COVID-19 : Retour sur la révolte qui a secoué la Serbie au début du mois

Au moment où de nouvelles flambées épidémiques ont lieu un peu partout dans le monde, contrecarrant peu à peu les effets de la propagande déployée pendant les mois de mai-juin par les classes dominantes pour présenter la pandémie de COVID-19 comme un mauvais souvenir de l’hiver et du début du printemps, la situation internationale et les situations nationales particulières connaissent de nouveaux développements intéressants. Avec les nouvelles hausses de cas observées un peu partout (notamment aux États-Unis, mais également au Canada, en Espagne, en Allemagne, en France, dans les Balkans, en Israël, en Iran, à Hong Kong, etc.), la faillite généralisée des États bourgeois quant au contrôle de la pandémie ainsi que le caractère criminel de la relance mondiale des économies capitalistes sont de plus en plus manifestes. Les incohérences dans la gestion opérée par les gouvernements et les discours contradictoires des dirigeants sautent encore plus qu’avant aux yeux des masses. La relance économique, qui s’accompagne de l’appauvrissement de beaucoup de travailleurs, entraîne un regain des luttes ouvrières et prolétariennes. On l’a vu ici au Québec, mais également ailleurs. Par exemple, en France, des manifestations ouvrières ont eu lieu dernièrement pour dénoncer des licenciements et des fermetures – notamment chez Airbus, Hop!, Nokia, Smart et Sanofi. Dans ce pays qui était déjà secoué avant le début de la pandémie par de puissantes manifestations prolétariennes, on a également vu récemment le personnel de la santé prendre la rue massivement pour réclamer de meilleures conditions de travail.

Le poids de la pandémie (que les gouvernements capitalistes se sont montrés incapables de contrôler) ainsi que ses conséquences économiques pèsent de plus en plus lourdement sur les épaules des masses populaires. Cela dit, les prolétaires ne sont pas encore au bout de leurs peines, car tout indique que la pandémie va continuer de s’aggraver. La tension va donc continuer de s’accumuler dans la société à mesure que nous avancerons dans la phase actuelle de la crise (celle de la relance économique), jusqu’au point où cette tension devra nécessairement être relâchée : on assistera alors à des explosions spontanées et violentes contre les États bourgeois à divers endroits dans le monde. Déjà, de brèves irruptions de colère avaient eu lieu dans certains pays pendant la période précédente (et nous ne faisons pas référence ici aux diverses manifestations réactionnaires anti-confinement qui avaient vu le jour aux États-Unis et ailleurs). Par exemple, des émeutes avaient éclaté au mois de mars au Chili en réponse à l’incapacité des autorités du pays à fournir des moyens de subsistance aux pauvres au début du confinement.

Et maintenant, des soulèvements plus importants et d’une autre nature commencent à surgir. Notamment, au début du mois de juillet, une révolte explicitement dirigée contre la gestion catastrophique de la pandémie par les autorités a éclaté en Serbie. Si le caractère de classe et la nature précise de ce soulèvement étaient plus ou moins ambigus, celui-ci témoignait néanmoins d’une frustration grandissante au sein des masses et d’une forme « d’essoufflement » de la bourgeoisie de ce pays où l’épidémie a connu une très forte remontée dernièrement. Rappelons-le : la phase actuelle de la crise, c’est celle de la relance économique et de la lutte entre les bourgeoisies nationales pour s’approprier les marchés de leurs adversaires. Par le fait même, c’est aussi celle de la deuxième vague de propagation du virus et des révoltes populaires spontanées. Le soulèvement survenu en Serbie, bien qu’ayant pris des formes bâtardes, spécifiques aux contradictions nationales de ce pays, est symptomatique de la situation générale qui se développe présentement dans le monde entier.

Au début du mois, le regain de l’épidémie et les actions incohérentes du régime d’Aleksandar Vučić déclenchent une vague de manifestations en Serbie

Bien que les médias bourgeois du Québec en ont très peu parlé, de violentes manifestations ont eu lieu au début du mois dans plusieurs villes de Serbie – dont la capitale Belgrade –, suite à l’aggravation de l’épidémie et en réponse aux actions inconséquentes et criminelles du gouvernement corrompu d’Aleksandar Vučić. Plus précisément, ce qui a mis le feu aux poudres, c’est la décision du gouvernement de bannir à nouveau les rassemblements de plus de cinq personnes et d’imposer un autre couvre-feu à la population, décision survenue après que le gouvernement ait lui-même provoqué l’aggravation de l’épidémie en déconfinant hâtivement le pays. En effet, après avoir imposé à la mi-mars un confinement extrêmement strict (notamment caractérisé par la mise en place d’un couvre-feu), les restrictions sur les rassemblements et sur les activités économiques ont rapidement été levées. Dès la fin du mois d’avril, les marchés intérieurs, les salons de coiffure et les gyms ont rouvert leurs portes. Le 6 mai, l’état d’urgence a pris fin. Et dès le début du mois de juin, les restrictions sur les rassemblements ont été entièrement éliminées. De grands événements publics (notamment des événements sportifs rassemblant des milliers de personnes tels que le tournoi de tennis Adria Tour) ont été autorisés, ce qui a vraisemblablement contribué à propager le virus dans la population. Plusieurs ont reproché au Parti progressiste serbe – parti ayant accédé au pouvoir en 2012 et détenant la majorité absolue des sièges à l’Assemblée nationale depuis 2014 – d’avoir agi ainsi pour faciliter la tenue des élections le 21 juin, élections qui ont effectivement eu lieu et qui ont par ailleurs été dénoncées comme étant frauduleuses, notamment par les nombreux partis d’opposition qui les ont boycottées. Les craintes de la population ont été en partie confirmées lorsque l’épidémiologiste Pedrag Kon (un membre de l’équipe gouvernementale chargée de la lutte contre le virus), moins de vingt-quatre heures après le scrutin, a annoncé comme par hasard que le situation de l’épidémie à Belgrade était à nouveau inquiétante. Pire encore, le gouvernement s’est mis à blâmer « l’indiscipline » de la population alors qu’il était entièrement responsable de ce qui était en train de se produire et alors qu’il faisait, lui, réellement preuve d’indiscipline. En effet, suite aux célébrations entourant la « victoire » électorale du parti et lors desquelles pratiquement aucune précaution n’a été prise par les personnes présentes, plusieurs hauts responsables politiques et leurs invités ont été déclarés positifs à la COVID-19!

Les manifestants ont également reproché au gouvernement d’avoir minimisé la gravité de la situation et d’avoir délibérément caché à la population le nombre réel d’infectés et de morts. En effet, un rapport publié le 22 juin par Balkan Investigative Reporting Network (BIRN), un réseau d’organisations non-gouvernementales, a révélé que le nombre réel de décès survenus dans le pays entre le 19 mars et le 1er juin représentait plus du double du chiffre officiel avancé par les autorités (soit 632 morts au lieu de 244, sur une population d’un peu plus de 7 millions de personnes). Le rapport révélait également que le nombre de cas de COVID-19 détectés entre le 17 juin et le 20 juin était au moins de 300 par jour, soit un nombre beaucoup plus important que ce qui était alors admis publiquement par les autorités (lesquelles ont rapporté un maximum de 97 cas en une journée pendant cette période). Quelques jours après sa publication, le rapport a été attaqué par le président Vučić qui a affirmé dans les médias que les données qu’il contenait n’étaient pas « authentiques ». Ces événements ont évidemment attisé la colère des masses serbes. Et cette colère devrait être une source d’inspiration pour les prolétaires de tous les pays. À plusieurs endroits dans le monde (dont le Québec et le Canada), on a vu la propagation de théories absurdes et réactionnaires selon lesquelles les gouvernements auraient volontairement gonflé les chiffres pour justifier le confinement. En Serbie, c’est justement l’inverse qui a été reproché aux autorités par les manifestants. Et ce grief des masses serbes, contrairement aux théories mentionnées plus haut, s’accorde avec la réalité de leur pays. Plus encore, il comporte un aspect généralisable à l’ensemble des États capitalistes. En effet, que ce soit en Serbie ou ailleurs dans le monde, les classes dominantes n’ont jamais exagéré la menace posée par le virus : au contraire, d’une manière ou d’une autre, elles l’ont toujours fortement minimisée pour servir leurs intérêts économiques et politiques. C’est par exemple ainsi qu’elles ont justifié leurs plans de relance économique en pleine pandémie meurtrière, ou encore qu’elles ont cherché à masquer la faillite de leurs systèmes de santé et l’échec des demi-mesures qu’elles ont mises en place pour soi-disant protéger la population.

En Serbie, lorsqu’il est devenu clair que l’épidémie n’était pas du tout sous contrôle et que le gouvernement avait manipulé le peuple, la révolte a éclaté. L’annonce d’un nouveau couvre-feu, le 7 juillet, a été en quelque sorte la goutte qui a fait déborder le vase. Le jour même, des milliers de manifestants se sont rassemblés spontanément devant le bâtiment de l’Assemblée nationale à Belgrade. En début de soirée, des affrontements avec la police anti-émeute ont commencé. Un large groupe de manifestants a pris d’assaut le bâtiment protégé par les forces de l’ordre et a réussi à y pénétrer. Des combats ont eu lieu à l’intérieur pendant de longues minutes, avant que la police ne finisse par expulser les manifestants. Des affrontements violents ont néanmoins continué dans les rues pendant le reste de la soirée et de la nuit, les manifestants lançant des projectiles improvisés aux policiers et ceux-ci répliquant en tirant des gaz lacrymogènes et à coups de matraques. La répression de la manifestation, comme celle qui allait se déchaîner dans les jours suivants, a été particulièrement brutale. Les policiers ont fait usage de balles de caoutchouc, de grenades assourdissantes, de chiens d’attaque et ont même déployé la cavalerie et les véhicules blindés. Des images particulièrement choquantes des agissements des forces de l’ordre (notamment celles du passage à tabac de trois jeunes tranquillement assis sur un banc) ont circulé largement et ont été dénoncées, au pays comme à l’international.

Le lendemain, le 8 juillet, les manifestants ont encore une fois pris d’assaut l’Assemblée nationale et ont attaqué les forces policières qui protégeaient le bâtiment. Le même jour, les manifestations se sont également étendues dans plusieurs autres villes du pays. À Novi Sad, des milliers de protestataires se sont rassemblés et ont pris la rue. Des manifestants ont livré un discours dans lequel ils exigeaient le départ des responsables de la gestion de l’épidémie et des autres membres du gouvernement. Ils demandaient également, entre autres, que davantage de personnel médical soit embauché et que le budget alloué à l’Église orthodoxe serbe soit redirigé dans les hôpitaux. Dans cette ville, les bureaux du Parti progressiste serbe ont été vandalisés et l’hôtel de ville a été attaqué au cocktail Molotov. Des manifestations similaires ont également eu lieu à Nis (où des roches ont été lancées sur le quartier général du Parti progressiste serbe), à Kragujevac (où l’hôtel de ville a également été attaqué et où des échanges de projectiles ont eu lieu avec la police) et à Smederevo. Le 9 juillet, face à la pression populaire, le gouvernement a finalement reculé sur l’idée d’imposer à nouveau un couvre-feu, mais a décidé de limiter les heures d’ouverture de certains commerces et de maintenir l’interdiction des rassemblements de plus de 10 personnes – ce qui revenait à interdire les manifestations. Le mouvement ne s’est pas arrêté pour autant et s’est même encore une fois propagé à de nouvelles villes. Des manifestations ont eu lieu à Belgrade, à Novi Sad, à Nis, à Pancevo, à Kragujevac, à Smederevo, à Krusevac, à Cacak et à Kraljevo. Par contre, les rassemblements étaient beaucoup plus calmes cette journée-là. En effet, un grand nombre de manifestants avaient adopté le mot d’ordre de s’asseoir par terre pour démontrer leur pacifisme et limiter la violence. Cela dit, les affrontements ont repris dès le lendemain à Belgrade lorsque des manifestants ont attaqué à nouveau l’Assemblée nationale. Lors de ces nouvelles confrontations, plus de 70 personnes ont été arrêtées par la police. Finalement, le 11 juillet, de nouvelles manifestations pacifiques ont eu lieu dans plusieurs villes du pays.

Comme on pouvait s’y attendre, le président Aleksandar Vučić a dénoncé fermement les manifestants dès le début, déclarant qu’ils étaient sous l’influence « non seulement d’un facteur criminel, mais également d’un facteur étranger ». Il laissait entendre par là que les manifestations auraient été organisées de l’extérieur pour déstabiliser le pays. À ce propos, le ministre de la Défense Aleksandar Vulin, quant à lui, a affirmé que les affrontements constituaient rien de moins qu’une tentative de provoquer une guerre civile dans le pays, ajoutant que les « ennemis de la Serbie » étaient heureux de ce qui était en train de se passer. Le président a également qualifié les manifestations de « pire violence politique des dernières années » et même « d’actes de terrorisme », affirmant que les gestes de violence avaient été organisés et commis par des groupes d’extrême-droite « pro-fascistes ». Cette version des faits a d’ailleurs été reprise par plusieurs militants de gauche qui se sont empressés de dénoncer la violence qui avait cours, l’assimilant entièrement aux agissements de groupes réactionnaires. Or, s’il est vrai que des militants d’organisations d’extrême-droite ont effectivement pris part aux manifestations, l’idée selon laquelle la violence aurait été entièrement organisée par ces groupes semble nettement exagérée. En fait, des éléments aux allégeances politiques multiples et contradictoires, allant de politiciens sociaux-démocrates à des nationalistes d’extrême-droite, en passant par des militants d’organisations « citoyennes » de gauche (comme par exemple l’organisation contre les évictions The Roof ou encore l’organisation Don’t let Belgrade drown), ont participé au mouvement. Mais les manifestations semblaient surtout rassembler des gens sans affiliations particulières : des étudiants, des artistes, des familles et des personnes issues des masses venues exprimer une forme de mécontentement populaire général. Ce mécontentement tout à fait légitime n’avait d’ailleurs rien à voir avec des préoccupations nationalistes ou d’extrême-droite. Pour se donner une idée de l’état d’esprit des manifestants, il est utile de s’arrêter un instant sur les déclarations faites par quelques uns d’entre eux pendant les événements. Lors de la première nuit de manifestations, un protestataire a par exemple déclaré à un journaliste de N1 TV : « Des gaz lacrymogènes, des balles en caoutchouc et des matraques contre des jeunes à mains nues! Papa, cette manifestation est pour toi qui est mort alors qu’il n’y avait pas de respirateur! […] Il n’y avait pas de respirateur à l’hôpital Zemun alors qu’ils parlaient de donner des respirateurs comme cadeaux aux autres. » Une manifestante de 53 ans, Jelina Jankovic, a déclaré aux médias : « Notre gouvernement ne cherche qu’à protéger ses intérêts, les gens sont des dommages collatéraux ». Une autre manifestante de 52 ans, Danijela Ognejenovic, a quant à elle déclaré : « On en a assez des manipulations des chiffres de la COVID-19. Les gens sont très en colère ».

En plus de constituer une réponse à la gestion catastrophique de la pandémie par les autorités de la Serbie, les manifestations exprimaient également une exaspération plus générale vis-à-vis du régime d’Aleksandar Vučić, régime perçu comme étant corrompu et autocratique par les masses du pays. Il faut savoir qu’un mouvement de manifestations contre la corruption et les agissements anti-démocratiques du Parti progressiste serbe avait eu lieu en 2018 et en 2019. Le sentiment anti-Vučić était donc déjà largement répandu avant le début de la crise sanitaire actuelle. La dénonciation de la corruption et du despotisme du gouvernement s’est donc trouvée entremêlée à la dénonciation des élections frauduleuses du 21 juin et à la frustration du peuple relative à la mauvaise gestion de l’épidémie par les autorités. Tout cela a fusionné dans un mouvement hétérogène (et un peu incohérent), créant un cocktail particulièrement explosif.

D’ailleurs, les ingrédients étaient réunis depuis longtemps pour que la colère des masses populaires éclate avec vigueur dans ce pays victime depuis des lustres des machinations des impérialistes et de leurs laquais locaux. Dans les années 1990, le long processus de dislocation de l’ex-Yougoslavie orchestré par les impérialistes (processus marqué par des guerres régionales, par des sanctions de l’ONU et finalement par la campagne de bombardement dévastatrice de l’OTAN en 1999) a complètement ravagé l’économie du pays. Bien qu’une certaine croissance ait suivi au début des années 2000, la crise financière de 2008 a fait de nouveaux dégâts importants. Depuis, la situation économique a stagné (le PIB du pays passant de 52,19 milliards de dollars en 2008 à 50,6 milliards en 2018). La domination du pays par le capital étranger, notamment celui des puissances impérialistes de l’Union européenne (que l’État serbe cherche présentement à rejoindre), maintient la Serbie dans une spirale d’endettement et de pauvreté. Entre 2014 et 2016, sous la pression des impérialistes et notamment du FMI, le gouvernement du Parti progressiste serbe (dont Aleksandar Vučić était alors premier ministre) a soumis le prolétariat serbe à un programme de redressement budgétaire brutal (comprenant des gels d’embauches et de salaires, des baisses de pensions, des privatisations, etc.). Depuis, tout ce qui touche aux conditions de vie des masses (le réseau de la santé, les salaires, les droits des travailleurs, la « sécurité sociale », etc.) a continué de se dégrader. En 2019, la Serbie enregistrait un taux de chômage de 10,3%. Tous ces éléments font en sorte que le pays constitue un terreau fertile à la révolte des masses. Aujourd’hui, plusieurs perçoivent avec raison Aleksandar Vučić comme un laquais des puissances étrangères. À ce propos, il est intéressant de noter que les « ennemis de la Serbie », contrairement à ce qu’a affirmé le ministre de la Défense, n’ont pas été particulièrement enchantés par ce qui s’est déroulé dans le pays au début du mois de juillet. Les ennemis véritables, c’est-à-dire les puissances impérialistes (celles qui ont organisé, entre autres, la campagne de bombardement de 1999 qui a fait des milliers de morts, qui a ravagé les infrastructures du pays et qui a causé des dégâts estimés entre 50 et 100 milliards de dollars), se sont en effet empressés de condamner les émeutes. Par exemple, Sem Fabrici, l’ambassadeur de l’Union européenne en Serbie, a affirmé être préoccupé par la violence des manifestants : « Nous avons vu des gens qui se sont d’abord rassemblés spontanément, mais après un rassemblement pacifique, l’événement est devenu violent et nous sommes inquiets de ce qui s’est passé ». L’ambassade des États-Unis à Belgrade, quant à elle, a déclaré : « Nous condamnons toutes les formes de violence, y compris ce qui semble être des attaques coordonnées contre la police. » Ce n’est probablement pas un hasard si on a peu entendu parler de ces manifestations dans les médias ici. La bourgeoisie impérialiste canadienne, qui entretient de bonnes relations avec le gouvernement serbe actuel et qui détient d’importants investissements dans le pays, n’avait aucune raison d’appuyer cette révolte, tout comme ses partenaires impérialistes américains et européens.

Malgré le fait que la pandémie de COVID-19 soit un phénomène international et que l’incapacité des classes dominantes à y répondre de manière rationnelle soit une faillite généralisée à l’ensemble de la planète, c’est dans le cadre national que se développe et que s’organise la réponse des masses populaires. Cela signifie que d’un pays à l’autre, cette réponse prendra des formes différentes (et souvent des formes bâtardes) suivant les particularités nationales et en fonction du développement concret de la lutte des classes dans chacun de ces pays. Néanmoins, les soulèvements populaires mettront en lumière des aspects de la gestion capitaliste communs à tous les États bourgeois. Par exemple, en Serbie, les masses ont été confrontées au fait que le gouvernement a déconfiné hâtivement le pays pour servir les intérêts de la classe dominante serbe soumise à l’impérialisme, ce qui a aggravé l’épidémie. Or, le déconfinement de la Serbie s’inscrivait dans un mouvement de relance économique plus large touchant l’ensemble de la planète. Ici même au Québec, la bourgeoisie a mis fin aux mesures de confinement alors que l’épidémie n’était pas maîtrisée, et ce, afin de permettre aux capitalistes d’accumuler du profit à nouveau. Le gouvernement du Québec agit également de manière complètement incohérente et accuse les masses d’être responsables de la propagation du virus. Cela dit, en Serbie, la perspective des élections semble avoir poussé les autorités à accélérer le processus de déconfinement, ce qui n’a pas nécessairement été le cas ailleurs. C’est pourquoi ces élections ont été vues par les masses serbes comme ayant joué un rôle important dans la gestion incohérente de l’épidémie par les autorités et c’est pourquoi leur dénonciation a été au centre de la révolte qui a eu cours. Quoi qu’il en soit, la colère du peuple serbe, comme celle des prolétaires partout ailleurs face aux ravages de la pandémie et aux actions des classes dominantes, est parfaitement légitime. D’autres explosions sont à prévoir ailleurs dans le monde dans les prochaines semaines et les prochains mois. Déjà, dans les deux dernières semaines, un mouvement de protestation a également commencé à se développer en Israël contre les conséquences économiques de la gestion de l’épidémie par le gouvernement de Netanyahou. Les soulèvements seront différents partout. Mais partout, les masses auront raison de se révolter contre l’anarchie et le chaos causés par le capitalisme!