Élections américaines : la « gauche » postmoderne se range derrière l’impérialiste Biden

Dans les heures qui ont suivi l’annonce de la victoire de Joe Biden aux élections américaines du 7 novembre dernier, les médias bourgeois « libéraux » ont diffusé en boucle des images de foules en liesse exprimant leur appui au Parti démocrate dans plusieurs grandes villes américaines. L’ambiance qui se dégageait de ces manifestations ainsi que le ton des journalistes et des commentateurs à la radio et à la télévision donnaient l’impression que l’on assistait à la conclusion d’une période particulièrement sombre de l’histoire, au commencement d’une nouvelle ère marquée par l’émancipation et le progrès. Le monstre répugnant avait été vaincu par un sympathique gentleman qui allait « restaurer » la démocratie américaine. Quelques semaines plus tard, l’enthousiasme se maintient. Les actions de l’équipe de Joe Biden pour préparer son accession à la présidence sont présentées comme des gestes annonçant des changements positifs profonds. Mais en vérité, tout ceci n’est qu’une immense illusion. Le monde ne va pas changer – hormis de manière superficielle – avec l’arrivée de Biden au pouvoir. La machine de propagande bourgeoise (aux États-Unis comme au Canada) s’est encore une fois déchaînée pour donner l’impression d’un « renouveau » et pour entraîner le plus grand nombre à soutenir la démocratie capitaliste. Elle a même réussi, un peu comme avec l’élection d’Obama en 2008 – et probablement de manière encore plus spectaculaire –, à fabriquer un faux événement historique. Et comme on pouvait s’y attendre, la « gauche » postmoderne a encore une fois sauté à pieds joints dans cette vaste campagne de légitimation de l’impérialisme.

Toute la petite-bourgeoisie « progressiste » et post-moderne a été émue par le discours de victoire du candidat démocrate et par la cérémonie grandiose – ayant culminé avec des feux d’artifices – organisée pour célébrer son élection (cérémonie que les mêmes petits-bourgeois n’auraient sans doute pas hésité à qualifier de « totalitaire » si elle avait été organisée par l’équipe de Donald Trump). La performance de Kamala Harris – la première femme noire à accéder à la vice-présidence des États-Unis, comme on n’a pas cessé de le rappeler avec enthousiasme – a également suscité beaucoup d’excitation parmi cette couche de la population. Il semble que l’accession d’un Noir au poste de président et de commandant en chef des forces armées américaines en 2009 n’était pas suffisante pour faire comprendre aux petits-bourgeois postmodernes adeptes des remaniements basés sur la couleur de la peau dans l’appareil d’État bourgeois que la présence de femmes et de personnes noires dans les hautes instances de la société… fait simplement partie de notre époque aujourd’hui et qu’elle ne change absolument rien à la nature profondément réactionnaire de ces institutions!

À chaque fois qu’une élection a lieu dans les pays capitalistes, la « gauche » officielle défend l’idée qu’il est primordial d’appuyer le candidat bourgeois « progressiste » pour battre le candidat « de droite ». Et cette fois-ci, la « gauche » (et même « l’extrême-gauche »!) petite-bourgeoise a fait un tapage encore plus grand que d’habitude, puisque le candidat à battre était nul autre que le président Donald Trump, un politicien bourgeois vu comme étant vraiment différent des autres – voire comme étant un fasciste – par une panoplie de commentateurs et d’idéologues. En effet, pendant toute la présidence de Trump, l’ensemble de la petite-bourgeoisie intellectuelle a été horrifiée par son style grossier et hors normes, par les thèmes politiques qu’il a exploité, par ses déclarations rétrogrades, par ses diatribes contre les médias, etc. Par ailleurs, une partie de la grande bourgeoisie – même si Trump n’a jamais cessé de servir les intérêts de la classe dominante américaine dans son entièreté – ne voyait pas toujours d’un bon œil les provocations inutiles de son représentant, craignant parfois que les agissements et les paroles du président ne « salissent » les institutions bourgeoises. Se plaçant à la remorque de certains grands bourgeois préférant voir le camp démocrate l’emporter, la « gauche » postmoderne s’est donc mise dans la tête que cette élection-ci était réellement importante.

Pendant quatre ans, les analystes politiques se sont cassé la tête pour essayer de comprendre le « phénomène Trump », usant à outrance de concepts bidon tels que le « populisme », « l’autoritarisme » ou même le « trumpisme » pour imposer l’idée que Donald Trump se situe dans une catégorie à part (en compagnie des présidents de pays n’ayant rien à voir avec les États-Unis comme le Brésil ou la Turquie…). Mais quand on y regarde de plus près – et surtout, quand on regarde les choses en matérialistes –, on s’aperçoit que Donald Trump, malgré ses extravagances, son style inhabituel et sa démagogie assumée, est simplement un représentant de la bourgeoisie impérialiste américaine comme les autres. C’est un être tout à fait exécrable, certes, mais c’est un politicien qui s’inscrit dans la démocratie bourgeoise, de la même manière que son rival Joe Biden. Comme celui de n’importe quel chef d’État d’une grande puissance impérialiste, le mandat de Trump a été marqué par des crimes crapuleux contre le prolétariat et contre les peuples du monde. Mais qu’a-t-il donc fait de plus que les autres présidents américains pendant les quatre dernières années pour être dépeint, contrairement à eux, comme l’incarnation du mal absolu? La « gauche » petite-bourgeoise semble avoir la mémoire courte, mais rappelons-lui simplement que les deux présidents qui ont précédé Donald Trump ont déclenché des guerres et ont lancé des opérations militaires qui ont dévasté des pays entiers et fait plusieurs millions de morts!

L’administration Obama (au sein de laquelle Joe Biden était vice-président) a envoyé des dizaines de milliers de marines faire la guerre en Afghanistan pour servir les intérêts stratégiques de la bourgeoisie américaine dans la région, faisant passer le nombre de soldats américains dans le pays de 30 000 à 100 000 entre le début de son premier mandat et le sommet de l’occupation militaire en 2011. L’agression criminelle de ce pays du tiers-monde (l’un des plus pauvres de la planète) s’est poursuivie tout au long de la présidence d’Obama avant de continuer sous celle de Trump. Selon une vaste étude intitulée « Costs of War » réalisée par le Watson Institute for International Studies de l’Université Brown dans le Rhode Island, la guerre en Afghanistan aurait entraîné, au total, la mort directe de 157 000 personnes depuis l’invasion américaine déclenchée par l’administration Bush en 2001. Et c’est sans compter les « morts indirectes » ainsi que les millions de personnes déplacées. En plus d’avoir intensifié la guerre déclenchée par son prédécesseur, le Prix Nobel de la paix Obama (!) a également joué un rôle de premier plan dans le déclenchement de l’opération militaire dévastatrice de l’OTAN en 2011 contre la Libye, sans parler de l’implication militaire américaine directe dans la guerre en Syrie enclenchée sous son administration en 2014. La présidence d’Obama fut également marquée par le développement de son charmant programme d’assassinats par frappes de drones, lequel a fait des milliers de victimes (dont une bonne partie de victimes civiles « collatérales ») au Pakistan, au Yémen, en Somalie et en Afghanistan. Et ce ne sont qu’une partie des nombreux crimes et gestes d’agression commis par l’impérialisme US sous l’administration Obama-Biden. Mais ces crimes ne sont pas importants aux yeux de la « gauche » postmoderne, puisque Barack Obama est un jeune politicien noir « branché » qui sait faire de beaux discours sur la démocratie et sur l’égalité, et qui a défendu les personnes « transgenres » dans la « bataille des toilettes » aux États-Unis.

Pour ce qui est de la présidence de Georges W. Bush, elle a notamment été marquée par le commencement de la « guerre contre la terreur », par l’invasion de l’Afghanistan et par le déclenchement de la guerre contre l’Irak en 2003 – une offensive militaire qui, à elle seule, aurait causé autour d’un million de morts entre 2003 et 2012 selon le rapport « Body Count » de 2015 produit conjointement par les organisations Physicians for Social Responsability, Physicians for Global Survival et International Physicians for the Prevention of Nuclear War. Mais peut-être que la « gauche » postmoderne va pardonner à Georges W. Bush ces crimes contre l’humanité, maintenant que cet ex-président appelle publiquement à combattre le « racisme systémique » aux États-Unis.

L’ensemble des interventions militaires lancées par Bush et Obama auront provoqué un niveau de souffrance et de destruction innommable dans les régions touchées par ces agressions impérialistes. Toujours selon l’étude « Costs of War » du Watson Institute for International Studies, entre 770 000 et 801 000 personnes ont été tuées directement lors de combats en Afghanistan, en Iraq, en Syrie, au Pakistan et au Yémen depuis que les forces armées américaines y ont initié des opérations militaires au cours des 20 dernières années. À ce nombre, il faut ajouter entre 3,1 et plus de 12 millions de « morts indirectes », c’est-à-dire de personnes ayant perdu la vie en raison de la faim, de la maladie et de la destruction des infrastructures, sans parler des dizaines de millions de personnes déplacées en raison du chaos et de la violence provoqués par les affrontements. Nul besoin de mentionner que Joe Biden fait également partie des principaux responsables de ces offensives impérialistes meurtrières, non seulement en tant qu’ancien vice-président des États-Unis sous l’administration Obama, mais également en tant qu’ancien sénateur démocrate et ancien membre de la commission des Affaires étrangères du Sénat américain. En 2002, il a non seulement voté en faveur de la guerre contre l’Irak voulue par l’administration Bush, mais a été l’une des voix démocrates les plus actives et les plus influentes dans la campagne politique ayant mené à son déclenchement. Notamment, alors qu’il était président de la commission des Affaires étrangères du Sénat américain, il a organisé des audiences importantes sur l’éventuelle invasion de l’Irak en s’assurant de choisir 18 témoins dont la majorité colportait des mensonges au sujet du régime de Saddam Hussein et appuyait son renversement par une intervention militaire étrangère. En 2001, Joe Biden a également pris part au vote unanime du Sénat en faveur de la résolution ayant autorisé le président Bush à envahir l’Afghanistan. En 1999, sous la présidence de Bill Clinton, il a également été l’un des plus fervents partisans de la campagne de bombardement de l’OTAN dirigée par les États-Unis contre la Yougoslavie, campagne qui a fait des milliers de morts et ravagé les infrastructures civiles du pays – « l’un des moments dont il est le plus fier » lorsqu’il fait le bilan de sa longue carrière politique au service de l’impérialisme américain, selon ses propres dires. Et c’est la victoire de cette ordure belliqueuse que la « gauche » postmoderne célèbre maintenant!

Évidemment, les opérations militaires et les crimes impérialistes se sont poursuivis énergiquement pendant la présidence de Trump. Notamment, les bombardements aériens américains en Afghanistan se sont intensifiés dans les dernières années (avec un nombre record de bombes larguées en 2019 selon les données officielles fournies par le US Central Command). Mais ce ne sont pas des faits de ce genre qui ont été mis de l’avant par les principaux détracteurs du président pour le disqualifier. On a préféré dénoncer sa rhétorique, ses déclarations intempestives, ses manœuvres politiques au sein des institutions bourgeoises ou même ses agissements personnels. D’ailleurs, ses nombreuses frasques – dont les médias ont été particulièrement friands pendant quatre ans – ont permis de détourner l’attention de nombreux crimes commis par l’impérialisme US durant sa présidence. Et lorsqu’il était question de politique étrangère, le camp démocrate reprochait la plupart du temps au président de ne pas être assez agressif – comme par exemple envers la Russie ou la Corée du Nord.

Parmi toutes les thématiques mises de l’avant par le président Trump pour s’attirer des appuis, c’est sans doute sa rhétorique « anti-immigration » qui a le plus horrifié les esprits postmodernes. La « gauche » petite-bourgeoise a passé les quatre dernières années à s’émouvoir des rafles de l’administration Trump contre les immigrants illégaux et à dénoncer son fameux projet de mur à la frontière entre les États-Unis et le Mexique. On s’est notamment insurgé de sa politique « tolérance zéro » ayant mené à la séparation de familles immigrantes à la frontière et à l’enfermement d’enfants dans des « cages ». Mais pourtant, cette même « gauche » n’était pas aussi vocable lorsque le même genre de mesures répressives étaient appliquées sous la présidence d’Obama. D’abord, il faut mentionner que les centres de détention en question (les fameuses « cages ») ont été construits sous l’administration Obama-Biden dans le but de détenir des enfants immigrants, ce à quoi ils ont effectivement servi avant l’arrivée de Trump au pouvoir – bien que dans une moindre mesure. Des familles immigrantes ont également été séparées régulièrement sous la présidence d’Obama (sans parler du fait que la justice bourgeoise sépare constamment des familles dans tous les pays capitalistes sans qu’aucun commentateur ne s’en émeuve). Plus largement, les petits-bourgeois postmodernes devraient savoir que l’administration Obama-Biden a déporté un plus grand nombre de prolétaires immigrants à chaque année, en moyenne, que celle de Trump. En effet, pendant toute sa présidence, Obama a déporté 1 242 486 personnes de l’intérieur du pays (155 311 en moyenne par année), alors que pendant ses trois premières années, Trump en a expulsé 242 295 (c’est-à-dire « seulement » 80 765 par année en moyenne). On voit que les politiciens bourgeois n’ont nullement besoin d’être des racistes invétérés (et qu’ils peuvent même être des personnalités raffinées et ouvertes d’esprit comme Obama) pour assurer le fonctionnement normal d’un État bourgeois possédant des frontières, contrôlant les entrées et les sorties sur son territoire et recevant un afflux important d’immigrants en provenance de pays appauvris par l’impérialisme. Pour ce qui est du fameux mur de Trump à la frontière entre les États-Unis et le Mexique que la « gauche » petite-bourgeoise n’a cessé de dénoncer, il suffit de mentionner que les Démocrates ont régulièrement appuyé le renforcement de la « sécurité frontalière » dans le passé, que la construction du premier mur entre San Diego et Tijuana a été ordonnée sous la présidence de Bill Clinton en 1993 et qu’Obama et Joe Biden ont eux-mêmes voté en 2006 en faveur de la construction d’une barrière physique longue de 700 milles à la frontière entre les États-Unis et le Mexique alors qu’ils étaient tous deux sénateurs.

Tout au long de se présidence, Donald Trump a constamment été dépeint par les commentateurs petits-bourgeois et « libéraux » comme une menace contre la démocratie américaine. Cette accusation se poursuit depuis les élections, alors que plusieurs défendent l’idée que Trump – qui refuse toujours de reconnaître publiquement la victoire de Joe Biden aux élections – serait en train de fomenter un coup d’État pour conserver la présidence malgré sa défaite. Évidemment, personne ne nous explique pourquoi les conflits internes au sein de la grande bourgeoisie américaine auraient tout à coup atteint un tel niveau d’intensité que celle-ci ne serait plus capable de les résoudre par des moyens démocratiques, comme elle l’a toujours fait depuis que la révolution bourgeoise a été complétée aux États-Unis. On ne nous explique pas non plus pourquoi le Parti républicain se lancerait dans une initiative aussi risquée, alors qu’on sait bien qu’il reprendra le pouvoir comme d’habitude après un ou deux mandats démocrates. Surtout, on ne prend pas la peine de se demander quelles conditions objectives obligeraient désormais le grand capital américain à instaurer une dictature ouverte pour défendre son pouvoir.

Certains commentateurs ayant sombré dans un délire idéaliste particulièrement prononcé ont même évoqué la possibilité que le pays sombre dans une nouvelle guerre civile après les élections. Il faudrait leur expliquer que la Guerre de Sécession (1861-1865) était l’expression de la confrontation historique entre deux modes de production (esclavagiste et capitaliste) et non simplement un événement purement aléatoire dépourvu de base matérielle. Par le fait même, c’était un épisode majeur de la révolution bourgeoise américaine qui est aujourd’hui complétée depuis longtemps. Pour qu’une guerre civile ait lieu, il faut que la société soit traversée par une contradiction entre des classes sociales ou des fractions de classe aux intérêts économiques irréconciliables et il faut que cette contradiction soit parvenue à un degré de maturité suffisant pour faire émerger un affrontement armé entre deux parties de la population. Or, les débats actuels au sein de l’État bourgeois américain, aussi houleux soient-ils, ne sont aucunement de cette nature. Mais les petits-bourgeois idéalistes n’en ont rien à faire, puisqu’ils n’examinent jamais la base matérielle des choses. Ils préfèrent s’énerver à propos des déclarations décomplexées du président sortant et de ses tentatives jusqu’au-boutistes pour gagner la bataille démocratique contre son adversaire et pour préserver son image publique. On répète en chœur la ligne propagandiste du camp démocrate qui consistait, pendant la campagne électorale, à faire des déclarations grandiloquentes sur la nécessité de préserver la démocratie contre un leader potentiellement « autoritaire » (une idée aussi farfelue et « partisane », soit dit en passant, que celle du camp républicain qui consistait à dire que l’arrivée des Démocrates au pouvoir ferait basculer le pays vers le socialisme…). Évidemment, on passe sous silence le fait que les Démocrates ont passé presque l’entièreté du mandat de Trump à tenter de délégitimer sa présidence, notamment en l’accusant faussement d’avoir comploté avec le gouvernement russe lors de la campagne présidentielle de 2016. Soulignons au passage à quel point le délire entretenu par les Démocrates sur « l’ingérence russe » constituait une insulte grossière à tous les peuples victimes de l’impérialisme US dans le monde. Car non seulement les États-Unis n’hésitent pas à s’ingérer dans les élections des autres pays, mais ils sont même allés régulièrement jusqu’à renverser des gouvernements et à assassiner des dirigeants élus lorsque ceux-ci ne se soumettaient pas suffisamment à la volonté de la grande bourgeoisie américaine!

Dans la dernière année, on a pointé du doigt abondamment la gestion de l’épidémie de COVID-19 aux États-Unis par l’administration Trump. On n’a pas cessé de dénoncer les déclarations farfelues du président à propos de la crise sanitaire, sa négation ouverte du danger du virus et son absence d’initiative pour freiner sa propagation. La situation de l’épidémie aux États-Unis a été présentée ailleurs dans le monde – notamment au Canada – comme un véritable enfer par les médias. Certes, l’administration Trump agit depuis le début de l’année de manière absolument criminelle en laissant le virus contaminer massivement la population américaine, une inaction ayant entraîné la mort de plus de 250 000 personnes jusqu’à maintenant. Le président a effectivement fait de nombreuses déclarations fausses, contradictoires et répugnantes à propos de la pandémie et des conséquences du virus sur la santé humaine. Mais la rhétorique et le comportement de Trump n’est qu’un reflet pleinement assumé de ce que font depuis des mois les dirigeants de tous les États impérialistes en refusant de mettre un frein aux activités économiques et en empêchant la population de se confiner, laissant le virus infecter des millions de personnes et provoquer une véritable hécatombe pour permettre à l’accumulation capitaliste de continuer sans entraves. La « gauche » petite-bourgeoise, qui ne cesse de dénoncer Trump et qui croit que Joe Biden aurait fait mieux, est complètement hypocrite. Jusqu’à tout récemment, un grand nombre de commentateurs petits-bourgeois (notamment des journalistes de Radio-Canada dont Josée Boileau) qui, par ailleurs, dépeignaient la gestion des autorités américaines comme un véritable désastre, vantaient l’approche « intéressante » et « originale » du gouvernement suédois basée sur « l’immunité collective ». Cette politique consistait ni plus ni moins à ne rien faire (ou presque) pour empêcher le virus de se répandre et de causer une hécatombe massive parmi la population suédoise. Dans ce pays, il n’y pas eu de confinement général au printemps dernier (avec des conséquences désastreuses) contrairement à ce qui s’est produit partout en Amérique du Nord et en Europe. La stratégie suédoise est donc bien pire que celle qui a effectivement été appliquée aux États-Unis depuis le début de la pandémie (même si ce sont les gouverneurs des États, et non le gouvernement fédéral, qui ont décrété les mesures de confinement, laissant à Trump le loisir d’être un peu en décalage avec la manière dont la gestion de la crise se déroulait en temps réel). Mais puisque les dirigeants suédois semblent s’exprimer avec intelligence et qu’il est de bon goût de s’intéresser à ce pays scandinave parmi la petite-bourgeoisie intellectuelle, leurs agissements ont été vus comme un choix audacieux et brillant.

Les détracteurs petits-bourgeois et postmodernes du président Trump confondent le style et les thèmes politiques dont les politiciens bourgeois se servent pour aller chercher des appuis avec le résultat réel de leurs actions. Ils s’intéressent au discours plutôt qu’aux contradictions matérielles, ce qui les amène à exagérer grandement les différences qui existent entre divers représentants du capital. Par ailleurs, la « gauche » petite-bourgeoise se laisse dominer par les conflits internes au sein de la grande bourgeoisie et se range immanquablement derrière un « camp » bourgeois contre un autre. Il faut dire aussi que la petite-bourgeoisie intellectuelle et culturelle préfère appuyer le camp le plus susceptible de satisfaire concrètement ses revendications à elle : ses revendications postmodernes. Elle appuie Joe Biden parce qu’il est en train de former un cabinet qui fait de la place à la « diversité » et parce qu’il adoptera d’autres mesures conformes aux préceptes du postmodernisme. Elle l’appuie parce que c’est lui, pour elle, qui promet de concrétiser le slogan « Make America Great Again ». Ce faisant, elle renforce la légitimité et la solidité de la démocratie bourgeoise pourrissante.

Bien sûr, en tant que président de l’une des premières puissances impérialistes mondiales, Donald Trump est un criminel qui mérite d’être profondément haï par les masses. Mais il est particulièrement déplorable qu’actuellement, la détestation d’un politicien bourgeois par le peuple finisse toujours par être détournée pour servir à renforcer le candidat bourgeois rival. La confusion générée par la petite-bourgeoisie doit être dissipée. Ce n’est pas seulement tel ou tel politicien bourgeois qui est responsable de la souffrance des masses : tous les candidats aux élections bourgeoises, sans exception, sont des représentants de la classe exploiteuse et sont des ennemis du peuple. Les masses ne doivent pas se laisser distraire par le tapage postmoderne de la petite-bourgeoisie : elles doivent s’organiser et lutter pour renverser les institutions de la démocratie bourgeoise et pour les remplacer par un nouveau pouvoir prolétarien au service de la majorité.