COVID-19 : Des fermetures et des restructurations qui s’abattent sur les travailleurs

Les annonces liées au déconfinement ont déferlé à vive allure; tout a été rouvert avec empressement. Aussi, les gouvernements fédéral et provinciaux ont multiplié les programmes d’aide aux entreprises. Les indices que l’économie capitaliste éprouve de sérieuses difficultés à se relancer sont nombreux. En effet, bien que certaines entreprises soient en mesure de reprendre leur activités plus ou moins normalement, il n’en demeure pas moins que la liste des entreprises qui sont incapables de se maintenir en activité comme avant continue de s’allonger. L’arrêt brutal des opérations de bien des compagnies, en raison du confinement de mars dernier, a signé l’arrêt de mort de plusieurs d’entre elles. Pour d’autres, ce sont bien de bouleversements qui en ont découlé. Les choses semblent aller plutôt mal pour beaucoup de capitalistes. Mais surtout, les semaines à venir s’annoncent particulièrement difficiles pour de nombreux travailleurs au pays : des milliers d’emplois occupés par des prolétaires seront perdus.

De manière générale, la concurrence force les compagnies à perpétuellement renouveler leur capacité de production, ce qui vient avec un coût de plus en plus exorbitant. Les capitalistes qui prêtent de l’argent renoncent à financer les canards boiteux : ils sont alors offerts à la prédation d’entreprises capitalistes plus performantes. La pandémie (le mouvement réel) a joué le rôle d’agent précipitant. Elle a fusionné avec la concurrence pour donner un poison mortel.

Plus encore, l’on remarque que c’est principalement le capital commercial qui est touché par la crise. Or, les capitalistes dans le commerce prélèvent une quote-part sur la plus-value extraite à même la production dont ils ne sont pas les propriétaires. Cette partie de la plus-value leur est concédée par les capitalistes dans la fabrication, car ces derniers ont nécessairement besoin de faire circuler la marchandises qu’ils font produire par les ouvriers. Cependant, malgré la part de la plus-value qu’ils touchent (part inférieure à celle des industriels), les commerçants ont des dépenses substantielles à assumer, comme par exemple les loyers commerciaux, ce qui peut finir par nuire à leur rentabilité.

L’entreprise Sail Plein Air présentait, au début du mois de juin, un plan de restructuration prévoyant la fermeture de six magasins, soit ses quatre Sportium au Québec et ses deux établissements Sail en Ontario. Cette décision affectera 500 employés. Sail s’est donc placé sous la protection de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité. L’entreprise Pier 1 Imports (ameublement) a elle aussi annoncé dernièrement qu’elle fermait définitivement ses 50 magasins au Canada et ses 490 magasins aux États-Unis.

Pour leur part, deux géants du commerce au détail au Canada, Reitmans (vêtements) et Aldo (chaussures), ont eux aussi annoncé des fermetures définitives et des restructurations importantes. Au total, les emplois dans plus de 1 100 établissements se trouvent menacés. La compagnie Reitmans a demandé et obtenu la protection d’un tribunal québécois en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC), une loi fédérale permettant de protéger les actifs des capitalistes et régissant les entreprises qui ne peuvent pas payer leurs factures. Il est à noter que Reitmans est le plus gros détaillant de vêtements pour femmes de tout le pays. Il compte 576 magasins au Canada sous différents bannières : 259 magasins Reitmans, 106 Penningtons, 80 RW & CO., 77 Addition Elle et 54 Thyme Maternity. Cette compagnie montréalaise compte plus de 6 800 employés. Le Groupe Aldo a lui aussi annoncé qu’il cherchait à se protéger de ses créanciers au Canada, aux États-Unis et en Europe en raison des perturbations causées par la COVID-19. Cette compagnie compte plus de 3 000 points de vente dans 100 pays. Elle emploie 8 000 personnes dont 2 900 dans les magasins au Canada et 1 200 au siège social de l’entreprise à Montréal.

L’on apprenait aussi dernièrement que la compagnie Hertz, un géant de la location de voitures (intimement liée au tourisme qui bat de l’aile en contexte de pandémie), a déclaré faillite aux États-Unis et au Canada. Au début de la pandémie, Hertz avait déjà supprimé plus de 10 000 emplois en Amérique du Nord. À ce jour, c’est la moitié de ses effectifs mondiaux qui a été licenciée, soit 20 000 personnes. Cette société, basée à Estero en Floride, employait 38 000 personnes à la fin du mois de décembre 2019, dont 29 000 aux États-Unis.

Avant même la pandémie, certains spécialistes prévoyaient déjà la fermeture de plus de 500 magasins au courant de l’année 2020. Parmi ces fermetures annoncées l’on retrouvait l’entreprise Freemark,(distributeur montréalais des vêtements Bench et Esprit) : elle avait accumulé environ 40 millions de dollars de dettes. Aujourd’hui, Freemark prévoit fermer 25 magasins au Canada et licencier plus de 340 employés. Déjà, l’an dernier, l’entreprise avait effectué des coupes sévères en supprimant 31 magasins et près de 300 emplois. Toujours en matière de morts annoncées, la compagnie Clair de lune s’est elle aussi placée à l’abri de ses créanciers en décembre 2019. Le détaillant montréalais de chandelles et de parfums d’ambiance ferme ces jours-ci 44 de ses 70 magasins. Dans la même lignée, La Senza délaisse 17 magasins de lingerie, Bentley ferme 88 magasins de valises (dont 25 au Québec), Gap entend fermer 6 magasins, et Papyrus (détaillant américain de papeterie) quitte le Canada en fermant 18 magasins dont 2 au Québec. Cartes Carlton, qui appartient à Papyrus, abandonne aussi le marché canadien (une soixantaine de succursales). Le bijoutier allemand Thomas Sabo met fin lui aussi à ses activités au Canada, soit dans 8 succursales, tout comme Dix Mille Villages, soit 10 magasins. S’ajoute à cette chronique nécrologique Things Engraved avec la fermeture de ses 73 magasins au Canada, et Lowe’s avec la fermeture de ses 34 magasins au Canada il y a quelques mois (dont 26 magasins Rona). Enfin, l’américaine Motherhood Maternity ferme ses 30 magasins au Canada et l’entrepris Bose (électronique) emboîte le pas.

Si ce sont les prolétaires œuvrant dans la vente au détail qui sont le plus touchés par la crise, il n’en reste pas moins qu’il y a aussi des turbulences à certains endroits dans la production. Par exemple, Bombardier annonçait dernièrement sont intention de licencier plus de 2 500 travailleurs. Aussi, la chaîne de boutiques Dans un Jardin et sa filiale de fabrication Art de vivre fabrication inc. vont cesser leurs opérations, la direction évoquant des difficultés financières insurmontables. Rappelons que l’entreprise québécoise d’origine française possède 55 boutiques, 600 points de vente au Québec et au Canada et une unité de fabrication établie à Boucherville.

La pandémie de COVID-19 accentue les pertes d’emplois par milliers. Pour mettre fin à des saignées du genre, il faut que les véritables producteurs de la richesse, soit les prolétaires canadiens, puissent organiser eux-même la société et mettre fin à l’anarchie que génère le capitalisme. Ces fermetures ne sont pas des fatalités : la fin de la propriété privée des moyens de production est la solution.