Les salariés de l’usine Energi en lutte contre les méthodes douteuses de leurs patrons

Le 14 septembre dernier, les quelque 100 ouvriers de l’usine de portes-patio Energi à Terrebonne ont déclenché une grève pour obtenir davantage de respect et pour mettre fin aux attributions salariales arbitraires qui prévalent depuis trop longtemps au sein de l’entreprise. Les ouvriers, membres de la section locale 2008 du syndicat des Métallos affilié à la FTQ, réclament une échelle salariale claire et équitable pour tous les employés au lieu des trois régimes distincts instaurés par l’employeur et qui désavantagent les travailleurs les moins bien payés. Ces disparités de traitement (qui sont d’ailleurs censées être interdites depuis 1999 au Québec en vertu d’une réforme de la Loi sur les normes du travail) permettent aux capitalistes qui possèdent l’usine Energi d’économiser sur le coût global de la force de travail qu’ils exploitent en créant arbitrairement – et de manière tout à fait discriminatoire – des catégories d’employés dont les conditions salariales sont inférieures à celles de leurs collègues, et ce, même s’ils effectuent des tâches identiques et même s’ils ont des compétences équivalentes.

Les pratiques discriminatoires et arbitraires chez Energi à Terrebonne ne datent pas d’hier. Avant l’arrivée du syndicat dans l’usine il y a huit ou neuf ans, c’était encore pire qu’aujourd’hui. Les patrons accordaient des augmentations de salaire individuelles selon leur bon plaisir, notamment pour récompenser la soumission complète à leur autorité. L’entrée en scène du syndicat a progressivement permis d’améliorer la situation. Mais cela n’a pas été facile. Lorsque celui-ci a tenté de négocier la première convention collective, les capitalistes ont fait appel à un arbitre qui a tranché en leur faveur. Les ouvriers se sont ainsi vu imposer un contrat de travail absolument exécrable. Au moment de l’adoption de la deuxième convention collective, le syndicat a ensuite réussi à conclure une entente avec l’employeur. Mais à l’aube de la négociation de la troisième convention collective, la tension était à son comble. La compagnie cherchait à imposer des conditions complètement inacceptables aux ouvriers. Comme l’a souligné Jean-Yves Couture, représentant syndical des Métallos : « L’employeur s’obstine à faire barrage à une échelle salariale équitable pour tous, qui tiendrait compte des compétences de chacun ». Mais l’employeur ne s’attendait pas à ce que le vote en faveur de la grève passe et il a été pris de court par la riposte unifiée des ouvriers.

En plus de lutter pour mettre fin une fois pour toutes aux pratiques discriminatoires et injustes de leur employeur en matière d’attribution des salaires, les syndiqués de l’usine Energi réclament une meilleure rémunération de manière générale. Le salaire d’entrée dans leur usine est particulièrement bas : il se situe à 13,35 dollars de l’heure, soit à peine plus que le salaire minimum. Pourtant, le salaire d’entrée au sein des entreprises concurrentes est de 15 dollars de l’heure. Aussi, à l’usine Energi, les salaires plafonnent assez vite : l’employé ayant le plus d’ancienneté (il y travaille depuis 25 ans) fait moins de 20 dollars de l’heure – un salaire qui, par ailleurs, est composé de montants forfaitaires. En raison de ces conditions salariales particulièrement médiocres, beaucoup d’employés quittent l’entreprise pour aller se faire embaucher là où c’est un peu plus avantageux. Au lieu de remédier à cette situation en améliorant les conditions de leurs salariés, les capitalistes d’Energi crient à la « pénurie de main d’œuvre » et parcourent les foires de l’emploi dans l’espoir de recruter des prolétaires immigrants nouvellement arrivés et obligés d’accepter de travailler pour des salaires dérisoires, faute d’options plus intéressantes.

Pour illustrer à quel point les employés d’Energi sont sous-payés, l’un d’entre eux a d’ailleurs fait remarquer à des militants de notre journal que ses collègues et lui gagneraient plus d’argent en installant des portes-patio qu’ils n’en font en les fabriquant dans l’usine. « On produit quand même quelque chose », a-t-il déclaré, déplorant que leurs ouvriers de l’usine (qui comprennent des monteurs de porte-patio, des emballeurs et des manutentionnaires) ne reçoivent que des miettes malgré le fait qu’ils effectuent un travail fondamental pour la société en créant des produits utiles qui n’existeraient pas sans eux. En effet, la classe ouvrière produit tout ce qui existe dans la société, mais malheureusement, ce n’est pas elle qui empoche les fruits de sont travail : ce sont les propriétaires des moyens de production, qui, eux, ne produisent pourtant absolument rien et ne font rien d’autre que posséder du capital. C’est malheureusement comme cela que fonctionne la société capitaliste et il en sera ainsi tant que le prolétariat n’aura pas renversé le pouvoir de la bourgeoisie pour prendre le contrôle de l’appareil productif. Comme l’a souligné avec justesse un autre gréviste sur la ligne de piquetage, la société actuelle est dirigée par les riches et pour les riches. « Ça fait longtemps que j’ai compris ça », a-t-il ajouté pour insister sur le fait qu’il s’agit là d’une vérité indiscutable.

Nos militants ont renchéri en soulignant que c’est précisément pour cette raison que nous avons besoin d’un journal comme le nôtre : un journal qui fait valoir le point de vue de la classe ouvrière sur toutes les questions au lieu du point de vue bourgeois diffusé par les grands médias comme TVA ou Radio-Canada. En d’autres mots, nous avons besoin d’un outil pour mettre de l’avant les intérêts de ceux d’en bas au lieu des intérêts de ceux d’en haut, les intérêts de la majorité au lieu de ceux de la minorité possédante! Et c’est exactement ce que nous nous employons à faire : nous allons de grève en grève et de lock-out en lock-out pour faire connaître les revendications des travailleurs ainsi que les attaques dont ils font l’objet. Nous faisons valoir non seulement les intérêts des ouvriers dans chaque conflit et dans chaque affrontement avec les patrons, mais nous révélons aussi – et surtout – les intérêts communs à l’ensemble de la classe prolétarienne. Des usines comme Energi où les ouvriers reçoivent des salaires misérables, il y en a des milliers au Québec et au Canada, et ce, même si l’on en entend très peu parler dans les médias bourgeois, lesquels diffusent une image de la société donnant l’impression que la classe ouvrière aurait disparu. Et même dans les usines et les lieux de production où les salaires sont un peu plus élevés, ce n’est toujours rien en comparaison des sommes d’argent incroyables que les capitalistes accumulent en accaparant la plus-value produite par les travailleurs!

C’est en luttant pour les intérêts fondamentaux et à long terme de tout le prolétariat que nous parviendrons à mettre fin à l’exploitation et à l’injustice qui caractérisent la société actuelle. Si la lutte économique contre les patrons (comme celle que mènent présentement les syndiqués de l’usine Energi à Terrebonne) est absolument nécessaire pour ne pas que les travailleurs soient complètement écrasés par le capital, il faut maintenant aller plus loin et développer la lutte politique contre le pouvoir de la classe capitaliste dans son ensemble. En plus des luttes syndicales dans les milieux de travail, il faut à présent développer, à l’extérieur des usines, des réseaux et des organisations d’ouvriers pour mener un autre type de lutte : la lutte révolutionnaire pour le pouvoir ouvrier et pour la prise de possession des moyens de production à l’échelle de toute la société!