COVID-19 : Appuyons les ouvriers de l’entrepôt Jean Coutu à Varennes!
Dimanche dernier, un peu plus de 500 membres du Syndicat des travailleurs et travailleuses de l’entrepôt Pharmacie Jean-Coutu-CSN ont tenu une assemblée dans le stationnement de leur lieu de travail et ont voté à 99% en faveur d’un mandat de grève à exercer au moment jugé opportun. Pour limiter les risques de transmission du coronavirus, les ouvriers de l’entrepôt ont fait preuve de créativité : ils participaient à l’assemblée chacun avec leur voiture, où le son des discours était retransmis. Comme on peut le voir, l’épidémie n’empêche pas la solidarité de classe et l’organisation de la lutte contre les capitalistes!
La convention collective des quelque 700 ouvriers de l’entrepôt Jean-Coutu à Varennes est échue depuis le 31 décembre 2019. Le syndicat voulait négocier avec l’employeur, mais celui-ci ne s’est pas montré ouvert au dialogue. Dès la première rencontre, le 26 mai, les patrons ont tout de suite demandé la présence d’un conciliateur et ont refusé de s’entretenir face à face avec le syndicat, préférant se concerter dans les coulisses avec le représentant du ministère du Travail. Les travailleurs, qui ont été au poste pendant toute la durée de la « pause économique » pour assurer – malgré les risques – l’approvisionnement en biens essentiels d’un bon nombre de pharmacies dans la province, ont interprété ce refus de négocier comme un grand manque de respect, avec raison. À ce propos, la présidente du syndicat, Audrey Benoît, a déclaré : « Nous avons été au travail tout le long de la pandémie, nous avons adopté toutes les méthodes pour limiter la propagation du virus et continuer d’assurer une part importante de l’approvisionnement en médicaments au Québec. On mérite un plus grand respect de la part de l’employeur qui doit négocier de bonne foi ». C’est d’ailleurs en réponse à cet affront des capitalistes que les ouvriers se sont dotés d’un mandat de grève, mandat qu’ils entendent utiliser lorsqu’ils auront épuisé les autres options qui s’offrent à eux. Preuve supplémentaire du manque total de reconnaissance de leur employeur, l’entreprise Metro (qui a acquis le Groupe Jean Coutu en 2017 suite à une transaction ayant accentué la centralisation du capital dans le secteur du commerce de détail au pays), a retiré la « prime COVID-19 » de deux dollars de l’heure dont les ouvriers de l’entrepôt de Varennes bénéficiaient – comme si les travailleurs étaient désormais hors de danger et malgré le fait que le monopole a vu ses profits s’accroître de 45% au deuxième trimestre par rapport à l’année précédente grâce à la pandémie. Bien qu’il ne s’agisse pas de l’enjeu mis de l’avant par le syndicat dans le cadre de la lutte en cours, ce geste répugnant a certainement contribué à galvaniser la volonté de lutter des ouvriers.
Les travailleurs de l’entrepôt de Jean Coutu revendiquent, entre autres, un plus grand respect de l’ancienneté dans l’attribution des tâches chaque jour, de meilleurs horaires de travail, une amélioration du programme de retraite progressive ainsi qu’une réduction du ratio d’employés travaillant à temps partiel. Ils exigent aussi la fin de la sous-traitance et demandent d’avoir une voix au chapitre pour le contrat d’assurance des employés. Les ouvriers de l’entrepôt déplorent que la nouvelle direction qui s’est installée suite à l’acquisition du Groupe Jean Coutu par Metro (même si François-Jean Coutu est demeuré à la tête de la nouvelle division pharmaceutique de l’entreprise) interprète la convention collective comme bon lui semble et leur en demande toujours plus, malgré ce qui est inscrit dans le contrat de travail. D’ailleurs, la lutte des employés de l’entrepôt de Varennes contre leurs nouveaux patrons ne vient pas juste de commencer. À l’automne 2018, devant la menace d’un bouleversement complet de leurs horaires de travail, les ouvriers et leur syndicat s’étaient mobilisés pour faire reculer la direction. Plus de 400 travailleurs, sur un peu plus de 600, avaient signé une pétition pour exprimer leur opposition à la volonté de leurs patrons – notamment celle d’imposer le travail le dimanche à plus de 105 employés réguliers ainsi que des horaires atypiques à plus de 79 employés à temps partiel. Une manifestation rassemblant des centaines de syndiqués avait également eu lieu devant l’entreprise, en plus d’autres actions et activités de mobilisation.
Le mandat de grève dont viennent de se doter les ouvriers de l’entrepôt leur permettra de faire pression sur leurs patrons et de les forcer à écouter leurs revendications. La direction de l’entreprise, qui a désormais l’arme du débrayage braquée sur elle, ne pourra plus simplement ignorer le syndicat. D’ailleurs, sa réaction ne s’est pas fait attendre. Le jour même du vote de grève, l’entreprise a émis un communiqué intitulé « Centre de distribution de Varennes : Metro rétablit les faits » visant à discréditer le mouvement de lutte et à faire passer ses employés comme des privilégiés se plaignant le ventre plein. Entre autres, l’entreprise affirme qu’elle a consenti généreusement à verser la prime COVID-19 aux travailleurs de l’entrepôt « même si [elle] n’y [a] pas connu le même type d’augmentation de volume que dans [ses] autres centres , laissant entendre qu’elle a accepté de le faire même s’ils ne la méritaient pas! Le communiqué stipule également que le Groupe Jean Coutu se prépare à implanter un « plan de contingence » pour assurer l’approvisionnement des pharmacies qu’il possède à travers le Québec, l’Ontario et le Nouveau-Brunswick. C’est que les 700 ouvriers de l’entrepôt de Jean Coutu à Varennes occupent une place centrale dans la chaîne de distribution des marchandises vendues par Metro dans ses pharmacies, ce qui leur confère le potentiel de générer une perturbation importante à l’échelle de la province s’ils cessent de travailler. Comme l’a dit Audrey Benoît : « C’est sûr que ça [la grève] pourrait avoir un grand impact, parce que la majorité des fournitures qui vont en pharmacie sont délivrées par nous. […] On s’entend que si les gens de l’entrepôt ne sont pas là pour desservir les pharmacies, dans le fond, les pharmacies ont pas beaucoup de marchandises sur les tablettes, ça c’est sûr et certain ». En fait, les ouvriers de l’entrepôt sont en position pour entraver considérablement la circulation du capital-marchandise de Metro et ainsi nuire grandement aux profits de l’entreprise, ce dont celle-ci est d’ailleurs bien consciente. C’est pourquoi si jamais les ouvriers finissent par se mettre en grève, le désordre qu’ils vont provoquer sera assurément dénoncé de toutes parts par les représentants de la bourgeoisie. Mais les partisans du prolétariat verront ces perturbations d’une toute autre manière : ce sont justement celles-ci qui donneront aux ouvriers le levier pour forcer les capitalistes à céder à leurs demandes. En d’autres mots, si l’approvisionnement est bouleversé parce que les patrons n’auront pas voulu satisfaire les revendications légitimes des ouvriers, ce sera tant mieux – non seulement pour les travailleurs de l’entrepôt, mais également pour l’ensemble de la classe ouvrière qui aura démontré une fois de plus que toute l’économie repose sur elle. Mais nous n’en sommes pas encore là. Pour l’instant, le syndicat utilise la menace de la grève pour tenter de faire plier la direction. Si cette simple menace n’est pas suffisante, le mandat voté par les ouvriers pourrait également permettre au syndicat de recourir à des formes de lutte intermédiaires, comme des ralentissements de travail concertés ou encore des prolongations des pauses. La grève ne sera utilisée qu’en dernier recours, c’est-à-dire lorsque les autres moyens de lutte disponibles auront été épuisés. Dans l’immédiat, l’objectif demeure de forcer les patrons à négocier. Mais si ceux-ci s’entêtent et continuent à traiter les ouvriers avec mépris, l’affrontement pourrait s’intensifier. C’est pourquoi les développements de la lutte devront être suivis avec attention dans les prochaines semaines.
Les syndiqués de l’entrepôt de Jean Coutu vont probablement se faire traiter d’égoïstes par divers représentants du point de vue bourgeois. On leur dira que ce n’est pas le « bon moment » pour faire la grève étant donné que nous sommes en pleine crise sanitaire et économique. On leur dira qu’il faut se serrer les coudes pour relancer l’économie et que ce n’est pas le temps de perturber les activités des entreprises (un peu comme on disait aux travailleuses de la santé et à leurs syndicats de ne pas se plaindre pendant le confinement puisque tout le monde devait soi-disant s’unir pour vaincre le virus). Mais considérant leur niveau de mobilisation et la détermination dont ils font visiblement preuve, les ouvriers ne se laisseront pas décourager par de telles inepties. Accepter de plier l’échine sous prétexte qu’il faudrait faire front commun avec la bourgeoisie, ce serait accepter de tout donner aux exploiteurs en échange de rien du tout! Les ouvriers de l’entrepôt se feront également dire qu’ils devraient se compter chanceux d’avoir encore un emploi alors que des milliers de travailleurs n’ont toujours pas retrouvé le leur. Mais le fait de renoncer à la lutte ne redonnerait nullement du travail – ou encore des moyens de subsistance adéquats – aux prolétaires qui n’en ont plus! En fait, qu’ils aient un emploi ou non, c’est seulement en luttant contre les capitalistes que les prolétaires peuvent espérer obtenir des gains. Le maintien d’un bassin de chômeurs et d’inactifs a toujours été une arme utilisée par les capitalistes pour faire accepter les pires conditions de travail à leurs salariés. Et le mouvement ouvrier a toujours riposté par l’union et l’organisation active des travailleurs!
La lutte des ouvriers de l’entrepôt de Jean Coutu est encourageante et doit être suivie avec intérêt, comme tous les autres combats susceptibles d’émerger au sein de la classe ouvrière dans les prochaines semaines et les prochains mois. Au début de la crise, la bourgeoisie a tenté de nous faire croire que nous faisions tous partie d’une grande armée agissant à l’unisson et ayant les mêmes intérêts. Plus les semaines passent, et plus les faits démontrent – même si nous le savions déjà – qu’il ne s’agissait que d’une vue de l’esprit : la classe ouvrière n’a pas les mêmes intérêts que la classe capitaliste et elle ne peut marcher unie derrière elle. La contradiction entre le Travail et le Capital est objective, et on ne peut l’effacer en proclamant l’unité de toute la société! La pandémie n’a pas fait cesser les attaques de la bourgeoisie; elle ne pouvait pas faire cesser non plus la résistance des prolétaires. D’ailleurs, en relançant l’économie pour relancer les profits, les capitalistes ne pourront pas éviter de provoquer, malgré eux, la résurgence des luttes prolétariennes sous leur forme habituelle : les assemblées, les grèves et les manifestations, qui avaient connu un ralentissement pendant les semaines de confinement, vont reprendre leur expression normale et se multiplier comme avant! Il ne s’agit pas d’une prémonition hasardeuse : il s’agit d’un fait inscrit dans l’ADN de la société bourgeoise. Les luttes économiques n’arrêteront pas tant et aussi longtemps que les capitalistes n’auront pas été expulsés de l’économie et tant que les ouvriers n’auront pas collectivement pris possession des moyens de production. Cela est un fait prouvé par l’histoire et par l’étude révolutionnaire des lois du capitalisme. D’ici là, il faut appuyer à 100% les combats en cours et développer les outils de lutte dont notre classe a besoin pour prendre le pouvoir!
Solidarité avec les ouvriers de l’entrepôt de Jean Coutu!
Faisons connaître et appuyons toutes leurs revendications!
La classe capitaliste doit être combattue jusqu’au bout!