Lock-out chez WestRock à Pointe-aux-Trembles : encore des ouvriers malmenés!

La compagnie américaine WestRock – une entreprise de fabrication de cartons et d’emballages qui détient quelques centres de production au Québec – vient de mettre impitoyablement en lock-out la cinquantaine d’ouvriers de son usine de Pointe-aux-Trembles à Montréal. Cette décision odieuse a été prise en réaction à une journée de grève menée par les employés de l’usine le 30 septembre dernier pour dénoncer la lenteur du processus de renouvellement de leur convention collective, laquelle est échue depuis près d’un an et demi.

Il s’agit du troisième lock-out en une semaine au Québec à être déclenché en guise de représailles à des moyens de pression exercés par les travailleurs : quelques jours avant les employés de WestRock, les 700 ouvriers de l’entrepôt central de Jean Coutu à Varennes ainsi que les 25 chauffeurs de bétonnière de l’usine Demix Béton de Saint-Hubert ont également été mis dehors par leurs patrons pour une durée indéterminée après avoir eux aussi débrayé pendant une journée. Par ailleurs, ce n’est pas la première fois que cette tactique est employée dans les usines détenues par WestRock au Québec. En 2015, les capitalistes de RockTenn (la compagnie qui a fusionné avec MeadWestvaco pour donner naissance à WestRock) avaient également fermé temporairement les portes de leur usine de La Tuque en réponse à une grève de 36 heures menée par 130 des 500 ouvriers qui y travaillent. Dans chacun de ces cas, les capitalistes ont décidé de prendre l’initiative et de frapper fort pour tenter de tuer dans l’œuf la mobilisation des ouvriers – qu’ils voient comme un affront inacceptable et comme un obstacle gênant à l’accumulation de profits. Mais partout où les capitalistes agissent ainsi, la volonté de lutter des ouvriers ne s’estompe pas : au contraire, elle ne s’en trouve que décuplée!

À l’usine WestRock de Pointe-aux-Trembles, les agissements de la direction font mousser la colère des travailleurs depuis des mois. Les cinquante ouvriers de l’usine – qui sont membres de la section locale 245 du syndicat Unifor – sont sans convention collective depuis le 1er mai 2019. Non seulement le processus de renouvellement s’éternise, mais les capitalistes veulent faire accepter une offre sans rétroactivité (et sans bonus à la signature en compensation de cette absence de rétroactivité) aux travailleurs, lesquels perdraient ainsi un montant d’argent équivalent à l’augmentation qu’ils auraient dû avoir sur le salaire qui leur a été versé pendant dix-sept mois! Par ailleurs, les pourcentages d’augmentation proposés par l’employeur sont jugés nettement insuffisants en soi par les travailleurs et leur syndicat, avec raison.

Les ouvriers de l’usine de Pointe-aux-Trembles ne gagnent pas grand-chose pour faire ce qu’ils font (entre 24 et 29 dollars de l’heure environ), surtout lorsque l’on compare leurs salaires avec les sommes d’argent scandaleuses qui remplissent les poches des propriétaires et des dirigeants de la compagnie qui les exploite. En 2019, les profits de WestRock ont atteint 863 millions de dollars (US). La même année, le PDG de l’entreprise, Steven C. Voorhees, a empoché à lui seul un montant de 11,2 millions de dollars. Et rappelons qu’en 2018, sa rémunération s’était même élevée à 18 millions de dollars! Toute cette richesse qui ne leur revient pas, ce sont les ouvriers des centaines de sites de production détenus par l’entreprise (plus de 320 dans le monde) qui l’ont produite – y compris, bien sûr, ceux de l’usine de Pointe-aux-Trembles. Les ouvriers ont donc parfaitement raison de réclamer davantage et d’être offusqués par les offres dérisoires de la compagnie.

En plus de proposer des augmentations de salaire insuffisantes, les capitalistes de WestRock formulent toutes sortes de demandes inacceptables à leurs employés. Par exemple, ils veulent introduire une clause dans la convention collective qui leur permettrait de ne pas respecter l’ancienneté des ouvriers et de rétrograder certains travailleurs qui ne font pas leur affaire. Ils veulent également abolir un poste de travail. Aussi, ils veulent enlever du temps libre à leurs employés (qui font déjà de trois à quatre quarts de travail de 12 heures par semaine, de nuit et de jour en alternance) en leur imposant des journées de formation obligatoires pendant des journées de congé. Et comme si ce n’était pas suffisant, ils veulent que tous les griefs accumulés soient effacés à la signature de la nouvelle convention collective!

Notons que cette dernière exigence n’a pas été formulée par hasard : les griefs sont nombreux vus les gestes abusifs commis régulièrement par les patrons de l’établissement. Par exemple, un ouvrier ayant de l’ancienneté a récemment été congédié par l’entreprise pour être parti avec des vieilles planches de deux par quatre qui traînaient sur le côté de l’usine depuis longtemps. On voit de quel bois se chauffent les capitalistes qui possèdent et dirigent ce centre de production! À l’usine de Pointe-aux-Trembles, les ouvriers font face à des petits despotes qui font régner un climat de suspicion et qui font planer en permanence la menace de sanctions contre eux. Cette situation déplorable est bien entendue vivement dénoncée par les syndiqués.

Considérant les gestes répugnants des capitalistes, il est normal que les ouvriers souhaitent en découdre avec eux. Le lock-out récemment déclenché par l’entreprise n’est qu’un affront de plus et ne fait que renforcer l’élan de lutte des travailleurs. Du côté des capitalistes, on semble avoir misé sur le fait que les ouvriers avaient environ trois semaines d’avance dans la production, en plus d’avoir pris en considération le fait que la demande est moins forte en ce moment en raison de la crise sanitaire (ce qui donnait la possibilité aux propriétaires de l’usine de déclencher un lock-out sans risquer des pertes de revenus trop importantes). Aussi, étant donné que WestRock possède plusieurs centres de production en Amérique du Nord, la compagnie arrive pour l’instant à compenser l’arrêt de la production à Pointe-aux-Trembles en la transférant dans ses usines américaines.

Mais d’ici quelques semaines, la pression pourrait commencer à se faire sentir. Notons que les cadres de l’usine de Pointe-aux-Trembles sont incapables de la faire rouler sans les ouvriers. Dans cet établissement où s’accomplit l’étape de l’extrusion (la transformation du polyéthylène en couche protectrice ajoutée au papier) dans le processus de fabrication de cartons d’emballage de produits alimentaires, seuls les travailleurs connaissent leurs machines et savent les opérer. Cela pourrait leur donner un levier pour accélérer les négociations avec la compagnie lorsque les trois semaines d’avance qu’ils ont prises seront écoulées.

On verra alors que sans ses ouvriers, WestRock n’est rien. Et c’est la même chose pour l’ensemble des grandes entreprises qui dominent la société actuelle : sans l’activité productrice de la classe ouvrière, ces compagnies ne pourraient pas exister! Pour l’instant, les capitalistes dictent les règles du jeu et contrôlent le processus de production. À l’échelle de la société entière, pour garder ce contrôle sur les usines et sur les forces productives (en d’autres mots, pour assurer la protection de la propriété privée bourgeoise), la classe capitaliste maintient par mille manières son emprise sur l’État et sur les grands partis politiques. Mais si les travailleurs s’unissent pour arracher le pouvoir politique à la bourgeoisie, ils pourront enfin prendre ce qui leur appartient et devenir eux-mêmes les maîtres de la production!

L’élan et la force générés par les luttes syndicales actuelles, comme celle qui a cours présentement chez WestRock à Pointe-aux-Trembles, ont le potentiel de nous faire avancer dans cette direction si l’on travaille à faire émerger, en plus de ces combats légitimes et nécessaires, une autre sorte de lutte visant consciemment et ouvertement le pouvoir politique de la bourgeoisie dans son ensemble. Pour contribuer à faire émerger ce nouveau mouvement de lutte, les travailleurs partisans de la révolution doivent suivre avec attention et intérêt l’ensemble des conflits économiques (grèves, lock-out, etc.) qui se déroulent dans la société et qui sont l’expression vivante de la lutte des classes actuelle.

Dans le cas de la lutte des ouvriers de l’usine WestRock de Pointe-aux-Trembles, il est impératif de faire connaître leur situation et leurs revendications partout où cela est possible. Les lecteurs de notre journal doivent inciter leurs collègues et leurs amis à appuyer la lutte de ces ouvriers et à faire prendre conscience à leurs camarades qu’il s’agit aussi de leur combat – chaque lutte économique constituant une parcelle de la lutte générale contre le capital, laquelle doit mener à l’émancipation de la classe ouvrière dans sa totalité. Les travailleurs qui résident dans la région de Montréal sont appelés à se rendre, si possible, sur la ligne de piquetage à Pointes-aux-Trembles pour prêter main forte aux ouvriers lock-outés, pour en apprendre plus sur leur situation et pour discuter avec eux de la perspective d’unir l’ensemble de notre classe dans le combat pour le pouvoir ouvrier et le socialisme!