Port de Montréal : les employeurs s’en prennent une fois de plus au droit de grève

Comme rapporté dans l’article publié le 3 juillet dernier par l’ISKRA, une partie des 1 125 membres du Syndicat des débardeurs du port de Montréal ont mené une grève de 40 heures, du 2 au 4 juillet, dans le cadre des négociations sur le renouvellement de leur convention collective, interrompant ainsi les opérations de deux terminaux appartenant à la Société Terminaux Montréal Gateway. Jour et nuit pendant ces 40 heures, les travailleurs et travailleuses se sont relayés sur les lignes de piquetage, affichant une totale solidarité. Cette première grève en 25 ans, soit depuis le 7 mars 1995, s’est produite après une saga interminable, marquée par les manœuvres dilatoires de l’Association des employeurs maritimes (AEM), qui représente les entreprises pour lesquelles travaillent les débardeurs.

Il aura fallu en effet pas moins de 18 mois avant que les membres du syndicat puissent exercer légalement leur droit de grève. Suite au premier vote de grève tenu quelques jours avant l’expiration de la convention collective en décembre 2018, l’association patronale s’est adressée aux tribunaux en plaidant que la totalité des activités portuaires constituent un service essentiel, afin de forcer une décision interdisant tout arrêt de travail. Après une série de manœuvres avocassières particulièrement douteuses, le Conseil canadien des relations industrielles a finalement rendu sa décision le 8 juin dernier et rejeté la requête de l’AEM. Cet argument comme quoi quelque arrêt de travail que ce soit porterait atteinte « à la santé et sécurité du public » est particulièrement fallacieux quand on sait qu’au cours des 25 dernières années, pendant lesquelles il n’y a eu aucune grève, les compagnies maritimes ont décrété pas moins de 22 jours de lock-out !

Début juin, soit quelques jours avant que le tribunal rende sa décision, les membres du syndicat avaient tenu un quatrième vote de grève, toujours aussi massif, avec un résultat favorable à plus de 99,1%. L’avis de grève ayant été transmis dans les délais requis, l’arrêt de travail partiel d’une durée de 40 heures a donc commencé comme prévu, le 2 juillet à 15 h 00. Preuve de sa totale mauvaise foi, quelques minutes à peine après le déclenchement de la grève, l’AEM transmettait aux procureurs du syndicat une demande de contrôle judiciaire à la Cour d’appel fédérale pour que celle-ci casse la décision rendue le 8 juin par le Conseil canadien des relations industrielles et ordonne le maintien de la totalité des activités portuaires, ce qui rendrait illégale toute velléité de grève de la part des débardeurs. Cette nouvelle manœuvre en dit long sur l’esprit qui anime la partie patronale, alors que se poursuivent parallèlement les séances de négociation en présence d’une médiatrice.

Le comité exécutif du syndicat rapporte que les parties se sont ainsi rencontrées quotidiennement entre le 3 et le 7 juillet pour discuter des clauses normatives (non monétaires), mais qu’en dépit du fait que les discussions ont été « ouvertes » et l’atmosphère « respectueuse », les réponses patronales aux demandes syndicales sont « bien en deçà des attentes du syndicat pour une nouvelle convention collective ». Ces discussions sont censées se poursuivre dans les prochains jours.

De toute évidence, la stratégie patronale depuis que la convention collective est arrivée à échéance vise essentiellement à gagner du temps et à mettre des bâtons dans les roues au libre exercice du droit de grève des débardeurs. Alors que les activités du Port de Montréal ne cessent de croître tout comme les profits des entreprises de transport maritime, les débardeurs ont bien raison de se battre pour l’amélioration de leurs conditions de travail, après plusieurs années de reculs et de stagnation. La grève des 2-3-4 juillet, disions-nous, représente une nouvelle étape dans la lutte des travailleurs et travailleuses du port de Montréal. Pour l’instant, rien ne laisse présager un recul de l’AEM à la table de négociations. L’association représentant les capitalistes du secteur du transport maritime cherchera encore vraisemblablement à étirer le temps, en espérant que la Cour d’appel fédérale viendra à son secours. Les débardeurs du Port de Montréal ont historiquement toujours fait preuve d’une grande solidarité, et c’est encore le cas maintenant, comme on l’a vu ces derniers jours. Les prolétaires de tous les secteurs et de tout le pays ont tout intérêt à suivre avec attention le combat de leurs frères et sœurs de classe et à leur manifester leur solidarité.