COVID-19 : Le prix de la viande à la hausse

Statistique Canada fait état d’une baisse d’ensemble des prix des marchandises vendues au pays depuis plus de deux mois, alors que la pandémie de COVID-19 fait rage ici et partout ailleurs dans le monde. Au Québec, entre mai dernier et mai de l’année précédente, l’on rapportait une diminution de 0,4% des prix fixés. Cette légère diminution contraste avec l’inflation de 2,1% que l’on a subie entre 2018 et 2019.

L’important « ralentissement » économique qui sévit actuellement a nécessairement un impact sur les prix des matières premières, ce qui entraîne une baisse généralisée des prix. Pour ne nommer qu’un exemple (et non le moindre), le prix du litre d’essence a été anormalement bas, le pétrole ayant été moins en demande en temps de confinement qu’en temps ordinaire.

L’on rapporte également que le prix des loyers, en un an, a à peine augmenté. L’on explique cette hausse plus modeste qu’à l’habitude par le retour de logements de type Airbnb sur le marché locatif en l’absence de touristes étrangers pour les occuper. Néanmoins, ces logements, qui se prêtent nouvellement à des baux annuels, ne sont pas nécessairement abordables pour les ménages à faible revenu, ce qui explique entre autres que cette année encore, l’on a connu une « crise du logement » le 1er juillet dernier.

Cela dit, les prix des aliments, et plus particulièrement ceux de la viande, ont augmenté assez considérablement. Au Québec, depuis mai 2019, l’on parle d’une croissance des prix pour l’ensemble des aliments achetés, en épicerie ou au restaurant, de 3,4%. Pris à part, les prix de l’ensemble des viandes ont connu une hausse de 8,9% et le prix du bœuf frais ou surgelé, de 15,1%.

Malgré que l’on ait enregistré une baisse de la « valeur du dollar canadien » au courant de la dernière année, la croissance des prix des fruits n’a été que de 1,2% et celle des prix des légumes, de 1,4%. Par contre, la hausse a été plus importante pour les tomates et les pommes de terre. Les prix des produits de boulangerie et céréaliers, eux, ont connu une hausse significative. Enfin, les prix des produits laitiers ont connu une hausse de 2%, et les prix des œufs, de 5,8%.

Avant même la pandémie, le Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire de la Faculté d’agriculture de l’Université Dalhousie prévoyait déjà 4% de hausse de prix des aliments en 2020. Pour sa part, Jean-François Belleau, directeur des relations gouvernementales du Conseil canadien du commerce de détail (CCCD) évoquait récemment trois grandes causes de la hausse des prix des aliments que l’on observe depuis quelques semaines : 1) les frais liés à la gestion de la COVID-19 qu’il qualifie de « significatifs »; 2) la faiblesse du dollar canadien; et 3) les difficultés d’approvisionnement sur le marché américain.

Tout indique que la première raison invoquée est la plus importante. Dans un reportage de Radio-Canada en date du 3 juin, un épicier interrogé révélait que les frais supplémentaires d’opération pour se conformer aux exigences de la Santé publique se sont élevés à 37 475$ au mois de mai alors que les revenus supplémentaires ont été de 36 677$. Il est trop tôt pour affirmer qu’il s’agit d’une tendance généralisée, mais s’il s’avère que tel est le cas, le taux de profit, qui se calcule en fonction des coûts de production, risque de diminuer légèrement. Cela dit, le contraire pourrait se produire pour d’autres capitalistes.

En ce qui a trait à la viande fraîche et surgelée, compte tenu des conditions de production nouvelles (distanciation, port d’équipement de protection, fermetures temporaires en cas d’éclosions, etc.), des frais supplémentaires d’abattage ont été occasionnés. D’ailleurs, les prix du poulet ou du bœuf vivant n’ont pas augmenté depuis février 2020 alors qu’ils sont à la hausse à la sortie de l’abattoir et à l’entrée de l’épicerie.

On ne peut cependant pas se contenter d’examiner le contexte de la pandémie pour comprendre la croissance des prix de la viande. Ces prix ont plus que doublé en deux décennies, soit une des croissances les plus phénoménales. Pour ce qui est spécifiquement du bœuf, l’on a enregistré une hausse de 210% depuis 2002 alors pour l’ensemble des prix à la consommation, la hausse a été de 131,9%.

Pourtant, le prix des céréales qui nourrissent le bétail n’a pas doublé. Pourtant, au niveau mondial, la demande de viande est en croissance. Pourtant, le déplacement d’une partie de l’industrie vers l’Asie dans les années 1980 a favorisé les capitalistes en augmentant leurs revenus disponibles, et ce, en plus de leur permettre de conquérir de nouveaux marchés.

Aussi, au cours des dernières décennies, les procédés de production dans les abattoirs se sont améliorés considérablement. En 2019, dans la majorité des usines d’abattage, la capacité de production avoisinait ou dépassait les 95%, ce qui est remarquablement élevé. La production de viande comporte tout de même des risques sanitaires. L’abattoir est la dernière ligne pour détecter les animaux impropres à la consommation avant que la viande ne soit distribuée. Pour accomplir ce travail, il faut une main-d’œuvre spécialisée. Cependant, la forte productivité des abattoirs, qui vise à répondre à une demande croissante, nuit à la qualité de la production et augmente les risques de contamination.

Toujours, les capitalistes tentent de refiler la note aux travailleurs, soit en pressurisant ceux qui travaillent dans les abattoirs, soit en augmentant le prix de la viande consommée. Mais nous savons qu’il est possible d’assurer à l’ensemble du prolétariat mondial un accès maximal réel aux protéines animales sans pour autant que la production de viande soit un enfer pour les travailleurs des abattoirs.