COVID-19 : L’usine de Vallée-Jonction, les lieux de travail et la contestation ouvrière
L’éclosion majeure en cours à l’usine d’abattage de porcs Olymel de Vallée-Jonction – où au moins 90 ouvriers ont contracté le virus dans les derniers jours et où l’un d’entre eux en est déjà décédé – est un exemple éloquent des conséquences funestes de la pression qu’exercent les capitalistes sur les travailleurs dans le contexte de la pandémie actuelle. La situation dans cette usine est également représentative du combat qui se déroule présentement dans la société entre les prolétaires qui cherchent à se protéger du virus et les bourgeois qui cherchent à maintenir la production et l’accumulation de profits à un niveau maximum, au détriment de la santé des masses.
En effet, comme on pouvait déjà le constater au début de la pandémie, la société est de plus en plus traversée par deux mouvements contraires. L’un de ces deux mouvements (relance économique, relâchement des mesures de protection, etc.) alimente la progression de l’épidémie, tandis que l’autre (résistance à l’obligation de prendre des risques au travail, contestation de la gestion catastrophique de la crise par les autorités, dénonciation du manque de ressources dans le système de santé, etc.) cherche à freiner le plus possible cette progression. Plus l’épidémie se développera et plus l’opposition entre ces deux mouvements – dont le premier est porté par le capital et le second par le prolétariat – se manifestera de manière ouverte.
À l’usine Olymel de Vallée-Jonction, la colère gronde parmi les ouvriers et leurs représentants syndicaux. Depuis plusieurs jours, le Syndicat des travailleurs d’Olymel Vallée-Jonction–CSN réclame la fermeture de l’usine pour au moins deux semaines afin d’empêcher que davantage d’ouvriers ne soient infectés. Mais malgré l’ampleur de l’éclosion et la progression extrêmement rapide de la propagation du virus (le nombre officiel de contaminés étant passé d’une quarantaine à 90 en moins d’une semaine), la direction d’Olymel s’entête à garder l’usine ouverte – une décision brutale révélant l’absence totale de considération des capitalistes possédant l’entreprise pour la santé et la vie des ouvriers à la source de leurs profits.
Preuve que la Santé publique n’est qu’une instance fantoche à la solde des intérêts du capital, la Direction régionale de la santé publique de Chaudière-Appalaches affirme elle aussi depuis la semaine dernière qu’il n’est pas nécessaire de fermer l’usine. Ignorant les inquiétudes parfaitement fondées des travailleurs, les dirigeants de l’établissement et les autorités sanitaires clament que leur stratégie pour mettre fin à l’éclosion demeure le dépistage massif. À ce propos, notons que les bourgeois en question ont d’abord résisté à l’idée de faire passer un test à l’ensemble des 1 050 travailleurs de l’usine comme le demandait le syndicat, préférant se contenter d’un dépistage des employés de la salle de découpe, où semblait se concentrer l’éclosion. Jeudi dernier, le porte-parole d’Olymel, Richard Vigneault, affirmait qu’« il n’y [avait] pas de raison d’élargir le dépistage à d’autres secteurs de l’usine » selon « les conclusions de la visite des autorités de la Santé publique ». Puis, le lendemain, confrontés à l’absurdité de leur décision et constatant avec effroi la vitesse de la transmission, la direction de l’entreprise et la santé publique de Chaudière-Appalaches se sont finalement résignés à faire passer un test aux 800 employés n’ayant pas encore été testés – un processus qui devait débuter pendant la fin de semaine. Malheureusement, leurs tergiversations ridicules auront probablement gaspillé un temps précieux pour freiner la propagation du virus.
Au-delà de cette perte de temps absurde, la campagne de dépistage qui a été mise en œuvre ne permet nullement aux travailleurs de se protéger du virus en l’absence d’une fermeture temporaire de l’usine. À ce propos, le président Martin Maurice soulignait, jeudi dernier, le caractère désorganisé et non-sécuritaire du processus : « Bien sûr qu’on est déçu, il y a des gens qui sont inquiets parce qu’ils travaillent avec d’autres personnes qui sont en attente de test. Les travailleurs qui ont passé les tests en usine avec la Santé publique ont toujours continué à travailler. Seulement ceux qui ont passé des tests à l’extérieur de l’usine avec des symptômes sont en isolement en attendant leur résultat ». Et au lieu de réduire la cadence de la production en réponse au retrait de certains travailleurs, la direction d’Olymel opte plutôt pour l’option contraire en obligeant d’autres ouvriers à effectuer des tâches qu’ils n’ont pas l’habitude d’accomplir, une situation que dénonce bien entendu le syndicat : « Au lieu de baisser les chaînes de production, l’employeur les a augmentées. Il met du monde qui n’est pas formé sur des postes de travail. »
D’ailleurs, cette pression odieuse exercée par l’entreprise sur ses employés – les obligeant à prendre toujours plus de risques pour augmenter ses profits – ne date pas seulement des derniers jours. Comme le rappelle Martin Maurice, le syndicat a dû lutter dès le début de la pandémie pour que des mesures de protection minimales soient mises en place. Puis, pendant l’été, la direction de l’établissement a relâché certaines des mesures qu’elle avait accepté d’adopter pour éviter qu’une éclosion ne survienne. Par exemple, la période tampon de 10 minutes entre les quarts de travail – qui avait été instaurée pour éviter que les travailleurs de différents quarts de travail n’aient à se croiser – a été abolie. Aussi, les travailleurs ont vu le retour en force des heures supplémentaires, lesquelles avaient été restreintes pour la même raison. Le syndicat dénonce également le recours à la sous-traitance par l’entreprise, craignant que des travailleurs qui ne sont pas soumis à des mesures de protection concernant les déplacements entre lieux de travail n’introduisent le virus de l’extérieur (ou bien ne le transportent vers d’autres usines). Des travailleurs de l’usine Olymel de Yamachiche en Mauricie avaient d’ailleurs eux aussi exprimé leurs inquiétudes au début du mois d’octobre par rapport au fait que la direction de cet établissement continuait à faire venir des dizaines de travailleurs en provenance de Montréal, une « zone rouge ».
Ces décisions dangereuses et ce « relâchement » de la part des capitalistes pourraient bien avoir contribué à l’éclosion actuelle à l’usine de Vallée-Jonction. La situation est d’autant plus révoltante pour les ouvriers qu’ils ont continué, eux, à se protéger du mieux qu’ils pouvaient pendant les mois précédents et à porter le masque pendant leurs quarts de travail, malgré l’inconfort. Et maintenant, on les oblige, malgré tous les efforts auxquels ils ont consenti, à courir un risque extrêmement élevé de s’infecter quand même en refusant de prendre la seule décision rationnelle qui s’impose, soit la fermeture de l’usine. En plus de sacrifier leur santé, on les oblige à contribuer malgré eux à la progression de l’épidémie dans leur région, et ce, au moment même où le gouvernement blâme la population (c’est-à-dire les prolétaires) de la Chaudière-Appalaches et de la Capitale-Nationale de ne pas respecter suffisamment les consignes de la santé publique! En cela, la situation à l’usine de Vallée-Jonction est représentative de ce qui est en train de se passer à l’échelle du Québec entier. Le grand « relâchement » que les autorités bourgeoises ne cessent de dénoncer, ce n’est pas celui des travailleurs, mais bien celui des patrons et des capitalistes!
Les éclosions se multiplient dans les milieux de travail partout au Québec
Bien que l’ampleur et la gravité de cette éclosion l’ont placée au cœur de l’actualité des derniers jours –dans les médias bourgeois comme dans le mouvement ouvrier –, il faut garder en tête que cet événement est loin d’être un accident isolé. La relance économique opérée par la bourgeoisie depuis des mois, ainsi que son entêtement à garder les principaux milieux de production ouverts en dépit de la deuxième vague, ne peut que conduire à la contamination de plus en plus massive des prolétaires sur leurs lieux de travail. En fait, c’est le travail qui constitue le principal moteur de l’épidémie actuelle, contrairement au discours mystificateur qu’ont tenu les autorités bourgeoises du Québec pendant près de deux mois en affirmant que les fêtes privées, les réunions familiales et les loisirs avaient causé la deuxième vague. Cette vérité devrait pourtant aller de soi, puisque c’est au travail que la plupart des prolétaires « actifs » croisent le plus de personnes et pendant le plus longtemps. Surtout, c’est afin de mettre en œuvre le procès social de travail et de production que le capital organise le mouvement quotidien de millions de prolétaires à l’échelle de la société – incluant la fréquentation des réseaux de transport collectif ainsi que celle des écoles, où sont entassés les enfants des travailleurs pour permettre à ces derniers d’être disponibles pour les compagnies qui les embauchent. Malgré les mesures répressives prises par les autorités pour empêcher – injustement – les prolétaires de fréquenter leurs amis et leur famille pendant leurs temps libre, ce grand mouvement continue de se dérouler chaque jour, conduisant de plus en plus de travailleurs à contracter le virus et alimentant sans cesse l’épidémie.
D’ailleurs, même si les autorités ne peuvent admettre trop ouvertement que c’est le procès social de travail qui constitue le moteur de l’épidémie (ce qui les forcerait à reconfiner des secteurs importants de l’économie comme au printemps dernier), elles commencent néanmoins à révéler, du bout des lèvres, certaines informations confirmant l’ampleur du phénomène – bien qu’elles cherchent par tous les moyens à en masquer le mouvement réel, affirmant par exemple que la transmission liée au travail serait causée par la « transmission communautaire » et non l’inverse! La semaine dernière, le directeur national de santé publique, Horacio Arruda, a laissé tomber une petite bombe en révélant de manière inopinée, lors d’un point de presse, l’information selon laquelle 46% des éclosions détectées par les autorités dans la province se situaient dans les « milieux de travail ». Il faut noter que cette catégorie exclut les centres hospitaliers, les CHSLD, les écoles et les garderies, qui sont aussi des lieux de travail où des prolétaires sont obligés de se rendre chaque jour et où l’on compte également un grand nombre d’éclosions.
Aussi, bien que cette information n’ait pas été portée à l’attention de la population par les politiciens et les médias bourgeois – les journalistes ayant été trop occupés à répéter le discours gouvernemental officiel selon lequel le virus se propageait lors des loisirs des prolétaires –, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) publie depuis la mi-juin un rapport hebdomadaire présentant l’évolution des éclosions dans les milieux de travail, « excluant les milieux de soins aigus et d’hébergement de longue durée, de garde et scolaires ». Or, selon le dernier rapport publié (portant sur la semaine du 11 au 17 octobre), pas moins de 898 milieux de travail auraient été touchés par des éclosions entre la mi-juin et le 17 octobre au Québec. Uniquement à Montréal, 230 éclosions auraient été recensées pendant la même période. Pire encore, depuis la fin du mois d’août, le nombre d’éclosions actives en milieux de travail s’accroît de manière exponentielle. Alors qu’au moment de la dernière semaine d’août, la province comptait 70 milieux de travail en éclosion active (avec 385 travailleurs infectés), il y en avait 501 (avec 2 061 travailleurs infectés) le 17 octobre! Plus encore, pendant la semaine du 11 au 17 octobre, le nombre de nouvelles éclosions recensées a été de 174 et le nombre de nouveaux travailleurs infectés a été de 685.
Fait intéressant, selon l’INSPQ, les secteurs d’activité comptant le plus grand nombre d’éclosions depuis la mi-juin sont les suivants, en ordre d’importance : 1) Industries manufacturières, en particulier les industries des aliments (174 éclosions); 2) Commerces de détail, notamment les épiceries-boucheries (157 éclosions); 3) Hébergement et restauration, principalement les restaurants (120 éclosions); 4) Autres services, notamment les services de divertissements et de loisirs (71 éclosions); 5) Services aux entreprises, essentiellement des bureaux d’avocats, de comptables et de services-conseils (62 éclosions); 6) Construction, particulièrement les entrepreneurs spécialisés (59 éclosions); 7) Commerces de gros, en particulier les commerces de produits alimentaires (59 éclosions). On voit donc que la classe ouvrière est particulièrement touchée par l’épidémie.
Bien sûr, il est à peu près certain que ces rapports de l’INSPQ sous-estiment largement le nombre réel de travailleurs infectés sur leurs lieux de travail – et qu’ils le sous-estiment de plus en plus à mesure que l’épidémie prend de l’ampleur. En effet, les dispositifs mis en place par la bourgeoisie pour suivre l’évolution de l’épidémie et la combattre sont déficients. Les efforts de dépistage sont insuffisants et les équipes de la santé publique qui mènent les enquêtes épidémiologiques sont débordées. Or, cette situation n’ira qu’en empirant à mesure que le nombre réel d’infections et d’éclosions augmentera. Ainsi, un grand nombre d’éclosions en milieux de travail sont certainement passées sous le radar (et un plus grand nombre encore risquent de ne pas être détectées à l’avenir). Ensuite, ces données ne témoignent pas non plus de toutes les infections indirectement causées par les éclosions sur les lieux de travail (par exemple celles de membres de la famille immédiate des travailleurs), ni de celles engendrées par les actions liées au fait de devoir aller travailler (déplacements en transport en commun, achats divers, etc.). Bref, elles ne saisissent que partiellement le mouvement réel du virus propulsé par le procès social de travail et de production que la bourgeoisie met en branle pour accumuler du profit.
La réponse de la bourgeoisie, la réponse du prolétariat
Face à la deuxième vague de COVID-19, la réponse de la bourgeoisie n’est pas du tout à la hauteur. Au lieu de chercher à éteindre le moteur de l’épidémie en ralentissant de manière considérable l’activité économique – comme elle l’avait fait momentanément au printemps dernier en raison de conditions bien particulières –, la classe dominante (après avoir refusé d’agir pendant des semaines) s’est principalement attaquée au temps libre et aux loisirs des travailleurs, leur interdisant de fréquenter leurs amis et leur famille tout en les obligeant à continuer d’aller travailler et d’envoyer leurs enfants à l’école. Ainsi, dans les usines, dans les commerces, sur les chantiers et partout ailleurs où les prolétaires sont forcés de travailler pour recevoir un salaire, on continue de faire pression sur eux et de les obliger à prendre des risques.
Les mesures que la bourgeoisie a mises en place, bien qu’elles ont certainement un effet, sont loin d’être suffisantes pour freiner la propagation du virus. Devant la multiplication des éclosions dans les milieux de travail, le gouvernement réagit en annonçant que la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) fera un nouveau « blitz » de surveillance et d’inspections. D’abord, il est permis de douter de l’effet qu’une telle campagne pourrait avoir, lorsqu’on sait comment la CNESST est demeurée passive dans les derniers mois face aux capitalistes refusant de se plier aux normes de sécurité élémentaires relatives à la pandémie. En effet, à la mi-juillet, malgré des milliers d’interventions réalisées par l’organisation à la suite de nombreuses plaintes liées au non-respect des mesures de prévention par les employeurs, aucune entreprise n’avait encore été sanctionnée depuis le début de la crise sanitaire. Ce bilan ne s’est guère amélioré dans les mois qui ont suivi. Dans les derniers jours, on apprenait qu’entre le 13 mars et le 17 octobre, pas moins de 3 375 plaintes ont été déposées à la CNESST en lien avec la COVID-19. Pendant la même période, les inspecteurs de l’organisation ont réalisé 12 226 interventions relatives à la pandémie. Or, durant ces sept mois, seulement 22 entreprises ont reçu un constat d’infraction pour le non-respect des mesures de prévention!
Mais plus largement, on aurait beau tenter de renforcer les mesures de sécurité dans les milieux de travail, ces mesures seront toujours insuffisantes, dans les conditions historiques actuelles, pour empêcher le virus de se propager tellement celui-ci est contagieux. Comme le montre l’exemple de l’usine de Vallée-Jonction, même avec des mesures comme la mise en place de panneaux de plexiglas et le port de masques, le simple fait que les travailleurs sont rassemblés plusieurs heures par jour dans les mêmes espaces intérieurs est suffisant pour que des éclosions aient lieu – le virus pouvant se transmettre dans l’air par la simple respiration. En vérité, pour empêcher les éclosions et freiner l’épidémie, il faudrait fermer l’ensemble des milieux de travail non-essentiels (tout en continuant à verser leurs salaires aux travailleurs en puisant dans les ressources accumulées par la société pour qu’ils puissent continuer à vivre). Bien sûr, un certain nombre de lieux de production – par exemple ceux où l’on fabrique des aliments comme l’usine d’abattage de porcs de Vallée-Jonction – doivent continuer à fonctionner. Mais c’est justement en limitant au maximum l’activité économique dans l’ensemble de la société que l’on peut arriver à protéger les prolétaires qui doivent continuer à travailler dans les secteurs essentiels.
Malheureusement, le capital peut difficilement se résoudre à interrompre de la sorte une partie significative de la production à l’échelle de la société, puisqu’il doit sans cesse continuer de s’accroître. La bourgeoisie québécoise et canadienne, engagée dans une concurrence féroce avec les autres bourgeoisies impérialistes, ne peut pas prendre de retard sur ses adversaires. C’est pourquoi malgré la prétention des autorités capitalistes de vouloir « casser » la deuxième vague (qu’elles ont elles-mêmes laissée se produire en relançant l’économie et en rouvrant les écoles), elles ne veulent pas mettre en place les mesures de confinement nécessaires pour stopper la contagion, comme elles l’avaient fait au printemps dernier. Elles ne veulent pas le faire parce qu’elles ne veulent pas nuire à la relance de l’accumulation de profits et ce, même si les travailleurs qui génèrent ces profits doivent sacrifier leur santé ou même leur vie.
Mais la classe ouvrière ne se laisse pas faire passivement. À la pression meurtrière exercée par la bourgeoisie s’oppose le mouvement des prolétaires qui cherchent à se protéger du virus et à limiter la progression de l’épidémie. La bourgeoisie peut d’ailleurs se compter chanceuse de pouvoir miser sur l’expérience accumulée par les masses prolétariennes dans les derniers mois pour limiter la transmission de la maladie. Sans les efforts des prolétaires, l’épidémie progresserait encore plus rapidement qu’elle ne le fait présentement. Mais malheureusement, ces efforts ne suffiront pas pour freiner la contamination des masses dans les conditions actuelles, étant en grande partie annihilés par les rapports sociaux capitalistes. Dans les milieux de travail, le danger devient de plus en plus grand et il est de plus en plus manifeste, éveillant l’indignation et la colère des prolétaires. Ainsi, la progression de l’épidémie s’accompagne de la contestation et de la résistance prolétarienne. En cela, la situation à l’abattoir de Vallée-Jonction est un exemple de ce qui est en train de se développer partout. Comme c’est le cas ailleurs dans le monde, la lutte spontanée de la classe ouvrière en réponse à la gestion bourgeoise de la pandémie, qu’elle prenne une forme ouverte ou « silencieuse », se développe et s’étend à un plus grand nombre de collectifs de travailleurs. Cette lutte sera certainement limitée. En l’absence d’un mouvement révolutionnaire assez puissant pour menacer l’ordre bourgeois en entier, elle n’arrivera pas à mettre en échec la classe dominante. Mais elle conduira néanmoins un grand nombre de prolétaires à reconnaître leur ennemi et à prendre conscience de la nature du régime social inhumain sous lequel nous vivons.
Comme le révèle avec éloquence la crise actuelle, sous le capitalisme, l’économie n’est pas au service des êtres humains : c’est l’inverse. Les hommes sont dominés par les produits qu’ils ont eux-même créés. Le travail mort domine le travail vivant. Pour préserver le mouvement de l’accumulation d’argent et de capital, pour sauver le travail mort qui s’accumule, la santé et la vie des travailleurs sont sacrifiés si nécessaire. C’est ainsi qu’on force les ouvriers de l’abattoir de Vallée-Jonction à travailler malgré une éclosion majeure pour ne pas entraver le mouvement des richesses monétaires. Même si la société bourgeoise ne peut l’admettre officiellement, le cours des choses, dans cette société, n’est pas déterminé par la recherche du bien-être pour les masses, mais bien par l’intérêt privé, glacial et égoïste. Comme l’a écrit Karl Marx, la bourgeoisie ne laisse « subsister d’autre lien, entre l’homme et l’homme, que le froid intérêt, les dures exigences du « paiement au comptant » ». C’est seulement en prenant le contrôle des forces productives par la révolution que les prolétaires parviendront un jour à faire émerger une nouvelle société basée sur les besoins humains!