vise à intimider le peuple et à renforcer l’idée mensongère que ce sont les agissements individuels des prolétaires qui sont la source principale de la contamination, en plus de servir à renforcer l’arsenal policier pour faire face à d’éventuels « débordements » liés au chaos social provoqué par la pandémie. C’est une mesure qui resserre encore plus l’étau autour des masses et qui restreint de manière draconienne et injuste les possibilités qui s’offrent aux prolétaires pendant leurs temps libres, et ce, alors qu’un grand nombre d’entre eux sont encore obligés d’aller au travail et d’envoyer leurs enfants à l’école chaque jour, soit les deux endroits où les risques d’attraper le virus sont les plus élevés.

La mise en place du couvre-feu donne l’impression que le gouvernement agit et frappe fort. Mais en réalité, le couvre-feu ne constitue nullement un renforcement des mesures servant à combattre le virus, lequel ne se transmet évidemment pas plus la nuit que le jour et continuera à se propager tant et aussi longtemps que les écoles et les milieux de travail non essentiels demeureront ouverts.

Un déconfinement déguisé

Les agissements de l’État bourgeois québécois sont analogues à ceux de l’ensemble des gouvernements impérialistes qui font passer les profits et l’accumulation capitaliste avant la santé et la vie des populations. Depuis que la deuxième vague a frappé l’Europe et l’Amérique du Nord l’automne dernier, les différents États bourgeois adoptent des mesures minimales qualifiées faussement de « reconfinement » tout en maintenant en marche la grande industrie – la principale source de plus-value et de profits capitalistes – et en gardant les écoles ouvertes pour permettre aux ouvriers qui ont des enfants d’aller travailler. Mais avec l’annonce du couvre-feu, le gouvernement du Québec vient de réussir un tour de force : avec l’appui et la participation des grands médias, il vient d’imposer l’idée que la province se reconfinait alors que les nouvelles mesures gouvernementales correspondent en réalité à un déconfinement!

En effet, par rapport à la situation qui prévalait pendant la « pause » des fêtes, il n’y aura pas moins, mais plus d’activité et de contacts obligatoires entre les gens dans la province à partir de la semaine prochaine. Les écoles primaires rouvriront dès lundi et les écoles secondaires rouvriront une semaine plus tard, remettant en mouvement plus d’un million d’enfants et d’adolescents ainsi que 150 000 enseignants et travailleurs du réseau scolaire (sur une population de seulement 8,5 millions de personnes). Le secteur de la construction (qui employait 264 000 personnes au Québec en 2019 selon Statistique Canada) s’est remis en marche comme prévu le 4 janvier dernier et demeurera entièrement ouvert. Les usines produisant des bien non essentiels continueront elles aussi à fonctionner contrairement à ce qui s’était produit au printemps dernier : ce sont donc des centaines de milliers d’ouvriers (le secteur de la fabrication employait 497 000 personnes au Québec en 2019) qui continueront à se rendre au travail et à se rassembler chaque jour dans des lieux fermés propices aux éclosions (c’est d’ailleurs dans le secteur manufacturier que l’on compte le plus grand nombre d’éclosions en milieu de travail depuis la mi-juin selon les données de l’INSPQ). Le gouvernement a également allégé les mesures concernant les commerces non essentiels : la cueillette de marchandises à la porte sera permise, ce qui mettra davantage de travailleurs en activité. Pour ajouter l’insulte à la blessure, les matchs de hockey du Canadien de Montréal pourront reprendre au Centre Bell pendant que les gens ordinaires n’auront pas le droit de sortir de chez eux. Mais selon les déclarations du premier ministre, il ne faut pas s’inquiéter puns le secteur manufacturier que l’on compte le plus grand nombre d’éclosions en milieu de travail depuis la mi-juin selon les données de l’INSPQ). Le gouvernement a également allégé les mesures concernant les commerces non essentiels : la cueillette de marchandises à la porte sera permise, ce qui mettra davantage de travailleurs en activité. Pour ajouter l’insulte à la blessure, les matchs de hockey du Canadien de Montréal pourront reprendre au Centre Bell pendant que les gens ordinaires n’auront pas le droit de sortir de chez eux. Mais selon les déclarations du premier ministre, il ne faut pas s’inquiéter puisque ce sera « complètement sécuritaire » étant donné que les dirigeants de la LNH « ont les moyens de se payer cette sécurité-là ». Autrement dit, ils sont tellement riches qu’ils possèdent des moyens techniques inaccessibles à la population pour se protéger du virus…

Une justification qui ne tient pas la route

Le gouvernement justifie le couvre-feu en avançant – sans fournir aucune preuve chiffrée de cette affirmation – qu’environ 30% de la population n’écouterait plus les consignes et que la transmission s’effectuerait principalement lors des rassemblements dans les domiciles privés (alors que les données dévoilées par la Santé publique montrant les lieux d’éclosion et la provenance des cas suggèrent fortement le contraire). Même si cela était vrai, cela ne serait que la conséquence des consignes complètement incohérentes et contradictoires martelées par le gouvernement depuis des mois – gouvernement qui, faut-il le rappeler, appelait lui-même les gens à se rassembler pour Noël en pleine pandémie meurtrière pas plus tard qu’au mois de novembre dernier. Mais en réalité, les rassemblements privés ne sont pas et n’ont jamais été le moteur principal de l’épidémie, malgré ce qu’en disent les autorités depuis la fin de l’été dernier pour détourner l’attention de leurs propres actions et pour justifier l’obligation de continuer à aller au travail et à l’école.

En France, là où un couvre-feu a été imposé dans certaines villes à la mi-octobre, puis généralisé à l’ensemble de la population à la mi-décembre, la mesure n’a évidemment pas prouvé son efficacité pour réduire la transmission du virus, si ce n’est qu’elle a forcé la fermeture en soirée de commerces qui étaient encore ouverts tels que les bars et les restaurants, milieux fermés où les clients retirent leur couvre-visage. À ce jour, malgré la sévérité des contrôles policiers la nuit, la France a enregistré, dans les derniers jours, environ 20 000 nouveaux infectés par jour pour une population de 67 millions d’habitants. Au fond, là-bas comme ici, cette mesure ne vise pas à limiter les rassemblements d’envergure, ceux qui sont le lot des écoles et des milieux de travail.

D’ailleurs, les travailleurs de nuit sont maintenus au travail selon leurs quarts habituels. Autrement dit, passé 20h00, des milliers d’ouvriers québécois convergent vers des usines et des entrepôts, comme avant l’entrée en vigueur du couvre-feu, à la différence qu’ils s’exposent désormais à moult interpellations sur le chemin de l’allée et du retour, devant à chaque fois prouver qu’ils vont vendre leur force de travail en toute légalité. C’est le même calvaire qui s’impose aux travailleuses de la santé qui assurent l’allocation de soins pendant la nuit, de même qu’à bien d’autres prolétaires.

La deuxième vague n’a pas été provoquée par un « relâchement » dans l’application des mesures par la population : elle est simplement le résultat de la relance intensive des activités économiques et de la réouverture des écoles au mois de septembre ordonnées par la bourgeoisie. Les éclosions se sont multipliées à partir de la fin des vacances estivales dans les écoles et dans les milieux de travail jusqu’à aujourd’hui, conduisant à la contamination massive de la population (puisque lorsqu’un travailleur ou un élève contracte le virus sur son lieu de travail ou à l’école, il le ramène ensuite à la maison et risque de contaminer les membres de sa famille). Sans la fermeture prolongée des écoles et de tous les milieux de travail non essentiels, l’épidémie va continuer à progresser et les hospitalisations et les morts vont continuer d’augmenter. C’est dans ces endroits (des lieux qui sont souvent étroits et mal aérés) que les gens se côtoient en plus grand nombre, le plus fréquemment et pendant le nombre d’heures le plus élevé chaque semaine et c’est pour cette raison fort simple que c’est là que le virus se transmet forcément le plus. Mais les représentants de la bourgeoisie ne veulent pas fermer les milieux industriels (et par extension les écoles), car ceux-ci forment un secteur stratégique pour le capitalisme national étant donnée que c’est là que la classe ouvrière produit les quantités les plus importantes de plus-value. Leur fermeture entraînerait un retard trop important du capital québécois dans la concurrence internationale : les entreprises industrielles perdraient des contrats et des clients au profit de compétiteurs étrangers encore en activité. Ainsi, comme partout ailleurs, la santé et la vie des travailleurs sont sacrifiés pour les intérêts de la grande bourgeoisie nationale engagée dans une lutte féroce pour maintenir ou améliorer sa position sur le marché mondial.

En ce qui concerne les fêtards, spécimens certes marginaux en temps de pandémie, le couvre-feu ne saura stopper leurs ardeurs pour sûr. Rien ne les empêche davantage qu’avant l’instauration du couvre-feu de se réunir en dehors de leur « bulle familiale ». Il suffit pour eux de rejoindre leurs compatriotes à vingt heure moins une, s’ils le souhaitent, et de découcher, ou tout simplement de se rencontrer le jour et la fin de semaine. Finalement, l’organisation de ces rassemblements, qui étaient déjà illégaux depuis plusieurs mois, ne s’en trouvera pas tellement plus complexifiée. De toute façon, c’est par la persuasion qu’il aurait fallu empêcher les comportements dangereux et non par la répression.

Et que dire des amendes! Avec l’entrée en vigueur du couvre-feu, elle ne revêtent pas un caractère plus dissuasif qu’elles ne le revêtaient au printemps 2020 alors qu’elles ont été adoptées. Cependant, ces amendes planent désormais sur la tête de l’ensemble de la population travailleuse qui circule la nuit de manière complètement inoffensive sur le plan sanitaire. Le Québec est d’ailleurs l’un de endroits où les amendes sont les plus salées. Alors que les corps policiers québécois vident des poches à coup de contraventions entre mille et six mille dollars, les amendes collées en France sont équivalentes à 210 dollars canadiens. Depuis samedi, l’arbitraire des policiers peut mener encore plus qu’avant à priver des innocents de leur capacité à se nourrir, se déplacer, se loger, mettre de côté des économies, etc. L’abomination derrière les déboursements exorbitants exigés se passe de commentaires… À en croire les déclarations du gouvernement, et tout spécialement les propos qu’il a tenus lors de son point de presse du 6 janvier, l’ennemi, ce n’est pas le virus, c’est la population. Et selon lui, c’est au moyen de la police qu’on lutte efficacement contre le virus : « Les policiers sont vraiment des alliés importants dans la lutte contre le virus depuis dix mois. Ils sont au front jour après jour. Ils font un travail qui n’est pas facile, mais on a besoin de les appuyer. En tout cas moi, j’ai besoin des policiers et le Québec a besoin des policiers pour être capable de réussir ce traitement choc dans les quatre prochaines semaines. »

L’accumulation de plus-value au détriment de la santé des prolétaires et de leurs enfants

Depuis le début de l’épidémie, la bourgeoisie oblige les travailleurs à prendre des risques chaque jour pour permettre au capital de continuer à s’accumuler. Elle est incapable de fournir à la population le matériel et les ressources nécessaires pour combattre le virus. Par exemple, les autorités n’ont jamais donné de consignes adéquates à la population sur le type de masques à utiliser et n’ont jamais assuré de distribution de matériel à la population. Les travailleuses de la santé n’ont pas les équipements adéquats et n’ont pas accès aux masques N95 en tout temps pour se protéger. Les capacités de dépistage et de traçage de l’État bourgeois sont déficientes. Et à présent, la vaccination de la population s’effectue de manière lente et chaotique. Par ailleurs, la population n’a jamais été informée correctement sur le virus, sur son mode de propagation et sur les manières de s’en protéger. Pendant plusieurs semaines au début de la crise, la Santé publique a martelé que le port du masque était dangereux pour la simple raison qu’il n’y en avait pas assez pour toute la population, générant une confusion immense. À plusieurs reprises (par exemple au début de l’été et avant le temps des fêtes), les autorités ont laissé entendre aux gens qu’ils pouvaient être nombreux à se réunir sans danger. Les autorités ont aussi répété ad nauseam que la COVID-19 n’était dangereuse que pour les personnes âgées, alors que jamais elles ne parlent des séquelles importantes qu’elle laisse chez une proportion élevée de survivants, qu’importe leur âge. On ne dit pas très fort non plus que sur toutes les hospitalisations répertoriées depuis le début de l’épidémie au Québec, 13% concernait des malades de 0 à 49 ans. Aux États-Unis, on rapportait de mars à juillet 12 000 morts de 25 à 44 ans de plus que la norme historique enregistrée annuellement dans les 20 dernières années. Tout porte à croire qu’ils sont majoritairement morts de la COVID-19, ce qui explique l’écart important enregistré. Aussi, le gouvernement Legault a expliqué à la population que c’était pour protéger le système de santé qu’il fallait se conformer aux mesures sanitaires. De ce fait, il est normal que certains n’aient pas cru que la vie humaine était mise à mal par la COVID-19, mais seulement le réseau de santé défaillant, minable et sous-financé. Et surtout, la Santé publique refuse de reconnaître clairement que le virus se transmet par voie aérienne, contredisant les connaissances accumulées internationalement sur le virus. Elle laisse entendre aux gens qu’ils sont en sécurité lorsqu’ils se trouvent à plus de deux mètres les uns des autres, alors que c’est faux : même en portant des masques, des individus se côtoyant pendant plusieurs heures dans des espaces intérieurs (surtout s’ils sont mal ventilés) peuvent se transmettre le virus à travers les particules microscopiques qu’ils émettent en parlant, en toussant et en respirant – particules qui se propagent et se déplacent dans l’air comme de la fumée de cigarette et qui peuvent rester en suspension pendant plusieurs heures. Au fond, ce sont les dirigeants qui minimisent le danger réel que représente la COVID-19 pour la population.

La situation dans le secteur manufacturier et industriel est des plus inquiétantes. Selon la vigie de l’INSPQ pour la semaine du 13 au 19 décembre, 40% des cas d’infection actifs et 27% des éclosions actives dans les milieux de travail (excluant les écoles, les garderies et les milieux de soins) émanaient des usines. Mais la bourgeoisie, elle, n’a que faire de la vie des ouvriers. Elle ne s’intéresse qu’à son portefeuille. Véronique Proulx, présidente de Manufacturiers et Exportateurs du Québec, a promptement réagi, le 5 janvier 2020, quand plusieurs médias se sont emballés et ont répandu que le gouvernement s’apprêtait à annoncer la fermeture du secteur manufacturier non essentiel. « Le pire des scénarios pour nous serait de retourner à la même situation que celle du printemps dernier », a-t-elle déclaré. Elle s’est mise à expliciter que si le secteur ferme temporairement, il se fera rapidement voler ses contrats et il sera extrêmement difficile de les regagner. Autrement dit, ce scénario n’est absolument pas envisageable, puisque que la trêve commune consentie par les concurrents internationaux s’est conclue à la fin du printemps dernier. Au lendemain de la conférence de presse du 6 janvier, c’est sans surprise que Mme Proulx (MEQ) s’est dite soulagée. « Nos entreprises manufacturières font face à une compétition féroce à l’international, notamment aux États-Unis, où leurs concurrents, eux, continuent d’opérer. En leur permettant de réaliser leurs engagements actuels, le gouvernement tient compte du fait que les besoins en biens et produits sont difficiles à mettre sur pause et qu’il faut préserver la compétitivité du secteur manufacturier québécois » a-t-elle souligné, en ajoutant : « Nous sommes loin du printemps. Tous les manufacturiers sont considérés comme essentiels. » Voilà qui a fait dire à Daniel Boyer, président de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ) : « On laisse aux employeurs le soin de décider et ça nous inquiète. On aurait préféré des règles claires. »

La négation ou, au mieux, la marginalisation, par les autorités sanitaires et l’exécutif gouvernemental, de la contamination par aérosols a conduit 400 scientifiques, spécialistes en santé au travail, ingénieurs, médecins et infirmières à publier une lettre ouverte le 4 janvier dernier pour s’insurger contre le refus de divulguer clairement cette information incontournable dont on détient la preuve scientifique depuis plusieurs mois. Déjà, en juillet, une analyse japonaise publiée dans une revue américaine révélait l’importance de la transmission aérienne en montrant que la dissémination du virus à 700 des 3 711 passagers du Diamond Princess n’avait comme origine qu’une seule personne infectée à l’embarquement. Une panoplie d’autres études n’ont cessé d’aller dans ce sens, allant jusqu’à conclure que le mode de transmission par aérosols est le plus important et qu’il se produit au-delà des deux mètres de distance prescrits. Or, dans une pièce fermée, les humains rassemblés exhalent du dioxyde de carbone (CO2). Quand le taux de CO2 est élevé dans une pièce, cela signifie qu’on se met à respirer de l’air provenant d’une autre personne, donc de l’air qui a le potentiel d’être infectieux. C’est d’ailleurs ce qu’expliquait Nancy Delagrave, professeure de mathématiques et de physique au collège de Maisonneuve à Montréal et conseillère scientifique du collectif COVID-STOP, en entrevue à la radio de Radio-Canada le 4 janvier dernier. Elle ajoutait qu’elle avait eu accès de manière anticipée à certaines des données recueillies par le gouvernement sur l’aération des écoles. Elle disait avoir vu des taux de CO2 enregistrés dans certaines classes s’élevant à 3 300 parties par million (PPM) alors que selon les connaissances scientifiques acquises, le taux doit être inférieur à 800 PPM pour atteindre un risque de contamination par voie aérienne minimal. À titre comparatif, la concentration de CO2 dans l’air extérieur est de l’ordre, en moyenne, de 400 PPM. À 3 300 PPM, si un élève dans une classe est infecté, les études démontrent que 12 camarades sont susceptibles de contracter le virus à leur tour. Il est indéniable que les classes sont des lieux à forte densité d’occupation dans lesquels la durée d’exposition à l’air est prolongée. Évidemment, le gouvernement refuse ne serait-ce que d’équiper les lieux intérieurs comme les classes de capteurs de dioxyde de carbone en permanence pour que la population sache à quoi s’en tenir en termes de niveau de CO2 dans l’air en tout temps. La transparence aurait très certainement pour effet de provoquer un refus massif de fréquenter les lieux de travail, les écoles et les commerces, de même que de provoquer des soulèvements devant l’obligation de s’y engouffrer chaque jour. L’opacité et le mensonge permet donc au gouvernement d’éviter le chaos. Plus encore, le groupe d’experts mandaté par le gouvernement pour examiner la ventilation dans les écoles, lui, fixait la norme à 1 000 PPM, ce qui s’avère être 200 PPM de plus que ce qui est prescrit. Pire, le 8 janvier, lorsque le ministre Roberge et le Dr Massé nous ont annoncé fièrement qu’il n’y avait que 3% des classes testées qui posaient problème, ils référaient à des classes où des taux supérieurs à 2 000 PPM ont été enregistrés, soit 1 200 PPM de plus que la norme autorisée. Autrement dit, la barre a été fixée de manière arbitraire pour étouffer la grogne populaire. Mais malgré le baratin éhonté qui nous a été livré lors de la conférence de presse récente portant sur le sort des écoles, le rapport met tout de même en lumière que le quart des classes ventilées mécaniquement a un taux de CO2 supérieur à la norme généreuse qu’ils ont fixée et que la moitié des classes ventilées de manière naturelle (portes et fenêtres) connait des taux trop élevés. Selon Sylvain Malette, président de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), la méthodologie employée par le gouvernement était mauvaise, à commencer par le faible nombre d’établissements visités (330 écoles sur environ 2 995 établissements primaires et secondaires au Québec). À la lecture du rapport commandé par le ministère de l’éducation, l’on apprend aussi que dans les classes ventilées naturellement, une des trois mesures par classe devait être prise avant même l’arrivée des élèves et une autre, à la fin d’un cours après avoir ouvert la fenêtre pendant 20 minutes! Et pour couronner le tout, l’on apprend que les mesures prises dans les classes où il n’a pas été possible d’ouvrir la fenêtre pendant la durée prescrite ont été exclues du calcul! Décidément, on a trafiqué la collecte de données et l’interprétation des résultats.

Dans le bilan du gouvernement daté du 15 décembre, 1 228 écoles (41% du réseau) contenaient des cas actifs de COVID-19. Qui plus est, le maintien de la présence des élèves en classe a généré 30% des éclosions actives répertoriées dans la province. À la mi-décembre, le nombre de classes fermées a atteint un sommet depuis la rentrée, soit 1 638. La situation est scandaleuse et le gouvernement n’a pas d’égard pour la santé des enfants et celle de leurs parents. Plutôt que de mettre fin à ce triste bilan en fermant les écoles, on fait de la prestidigitation avec un couvre-feu des plus inutiles et superflus. L’expérience nous a pourtant appris depuis longtemps que la fermeture des écoles est une mesure nécessaire pour endiguer une épidémie de virus respiratoire. On peut d’ailleurs remonter à la pandémie de « grippe espagnole » de 1918-1919 pour se convaincre que c’est la chose à faire. Comme l’ont par exemple montré l’historien médical américain Howard Markel et ses collègues en étudiant l’expérience de 43 villes aux États-Unis pendant cette pandémie d’influenza, la fermeture des écoles s’est révélée être l’une des mesures les plus efficaces pour limiter la propagation du virus. Selon ce que leurs recherches ont démontré, les villes qui ont agit le plus rapidement et le plus longuement en fermant les écoles en plus d’au moins une autre mesure de quarantaine (bannissement des rassemblements, isolation des malades, fermeture de routes et de voies ferrées, etc.) sont celles qui ont connu les taux de mortalité les plus bas. C’est ce qui a amené Markel à déclarer que « la bonne décision aujourd’hui est la fermeture des écoles ». Au fond, la progression scolaire des enfants et des adolescents peut se faire en ligne, malgré qu’elle n’est pas optimale. Mais la vie humaine mérite qu’on reporte à plus tard un cadre d’apprentissage plus adéquat. La réussite scolaire et la sociabilisation sont bien peu de choses si l’on n’a pas la santé et la vie. La raison pour laquelle l’organisation sociale n’est pas revue autrement dans son ensemble jusqu’à ce que la vaccination massive de la population soit complétée, c’est que la bourgeoisie a besoin que les parents puissent continuer de travailler pour que la machine à faire des profits se maintienne en marche. Alors il n’est pas question que les prolétaires troquent l’usine pour le baby-sitting! Il faut admettre que dans cent ans, ce ne sera pas de l’année scolaire ratée des écoliers dont nous parlerons, mais bien des millions de morts que la planète aura enregistrés en 2020-2021.

Et maintenant, après des mois de gestion désastreuse ayant conduit jusqu’à maintenant à l’effroyable mort de 8 647 Québécois, la bourgeoisie s’attaque aux masses avec une mesure répressive draconienne en les empêchant de circuler librement entre 20h00 et 5h00 tout en refusant de s’attaquer aux principaux lieux d’éclosion et aux principaux moteurs épidémiques! Mais cela n’est pas étonnant. Dans des situations de crise et de chaos, la réaction des classes dominantes consiste toujours à intensifier les mesures policières et à cibler les classes exploitées qu’elles voient comme une menace à contenir et comme un ennemi à combattre. La véritable nature de l’État bourgeois, c’est d’être un appareil de répression contre le prolétariat et les masses populaires. D’ailleurs, le couvre-feu que la bourgeoisie québécoise vient de mettre en place n’est que l’aboutissement de plusieurs mois d’accusations injustes et de mesures répressives odieuses contre le peuple visant à protéger les intérêts de la bourgeoisie et de ses représentants politiques.

Le prolétariat doit refuser toute légitimité au couvre-feu et aux mesures policières de la bourgeoisie!

Les autorités bourgeoises s’attaquent aux masses au lieu de s’attaquer au virus!

La vraie solution, c’est la pause économique complète jusqu’à la vaccination du peuple!