COVID-19 : Des sit-in d’infirmières pour sonner l’alarme

Au cours du mois de septembre, l’on a vu éclore des initiatives de sit-in chez les infirmières un peu partout dans les hôpitaux de la province. Les médias ont, entre autres, fait mention de ceux qui ont eu lieu à Maisonneuve-Rosemont à Montréal, à la Cité-de-la-Santé de Laval et au Suroît à Salaberry-de-Valleyfield. À Gatineau en Outaouais, l’on compte les sit-in au nombre de trois; au Lakeshore à Pointe-Claire, c’est à huit sit-in depuis le 4 juillet que l’on a assisté. La pratique n’est pas d’hier : en janvier 2018, des centaines d’infirmières excédées avaient déclenché un déferlement de sit-in à Laval, à Trois-Rivières, à Sorel et au Suroît. La viralité de ces sit-in ne s’est jamais tarie et a repris de plus bel au courant de l’été dernier, alors que la pandémie de COVID-19 soumet les infirmières à un chaos sans égal et que la faillite du réseau est plus évidente que jamais. La réaction du Tribunal administratif du travail ne s’est pas fait attendre : il a qualifié ces actions d’illégales et a menacé de sanctions importantes toutes celles qui y prenaient part. Tous sont forcés d’admettre que l’impossible est demandé aux infirmières… et qu’elles sont punies pour faire leur possible! Il est tout à fait justifier de dénoncer les conditions ignobles dans lesquelles l’État québécois les fait travailler, quels que soient les moyens employés, qu’ils soient légaux ou non. Ces travailleuses de l’ombre sont prises dans un tel étau (de part leur rôle dans la société en général et dans la lutte à la pandémie qui fait présentement rage) qu’elles ont fait le choix légitime de sortir du cadre légal de la lutte économique pour se faire entendre. L’heure est grave et tous les moyens sont bons pour que tout le monde le réalise!

Ce sont principalement les infirmières qui œuvrent aux urgences et aux soins intensifs qui ont adopté ce moyen d’action pour faire entendre leurs revendications. Ces infirmières sont aux premières loges des horreurs de la pandémie. Elles tentent de sauver par tous les moyens les plus atteints par la maladie. Il va sans dire qu’au grand dam des travailleuses de la santé, l’intensivité des soins alloués dans les départements dédiés à cette mission n’est plus. L’on dénonce qu’il n’est pas rare que les tâches de trois à quatre travailleuses n’incombent qu’à une seule infirmière. Dans la même veine, le gouvernement n’a jamais réglementé les ratios patients-infirmière. Aucune restriction n’est imposée aux gestionnaires qui répartissent la force de travail de manière irrationnelle et inhumaine. Le même traitement grippe-sou est d’ailleurs appliqué au fameux temps supplémentaire obligatoire (TSO). Pourtant, personne au ministère de la santé et des services sociaux ne peut ignorer que la vigilance d’une infirmière que l’on fait travailler au-delà de douze heures d’affilée baisse dangereusement. Au final, les infirmières se retrouvent aux prises avec une charge de travail insoutenable et non-sécuritaire pour les patients. Et ce sont les infirmières qui portent la responsabilité des fautes médicales commises dans le désordre provoqué par le manque de personnel. D’ailleurs, en plus de dénoncer le manque criant d’effectifs, les infirmières exigent la fermeture de lits (afin que des patients soient redirigés vers des départements ou des établissements capables de les prendre en charge). Mais plutôt que d’obtempérer, les administrateurs vont jusqu’à exiger, sous la menace, que des infirmières d’autres départements aillent prêter main-forte aux infirmières des soins intensifs et des urgences, et ce, sans en avoir les pleines compétences. En effet, il existe une forme de spécialisation dans l’exercice de la profession : les infirmières ne sont pas toutes interchangeables et il est odieux de leur confier la santé et la vie des gens sans les préparer adéquatement à une réassignation.

Le 21 août dernier, l’on apprenait que 800 infirmières avaient remis leur démission au réseau de la santé à Montréal seulement, et ce, depuis le début de la pandémie de COVID-19. Sans surprise, vu l’état du réseau de la santé, la première vague d’infections s’est conjuguée avec une vague de démissions. Et c’est sans compter les départs à la retraite devancés, les congés de maladie et les retours aux études. Épuisées et inquiètes pour la santé des patients et de leurs proches, plusieurs infirmières en ont eu plus qu’assez de la surcharge de travail et ont jeté l’éponge. Et alors que la situation n’ira qu’en s’empirant, rien ne nous laisse présager que bien d’autres travailleuses à bout n’emboîteront pas le pas, ce qui serait tout à fait compréhensible. Mais déjà, les corps hospitaliers ont les mains pleines et la deuxième vague ne fait que commencer. Bientôt, ils ne pourront tout simplement plus absorber la demande en soins. C’est donc une véritable catastrophe sanitaire qui est à nos portes… et cette catastrophe, elle est entièrement imputable à la relance économique (incluant la réouverture des écoles) pilotée par la bourgeoisie, relance qui plongera les infirmières dans une situation encore plus insoutenable qu’elle ne l’a été au printemps. Au fond, la bourgeoisie n’a qu’une chose en tête : continuer à s’enrichir, peu importe le prix que le prolétariat aura à payer.

En somme, il n’y a plus aucune considération pour la capacité soignante des infirmières et cette dynamique a cours au détriment non seulement des travailleuses de la santé, mais aussi des malades en général et de ceux de la COVID-19. Tous les prolétaires québécois sont susceptibles de se retrouver à l’urgence ou aux soins intensifs, et en cette période de pandémie, c’est plus vrai que jamais. Le virus qui assaillit indistinctement le monde entier est sournois et imprévisible, même pour la population jeune et en santé. Dans une lettre ouverte publiée dans le journal Le Devoir en date du 25 septembre dernier (lettre extraite d’une déclaration), des infirmières offraient leur soutien à leurs collègues qui sont passées à l’action en organisant des sit-in. Les signataires exprimaient leur solidarité indéfectible envers celles qui ont eu le courage de défier l’omerta qui sévit dans le réseau et qui fait taire tout le monde : « Vos actions ont été qualifiées d’illégales, soit, mais permettez-nous d’insister d’abord sur les problèmes à l’origine de vos actions, parce que ce sont ces problèmes, de TSO, de surcharge, de mépris de nos compétences professionnelles, qui mettent les patients et les soignants en danger, pas les sit-in et les moyens de pression. » Les communistes joignent leurs voix à celles qui sont venues appuyer les actions des infirmières qui osent défier la légalité bourgeoise. C’est là un élément essentiel dans l’arsenal du peuple pour mener une lutte totale et complète contre la classe dominante. Pour l’instant, tous les travailleurs doivent s’unir pour dénoncer l’asphyxie des travailleuses de la santé et pour désigner les véritables responsables des milliers de décès comptabilisés jusqu’à présent et de ceux à venir : la bourgeoisie!