COVID-19 : Les syndiqués du secteur public se mobilisent!
Dans les derniers jours, plusieurs actions et manifestations contre le gouvernement Legault ont été organisées par les syndicats représentant les travailleurs du secteur public de la province. Ces actions s’inscrivent dans l’affrontement économique entre les employés de l’État et leur employeur autour du renouvellement des conventions collectives, ainsi que dans la résistance grandissante aux attaques que subissent les travailleurs dans le contexte de la crise sanitaire actuelle au Québec. Rappelons que les conventions collectives des employés du secteur public sont venues à échéance le 31 mars dernier et que des négociations sont en cours entre les syndicats et le gouvernement en vue de leur renouvellement, et ce, depuis la fin de l’année 2019. Malgré les difficultés qui sont survenues avec l’épidémie de COVID-19, les négociations se sont poursuivies dans les dernières semaines. Dernièrement, la mobilisation des syndiqués pour faire valoir leurs revendications légitimes a pris de l’ampleur et la confrontation avec le gouvernement s’est intensifiée. Notons que les syndicats s’activent également depuis le début de l’état d’urgence sanitaire dans la province pour défendre les travailleurs du secteur public – en particulier ceux de la santé – contre les coups qui leur sont portés par la bourgeoisie dans le cadre de la réponse capitaliste à la pandémie. En effet, la crise sanitaire et l’état d’urgence ont grandement transformé les conditions de travail des prolétaires dans la province, lesquels se retrouvent notamment exposés à des risques élevés de contracter le virus et sont également soumis, dans certains cas, à une exploitation accrue de la part des capitalistes et de l’État bourgeois. À ces attaques, les travailleurs et leurs syndicats opposent une résistance depuis le début de la crise, résistance qui s’est renforcée depuis que la gestion gouvernementale de la crise est entrée dans la phase de la relance économique et du déconfinement.
Déjà, le 19 mai dernier, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) a élevé le niveau de la contestation d’un cran en organisant une action audacieuse devant le bureau du premier ministre à Québec pour défendre les droits des infirmières et des travailleuses de la santé épuisées. Le premier ministre n’a pas tardé à dénoncer ce geste de protestation, craignant que la contestation prenne de l’ampleur. Or, depuis cette date, des manifestations organisées par divers syndicats représentant les travailleurs du secteur public ont eu lieu dans la province. Ces luttes prolétariennes sont à suivre avec une grande attention. En effet, l’affrontement actuel entre les syndicats et le gouvernement constitue à la fois le point de départ et l’ossature en construction du mouvement d’opposition populaire à la bourgeoisie qui va se développer dans les prochains mois en réponse à l’aggravation de la souffrance des masses et à la détérioration de leur situation économique. On peut déjà prévoir que ce mouvement en développement fera naître une situation bouillonnante et générera des conditions particulièrement favorables à l’accroissement et à la consolidation des forces révolutionnaires prolétariennes dans la province. Mais avant d’examiner les formes d’action qui se sont développées dans les derniers jours, un retour rapide sur les négociations collectives en cours s’impose.
Un bras de fer qui a débuté avec le refus catégorique du gouvernement de satisfaire les revendications légitimes des travailleurs
Les négociations des conventions collectives dans le secteur public constituent toujours des événements importants dans la lutte des classes au Québec. En effet, en plus de toucher les conditions de travail d’une fraction importante du prolétariat de la province (les négociations actuelles concernent près de 550 000 salariés de l’État québécois œuvrant le secteur de la santé et des services sociaux, dans le secteur de l’éducation ainsi que dans la fonction publique), elles ont souvent des répercussions indirectes sur les conditions de vie et de travail de l’ensemble des prolétaires sur le territoire. En fait, il s’agit d’un moment où se joue la répartition d’un bloc important des richesses créées par la classe ouvrière. Chaque fois, l’issue de l’affrontement détermine quelle part de ce bloc de plus-value restera entre les mains de la bourgeoisie et quelle part reviendra au prolétariat, soit directement sous la forme de salaires, soit indirectement sous la forme de services fournis par l’État bourgeois. Historiquement, ces négociations ont donné lieu à de grandes batailles, la plus mémorable d’entre elles étant sans doute celle du « front commun » de 1972, un soulèvement de grande envergure qui avait donné lieu à des actions ouvrières particulièrement combatives un peu partout dans la province.
Le bras de fer actuel entre les syndicats et le gouvernement en vue du renouvellement des conventions collectives (maintenant échues depuis le 31 mars 2020) a débuté à l’automne dernier. Le 21 octobre 2019, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) et ses syndicats affiliés dans le secteur public (soit le Syndicat canadien de la fonction publique, le Syndicat québécois des employées et employés de service, section locale 298, le Syndicat des employées et employés professionnels-les et de bureau et l’Union des employés et employées de service, section locale 800) déposaient leurs demandes concernant les régimes de retraite, les congés parentaux et les disparités régionales au Conseil du trésor. La FTQ annonçait également quels grands enjeux elle allait mettre de l’avant au cours des négociations, notamment « l’attraction et la rétention des travailleurs et travailleuses, l’amélioration des conditions d’exercice d’emploi, la surcharge de travail due au manque de personnel causé par la politique d’austérité de l’ancien gouvernement [ainsi que] l’amélioration de la rémunération incluant un rattrapage salarial ». Trois jours plus tard, le 24 octobre, la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), qui représente environ 130 000 employés de l’État, déposait ses demandes, lesquelles incluaient notamment un rattrapage salarial correspondant à 2 dollars de l’heure pour la première année et à une majoration de 3% pour les deux années suivantes (les syndicats proposaient un contrat d’une durée de trois ans). Le jour même, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) – syndicat rassemblant 76 000 infirmières, infirmières auxiliaires, inhalothérapeutes et perfusionnistes cliniques – et l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) – organisation regroupant quant à elle 55 000 techniciennes et professionnelles –, organisaient une manifestation rassemblant plusieurs centaines de syndiquées du secteur de la santé et des services sociaux pour marquer le dépôt de leurs demandes communes. Les deux syndicats ayant formé une alliance dans le cadre des négociations revendiquaient alors, entre autres, une augmentation de salaire de 7,2% pour chacune des trois années de la prochaine convention collective. Le 29 octobre, c’était au tour de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), un syndicat qui rassemble 45 000 enseignants, d’organiser une manifestation à quelques pas de l’Assemblée nationale pour faire entendre ses revendications et souligner le dépôt de ses demandes. Puis, le 30 octobre, la Confédération des syndicats nationaux (CSN) – organisation regroupant la plus large fraction des employés de l’État québécois avec ses quelque 150 000 membres œuvrant dans le secteur public –, déposait ses demandes auprès du Conseil du trésor. Le syndicat exigeait notamment une hausse du salaire horaire de trois dollars pour la première année ainsi qu’une hausse de un dollar ou de 3% (selon l’option la plus avantageuse) pour chacune des deux années suivantes. À l’occasion du dépôt de ces demandes, plus de 600 militants de la CSN se sont rassemblés et ont manifesté dans les rues de Québec. Finalement, le 11 décembre, la FTQ déposait également ses demandes salariales. La centrale syndicale réclamait des augmentations de salaire de 4,1% par année, en plus d’une « amélioration globale de 1,1 % de la structure salariale pour les bas salariés ainsi que pour les salaires d’entrée pour l’ensemble des travailleuses et travailleurs ».
Après le dépôt de toutes les demandes syndicales, la balle était désormais dans le camp du gouvernement. Le 12 décembre, ce dernier déposait ses offres salariales aux travailleurs : des augmentations de 7% sur cinq ans pour l’ensemble des employés de l’État (1,75% pour chacune des deux premières années, 1,5% la troisième année et 1% pour la quatrième et pour la cinquième année). Les augmentations de salaire proposées par le gouvernement étaient, comme on pouvait s’y attendre, bien en-deça du rattrapage qu’exigeaient les syndicats. Pire encore, elles étaient même inférieures à la hausse anticipée du coût de la vie (le taux d’inflation prévu étant de 2,2% par année), ce qui signifiait qu’elles impliquaient un appauvrissement continu des travailleurs du secteur public pendant cinq ans. Pour justifier ces offres dérisoires et méprisantes, le président du Conseil du trésor et ministre responsable de l’Administration gouvernementale, Christian Dubé, a indiqué qu’il prônait une « gestion des finances responsable et raisonnable » et a déclaré qu’« acquiescer aux demandes syndicales actuelles […] mettrait en péril la situation financière du Québec ». Le premier ministre Legault avait également mis en garde les travailleurs un mois plus tôt en les avertissant que « [l]es surplus [de l’État] appartiennent aux Québécois » et qu’« ils n’appartiennent pas aux groupes de pression [et aux] aux syndicats », une attaque anti-syndicale démagogique qui aurait pu être traduite ainsi : la plus-value produite par les ouvriers et accaparée par l’État appartient à la bourgeoisie et non au prolétariat! En effet, l’argent économisé par l’État bourgeois en appauvrissant ses employés ne retourne nullement dans les poches des autres travailleurs contrairement à ce que laisse entendre le premier ministre : il s’en va au contraire dans le portefeuille déjà bien garni des capitalistes. De plus, lorsque les conditions des travailleurs du secteur public se détériorent, ce sont les conditions de vie de tous les prolétaires qui bénéficient des services fournis par l’État bourgeois qui se détériorent également. Sans surprise, les offres ridicules du gouvernement Legault ont été immédiatement dénoncées par les syndicats. La CSN, par exemple, a affirmé :
« Alors que la CAQ promettait du changement, nous constatons avec colère qu’elle choisit plutôt de poursuivre dans la même voie que ses prédécesseurs libéraux en refusant de reconnaître la valeur du travail accompli par chacune et chacun d’entre nous, en éducation, en santé et services sociaux et dans les organismes gouvernementaux. »
Le 23 janvier, l’alliance FIQ-APTS annonçait que ses quelque 800 représentants avaient rejeté à l’unanimité les offres gouvernementales. Pour souligner ce rejet, les deux syndicats ont organisé une grande manifestation devant l’Assemblée nationale. Puis, le 6 février, c’était au tour de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN), syndicat représentant 90 000 salariés dans toutes les catégories de personnel, d’annoncer son rejet officiel des offres du gouvernement.
La crise sanitaire transforme l’affrontement entre les syndicats et le gouvernement
Des pourparlers entre les syndicats et le gouvernement ont néanmoins eu lieu jusqu’au mois de mars. Cela dit, ces pourparlers se sont avérés peu fructueux, le gouvernement ne montrant aucune ouverture. Puis, au moment même où la CSN s’apprêtait à lancer sa campagne « Hors service » pour faire connaître ses revendications à toute la population, la crise de la COVID-19 est survenue et l’état d’urgence a été décrété. Cet événement majeur a évidemment compliqué le processus de négociations et a transformé les paramètres de l’affrontement avec le gouvernement. Les négociations entourant le renouvellement des conventions collectives se sont rapidement trouvées entremêlées à des négociations sur les mesures spéciales et temporaires à mettre en place pour protéger les travailleurs (notamment ceux du secteur de la santé) et pour leur offrir une rétribution particulière. Par ailleurs, le gouvernement Legault a rapidement cherché à profiter de la crise pour court-circuiter le processus normal de négociations et imposer sa volonté aux syndicats. Dès le début de la crise, le 15 mars, les syndicats et le gouvernement se sont entendus pour suspendre les négociations relatives aux conventions collectives jusqu’au 5 avril. Cependant, selon ce que rapporte la CSN, le premier ministre Legault aurait suggéré, lors de la rencontre tenue ce jour-là, de conclure les négociations seulement pour les travailleuses de la santé et « sans aménagement pour améliorer leurs conditions de travail », une proposition que les délégués de la CSN ont jugée inacceptable et qu’ils ont immédiatement rejetée, avec raison. Puis, dans les jours suivants, malgré l’entente du 15 mars selon laquelle les négociations étaient suspendues, le gouvernement s’est mis à proposer un processus « accéléré de négociation » et à demander que les conventions collectives de l’ensemble des 550 000 travailleurs du secteur public soient renouvelées pour trois ans, et ce, avant l’échéance du 31 mars! Pire encore, il est revenu avec ses offres minables du mois de décembre, offres que tous les syndicats avaient pourtant jugées irrecevables. La CSN et la CSQ ont tout de suite annoncé leur refus de se soumettre à cette exigence et ont proposé en retour de mettre les négociations des contrats de travail sur la glace pour une période pouvant aller jusqu’à 18 mois, et ce, afin de se concentrer sur les mesures particulières relatives à la crise. Mais tout au long du mois de mars, le gouvernement s’est entêté, espérant pouvoir profiter de l’état d’urgence pour faire passer ses offres en vitesse et sans que les travailleurs ne puissent réagir. Cette manœuvre odieuse a évidemment été très mal reçue et aucune entente n’a finalement été conclue. À ce propos, la CSN a déclaré :
« Aujourd’hui, en pleine crise, [le gouvernement] nous demande d’accepter un statu quo sur les conditions de travail pour les trois prochaines années et il tient à boucler cet important exercice d’ici le 31 mars, alors qu’une telle opération s’étend généralement sur des mois, voire plus encore. Ces « offres » qui étaient déjà déconnectées des réalités vécues et des besoins dans les réseaux publics en décembre dernier le sont encore plus maintenant. Il s’agit d’un grand manque de respect pour les travailleuses et les travailleurs du secteur public qui ont présentement plus que jamais besoin d’être soutenus. »
Malgré cela, les syndicats ont néanmoins accepté de poursuivre les pourparlers avec le gouvernement, notamment pour tenter d’obtenir des gains immédiats pour les travailleurs en danger en raison de la COVID-19. Une entente de six mois garantissant certaines mesures de protection et des primes pour les travailleuses de la santé a d’ailleurs été conclue avec la FIQ.
Le 19 mai, après plusieurs semaines de négociations, la FTQ et ses syndicats affiliés ont déposé de nouvelles demandes salariales, soit 2% d’augmentation par année pour un contrat de trois ans, plus 0,87% pour les bas salariés. Les demandes incluaient également une hausse de 12% du salaire des préposées aux bénéficiaires à travers la Loi sur l’équité salariale, ce qui augmenterait leur rémunération jusqu’à 25 dollars de l’heure. Or, malgré les compromis consentis par le syndicat, le gouvernement n’a pas répondu positivement à cette demande. Le 22 mai, c’était à son tour de déposer une nouvelle offre globale : il proposait maintenant une convention collective de trois ans avec une augmentation salariale de 5% (1,75% pour chacune des deux premières années et 1,5% pour la troisième année), soit l’équivalent de son offre du mois de décembre qui impliquait l’appauvrissement des travailleurs pendant la durée du contrat. La nouvelle offre incluait aussi des « montants forfaitaires » laissant croire à une hausse de rémunération plus importante que celle proposée en réalité. En effet, ces « montants forfaitaires » ne s’appliquent en fait qu’à une minorité de travailleurs et ne sont pas pris en compte dans le calcul de la retraite et des avantages sociaux. Par exemple, le gouvernement a fait miroiter publiquement une augmentation de salaire de 18% pour les préposées aux bénéficiaires. Mais en réalité, une partie de ce pourcentage consisterait en primes non récurrentes (et qui peuvent donc disparaître) et non en véritable augmentation de salaire. Pire encore, cette augmentation particulière ne concernerait que les préposées aux bénéficiaires œuvrant dans les CHSLD, laissant de côté plus de 15 000 préposées aux bénéficiaires travaillant dans les hôpitaux ou ailleurs. Comme on pouvait s’y attendre, l’offre a été dénoncée par les syndicats, avec raison. La FTQ l’a aussitôt jugée inacceptable et a recommandé à ses membres de voter contre. La présidente de la CSQ, Sonia Éthier, a également dénoncé l’offre en affirmant :
« En n’octroyant aucun montant significatif pour améliorer les conditions de travail dans les différents secteurs d’emploi en éducation, en santé et en enseignement supérieur, le gouvernement de la CAQ échoue à déposer une offre acceptable pour une majorité de travailleuses et de travailleurs ».
Puis, le 26 mai, la FIQ a annoncé le rejet à l’unanimité des offres patronales par ses déléguées, offres jugées insultantes par le syndicat. La présidente de la FIQ, Nancy Bédard, a déclaré :
« Nos militantes sont offensées et leur message est clair : nous ne signerons jamais une entente à rabais.Nous sommes très loin d’une entente, il n’y a absolument rien pour les professionnelles en soins dans cette offre. Depuis des années, elles tombent au combat, elles sont surchargées, épuisées, elles sont en détresse psychologique. Il faut trouver des solutions durables et nous en avons proposé plusieurs. »
Le 3 juin, c’était au tour du Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ), un syndicat représentant 30 000 employés de l’État dont 4 000 ouvriers, de refuser les offres gouvernementales. Finalement, le 5 juin, les membres de la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE), syndicat affilié à la CSQ représentant 65 000 enseignants du primaire, du secondaire, du préscolaire et de la formation professionnelle, ont également rejeté à 97% l’offre du Conseil du trésor. Les enseignants déplorent notamment « la volte-face spectaculaire du gouvernement face à ses engagements électoraux », c’est-à-dire sa décision de ne pas abolir les six premiers échelons de l’échelle salariale comme il l’avait promis. Aussi, ils dénoncent la volonté du gouvernement d’alourdir leur tâche en augmentant de manière importante le nombre d’heures travaillées.
Les manifestations se multiplient depuis quelques jours
Dernièrement, l’affrontement économique entre les travailleurs du secteur public et le gouvernement Legault s’est transposé dans la rue avec l’organisation de plusieurs manifestations par les syndicats. Les travailleurs se mobilisent non seulement pour faire valoir leurs revendications concernant le renouvellement des conventions collectives, mais aussi pour riposter aux attaques qu’ils subissent de la part de l’État bourgeois dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.
Le 25 mai, à l’appel de l’Alliance interprofessionnelle de Montréal (AIM), un syndicat affilié à la Fédération interprofessionnelle de la santé – secteur privé (FIQP), une centaine de personnes se sont rassemblées devant la Résidence Angelica, un CHSLD de la métropole alors aux prises avec une importante éclosion de COVID-19 (en date du 20 mai, une centaine d’employés de l’établissement avaient été infectés, 103 résidents avaient été contaminés et 59 d’entre eux étaient morts). Les personnes rassemblées visaient à exprimer leur soutien aux travailleuses de l’établissement, revendiquer de meilleurs équipements de protection (notamment des masques N95), exiger la cessation des arrêtés ministériels qui privent les travailleuses de leurs droits et demander que le statut des réfugiées travaillant dans les établissements de santé soit régularisé. Plusieurs autres syndicats (par exemple le SQEES-FTQ ou l’APTS) ont participé à cette manifestation.
Le 27 mai, les infirmières et les autres travailleuses de la santé membres de la FIQ ont mené des actions symboliques sur leur heure de dîner ou à la fin de leur quart de travail un peu partout au Québec (Rouyn-Noranda, Lévis, Terrebonne, Montréal, Québec, Rimouski, Trois-Rivières, Chicoutimi, Saint-Jérôme, Saint-Constant, Longueuil, Hull, Sherbrooke) pour dénoncer la suspension de leurs droits et mettre de l’avant le message « mortes de fatigue ». À Montréal, des manifestations ont eu lieu devant des hôpitaux et des CHSLD aux prises avec la COVID-19. À Québec, une cinquantaine de militantes ont bloqué l’intersection devant l’hôtel Concorde en se couchant par terre pour symboliser leur épuisement extrême. Des manifestations ont également eu lieu devant le bureau de la ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann, à Saint-Constant, ainsi que devant celui de la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, à Saguenay.
Le 28 mai, une manifestation réunissant plus d’une centaine de travailleurs du secteur public membres de la CSN a eu lieu devant les bureaux du premier ministre Legault à Montréal. L’objectif du rassemblement était de dénoncer le déroulement des négociations ainsi que la dernière offre globale proposée par le gouvernement, jugée insuffisante aussi bien sur le plan des salaires que sur celui des conditions de travail. La vice-présidente de la CSN, Caroline Senneville, a affirmé que « [c]e qui est sur la table actuellement ne répond pas aux besoins du personnel des services publics […]. » La présidente du Conseil central du Montréal métropolitain (CCMM-CSN), Dominique Daigneault, quant à elle, a déclaré :
« Malgré toutes les contraintes qui résultent de la crise sanitaire, plus d’une centaine de personnes ont tenu à venir ici, devant le bureau du premier ministre, pour réclamer des services publics plus humains tant pour celles et ceux qui y travaillent au quotidien que pour l’ensemble de la population. Ces personnes se font la voix de toutes ces femmes et de tous ces hommes qui se dévouent comme jamais pour le Québec. Elles doivent être entendues. »
Le 1er juin, un « convoi automobile » organisé par le Conseil central de Québec – Chaudière-Appalaches (CSN) et rassemblant divers syndicats affiliés à la FSSS-CSN a sillonné les rues de la capitale nationale afin d’exprimer un appui aux travailleurs en lutte contre la COVID-19 et pour dénoncer les arrêtés ministériels qui briment les droits des travailleurs de la santé. Le convoi est passé devant les principaux établissements de santé touchés par la crise avant de terminer son parcours devant l’Assemblée nationale, où une minute de silence a été observée.
Finalement, le 2 juin, la FIQ a installé un campement de 48 heures devant l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal afin de mettre de la pression sur les directions d’établissements n’ayant pas encore conclu d’entente avec le syndicat local pour permettre aux travailleuses de prendre des vacances. Selon la présidente de la FIQ, les actions des dernières semaines ont porté fruit et ont finalement permis à des ententes d’êtres conclues à plusieurs endroits. Cependant, il reste encore des CISSS/CIUSSS récalcitrants et de nombreuses travailleuses épuisées n’ont toujours pas obtenu de réponses quant à leurs demandes de congé.
En avant vers la prochaine vague de combats prolétariens!
La mobilisation en développement des travailleurs du secteur public est intéressante, car elle constitue de facto une opposition ouverte à l’exécutif gouvernemental en place (le gouvernement Legault), voire à l’État bourgeois dans son ensemble. Par ailleurs, elle concerne directement une quantité massive de prolétaires, ce qui lui donne une portée très large. Finalement, étant donné que les enjeux négociés touchent en grande partie les services fournis par l’État à la population de la province (soins de santé, écoles, etc.), ce sont les conditions de vie de l’ensemble du prolétariat qui sont en jeu. Pour toutes ces raisons, la lutte actuelle des travailleurs du secteur public possède un caractère plus « général » que d’autres affrontements économiques qui surviennent régulièrement dans la lutte des classes. Cela rend cette mobilisation organisée propice à une fusion avec la colère diffuse du peuple contre le gouvernement en place et contre sa gestion anarchique de la crise sanitaire. Même si la mobilisation syndicale pourrait ralentir avec la conclusion éventuelle des négociations en cours, l’opposition des syndicats au gouvernement Legault ne prendra pas fin pour autant. En effet, les prochains mois et les prochaines années seront certainement marquées par l’application de douloureuses mesures contre les travailleurs alors que l’État bourgeois cherchera à rembourser les dépenses extraordinaires effectuées pour faire face à la pandémie, comme l’a d’ailleurs laissé entendre récemment le ministre des Finances du Québec, Éric Girard, en déclarant qu’on « [allait] devoir refaire des efforts à long terme pour revenir sur le chemin de l’équilibre budgétaire » et que « ce chemin−là [allait] prendre de trois à cinq ans ». Ces attaques contre les travailleurs vont inévitablement susciter la résistance des organisations syndicales et populaires. Cette opposition organisée, combinée aux diverses luttes économiques qui vont éclater dans tous les secteurs de la production et du travail ainsi qu’aux élans de protestation populaire spontanés susceptibles de naître ici et là, pourrait créer une situation effervescente dans la province. La conjoncture pourrait donc bientôt être particulièrement propice à la construction d’un mouvement visant au renversement de la classe capitaliste et à la mise en place d’un nouveau pouvoir prolétarien et populaire. Ce mouvement révolutionnaire se développera en plein cœur de la lutte économique des masses et au sein des grandes organisations prolétariennes déjà constituées!