COVID-19 : Le peuple n’est pas responsable du désastre à venir

Depuis le début de la crise sanitaire au Québec, les capitalistes et leur gouvernement tentent de se décharger de toute responsabilité quant à la situation catastrophique qui se développe dans la province et quant à la souffrance qui grandit jour après jour au sein des masses populaires. L’objectif qu’ils poursuivent est clair : préserver leur semblant de légitimité et éviter l’émergence d’une crise politique qui menacerait la stabilité du capitalisme. Alors que l’épidémie a démontré plus clairement que jamais l’incapacité de la bourgeoisie à assurer des conditions d’existence convenables au peuple et que la gestion de la crise par les autorités s’est avérée être un désastre monumental pour les masses, le gouvernement essaie depuis le début de faire ressortir un bilan positif de ses actions et de se présenter comme agissant au nom de la santé de la population. Il tente également de minimiser l’ampleur de la catastrophe en embellissant constamment la réalité dans la propagande qu’il sert au peuple à chaque point de presse. Cela dit, parmi toutes les tactiques que le gouvernement utilise pour se protéger d’un éventuel désaveu massif de la population, il y en a une qui occupe une place de plus en plus importante avec l’étape de la relance économique dans laquelle la gestion de la crise est entrée. Cette tactique, c’est celle consistant à rejeter sur le dos du peuple la responsabilité de la lutte contre l’épidémie et du désastre en cours.

Les deux phases de la gestion gouvernementale et l’évolution du rôle des masses dans la propagande bourgeoise

Dans la première phase de la gestion de la crise, celle du confinement généralisé et des mesures défensives contre la pandémie, il était encore relativement facile pour le gouvernement de présenter ses actions comme résultant de la volonté de protéger la santé de la population. Même si en réalité, l’objectif poursuivi était de protéger l’économie nationale dans un contexte où les États concurrents appliquaient des mesures similaires et où il devenait économiquement risqué de ne pas les imiter, une grande partie des mesures mises en place avaient réellement pour effet de limiter la propagation du virus. Il était alors avantageux de mettre de l’avant l’initiative de l’exécutif gouvernemental et de développer le discours selon lequel le peuple subissait contre son gré des mesures difficiles à supporter, mais nécessaires. Cela permettait alors au gouvernement d’apparaître comme étant en parfait contrôle de la situation et comme ayant agi de manière pleinement conforme à ce qu’exigeait la situation objective, et ce, même si la progression réelle du virus aurait nécessité qu’on agisse beaucoup plus tôt et beaucoup plus fermement. Au mois d’avril, alors que le nombre d’infectés et de morts commençait à augmenter de manière alarmante, le gouvernement pouvait encore profiter de la nouveauté de la situation et faire apparaître cette aggravation de l’épidémie comme étant inévitable en raison de la contagiosité extrême du virus et de son caractère « imprévisible ». Il pouvait également pointer du doigt le refus des masses, réel ou présumé, de se plier aux consignes. D’ailleurs, dès les premières semaines de la crise, le premier ministre stigmatisait les récalcitrants supposés et invitait publiquement la police à sévir contre eux.

Or, maintenant que la gestion de la crise est entrée dans sa seconde phase, soit celle de la relance économique et du déconfinement, il devient plus difficile pour le gouvernement d’expliquer ses décisions en s’appuyant sur des considérations d’ordre sanitaire et sur les nécessités de la lutte contre le virus. En effet, si le fait de confiner la population, au moment où la province ne comptait encore qu’une poignée de personnes infectées, avait permis de ralentir l’épidémie et de sauver des vies, il est évident que le déconfinement aura l’effet inverse dans un contexte où des milliers de personnes sont désormais contagieuses et où il n’y a toujours pas de vaccin ou de traitement contre le virus. Le gouvernement est en train d’éliminer pratiquement toutes les mesures qu’il avait lui-même mises en place pour limiter la propagation du virus. L’exécutif gouvernemental ne peut donc plus mettre sa propre initiative en valeur comme il le faisait dans la phase précédente. Il devient, au contraire, beaucoup plus avantageux pour lui de remettre entièrement le fardeau de la lutte contre le virus sur la population et de présenter ses récentes décisions comme résultant de la « volonté populaire ». De cette façon, le gouvernement ne pourra être accusé d’avoir provoqué l’accélération de l’épidémie et d’avoir favorisé la contamination de la population en relâchant les mesures de confinement. Ainsi, la relance économique est présentée, lors des points de presse, comme un processus consistant à satisfaire peu à peu les exigences du peuple et à lui redonner progressivement sa liberté. Les médias bourgeois présentent également les faits de cette manière, contribuant à protéger la bourgeoisie et son exécutif gouvernemental. Jamais on ne laisse entendre qu’il pourrait y avoir des gens, au sein de la population, qui auraient souhaité le maintien du confinement généralisé jusqu’à la fin de l’épidémie. La propagande gouvernementale et médiatique laisse même croire que le déconfinement en cours est moins rapide que ce que voudrait la population. Par ailleurs, puisque la protection de la santé des masses exigerait objectivement que le confinement soit maintenu, le gouvernement doit inventer de faux prétextes ayant un vernis « médical » pour justifier la relance économique. Parmi ceux-ci, l’idée que la « santé mentale » des gens pourrait se détériorer si le confinement se prolongeait a occupé une place prépondérante dans les dernières semaines. Mais en fait, cet argument revenait à dire que les masses populaires n’étaient plus capables de tolérer le fait de rester à la maison, que leur souffrance subjective était trop grande et donc, qu’elles voulaient que l’on procède au déconfinement. L’idée que le gouvernement agit présentement au nom de la « santé mentale » n’est donc qu’une variation sur l’idée qu’il ne fait que satisfaire la volonté populaire en relançant l’économie. Par ailleurs, parallèlement à cette idée, la bourgeoisie continue à accuser les masses de ne pas respecter les consignes restantes (port du masque, respect du « deux mètres », limitation des réunions, etc.). Même si les accusations de ce genre étaient déjà utilisées dans la première phase de la gestion de la crise, elles deviennent encore plus importantes désormais. En effet, alors que pratiquement toutes les décisions gouvernementales vont à l’encontre de ce qui serait nécessaire pour limiter la propagation du virus et alors que les conséquences de l’épidémie vont se faire sentir plus durement que jamais, il devient nécessaire de mettre le focus ailleurs que sur les agissements des autorités. Ainsi, le gouvernement fait reposer le « succès » ou « l’échec » du déconfinement sur les choix et les agissements des masses populaires, et ce, pour détourner l’attention du fait que c’est le déconfinement lui-même qui conduit inévitablement au désastre sanitaire! Le gouvernement prépare le terrain pour pouvoir dire que non seulement ce sont les masses qui ont voulu la fin du confinement, mais qu’en plus elles n’ont pas été capables de se déconfiner comme il faut!

En somme, dans la première phase de la gestion de la crise, selon le discours bourgeois, le peuple ne voulait pas des mesures qui étaient prises par le gouvernement tandis que dans la seconde, c’est le peuple qui aurait fait pression pour que le gouvernement agisse comme il a agit. Le fil conducteur de la propagande gouvernementale entre la première phase et la deuxième, c’est que les masses populaires sont indisciplinées et n’écoutent jamais les directives. Dans la seconde phase, en plus de ne pas écouter les consignes sanitaires restantes, les masses seraient responsables de l’élimination progressive de toutes les autres mesures par le gouvernement, lequel n’agirait soudainement qu’en fonction de la pression populaire. D’une phase à l’autre, les effets délétères de la propagation incontrôlée du virus ne sont jamais imputables aux actions des autorités. Celles-ci ne sont jamais responsables des infections et des morts. Pourtant, ce sont les décisions de ceux qui ont le pouvoir politique qui ont des répercussions déterminantes sur la société, et non les actions de la vaste majorité de la population qui est exclue de l’exercice de ce pouvoir. Par ailleurs, ces décisions ne sont jamais prises en fonction de la volonté générale de la population, mais bien en fonction des intérêts économiques de la classe dominante, c’est-à-dire de la classe capitaliste.

« Volonté populaire » ou volonté de la bourgeoisie?

Depuis que le gouvernement du Québec s’est engagé ouvertement sur la voie de la relance économique, les représentants de la bourgeoisie ne cessent de laisser entendre que le peuple n’en pouvait plus et que c’est lui qui exigeait la fin des mesures de confinement. Cette idée est présente en filigrane dans toutes les conférences de presse gouvernementales. Par exemple, chacune des annonces relatives au déconfinement (par exemple l’ouverture des campings) est présentée comme la satisfaction d’une revendication populaire supplémentaire. Les médias bourgeois ne cessent également d’imposer cette idée. Par exemple, on n’a pas arrêté de voir au téléjournal des parents disant qu’ils étaient soulagés de pouvoir renvoyer leurs enfants à l’école, comme s’il n’y en avait pas qui étaient au contraire angoissés par le fait d’être forcés de le faire malgré les risques, étant obligés de retourner au travail en pleine pandémie. De la même manière, on n’a pas cessé de dire que les enfants et les jeunes de la province avaient hâte de retourner en classe pour revoir leurs amis. Cela était probablement vrai, mais ne voulait aucunement dire qu’ils souhaitaient prendre le risque d’attraper et de transmettre le virus mortel à leurs parents! En fait, les médias font dire à « l’opinion publique » ce qu’ils veulent pour mettre de l’avant les conclusions qui favorisent l’intérêt de la bourgeoisie. Par exemple, le 21 mai, le journal La Presse publiait un article intitulé « Les jeunes s’ennuient de l’école, selon un sondage ». Dans le contexte actuel, le titre renforçait l’idée que les jeunes réclament la réouverture des écoles au mois de septembre. Mais lorsqu’on lit l’article, on apprend que les résultats du sondage en question révélaient également que « 74% des filles et 65% des garçons craignent aussi qu’un membre de leur famille immédiate soit infecté ». L’article aurait donc pu s’appeler « Les jeunes ont peur du virus, selon un sondage », mais cela n’aurait pas servi les intérêts de la bourgeoisie.

De nombreux sondages sur la soi-disant dégradation de la « santé mentale » de la population ont également été rapportés de manière tendancieuse dans les grands médias bourgeois au cours des dernières semaines. Par exemple, le 27 avril, Radio-Canada publiait les résultats d’un sondage Angus Reid dans un article intitulé « Santé mentale : le confinement, un sérieux défi pour la moitié des Canadiens ». Dans le premier paragraphe de l’article, on apprenait que « 50 % des citoyens au pays affirment avoir des difficultés à soutenir le confinement ». Or, lorsque l’on examine le questionnaire utilisé par la firme de sondages, on constate que la question qui a été posée aux participants pour obtenir ce résultat est la suivante : « En pensant aux six semaines environ qui se sont écoulées depuis le début de l’épidémie de coronavirus au Canada, parlez-nous des conséquences de cette situation sur différents aspects de votre vie [la situation financière de votre ménage, votre santé mentale, votre bien-être physique, les relations avec les personnes de votre ménage et les relations avec les amis et la famille en dehors de votre foyer] comparativement, disons, à votre vie au début du mois de mars. » La question ne portait donc pas sur le confinement lui-même, mais sur la pandémie de manière générale! Or, il est tout à fait compréhensible que les gens soient inquiets et anxieux (termes employés par la firme de sondage dans une autre question posée aux participants pour déterminer leur état d’esprit) alors qu’un virus mortel et incompris se propage au pays et alors que de nombreux prolétaires sont tombés dans une situation financière très précaire en raison de la réponse capitaliste à la pandémie. Pire encore, les résultats du sondage montraient également que 75% de la population estimait qu’il était « trop tôt pour commencer à lever les restrictions sur les entreprises et les rassemblements publics dans leur province ». Le titre de l’article de Radio-Canada laissait donc entendre exactement le contraire de ce que les résultats du sondage démontraient. Un autre sondage commandé par la Commission de la santé mentale du Canada, sondage réalisé entre le 25 et le 27 avril par la firme Nanos Research, a révélé des données intéressantes. À la question « Quelle a été la principale raison de vous sentir stressé au cours du dernier mois? », seulement 8,2% des participants ont répondu le « sentiment d’être piégé » et la « perte de liberté », et seulement 3,9% ont invoqué la « solitude ». En comparaison, 25,9% des participants ont répondu qu’ils étaient principalement stressés par l’idée de « contracter le virus ou que des membres de la famille contractent le virus », et 18,7% ont invoqué les « finances » et la « sécurité d’emploi ». Par ailleurs, à la question « Votre santé mentale est-elle aujourd’hui meilleure, un peu meilleure, un peu moins bonne, moins bonne ou à peu près pareille qu’avant la pandémie COVID-19? », 61% des participants ont répondu qu’elle était soit « à peu près pareille » (51%), soit « meilleure » (3%) ou « un peu meilleure » (7%). Seulement 10% ont répondu que leur santé mentale était « moins bonne », en plus du 28% qui ont affirmé qu’elle était « un peu moins bonne ». Plus encore, parmi ceux ayant répondu qu’elle était « moins bonne » ou « un peu moins bonne », seulement un cinquième des participants a invoqué comme raison le fait de ne pas pouvoir « faire d’activités régulières ou socialiser » ou encore le fait de se sentir « isolé ». Bref, si l’on se fie aux résultats de ce sondage, la souffrance psychique de la population a été nettement exagérée par les médias et par le gouvernement, et surtout, elle avait peu de choses à voir avec le confinement lui-même. D’ailleurs, on peut penser que le déconfinement génère présentement énormément de stress parmi les travailleurs qui doivent composer quotidiennement avec des risques élevés d’attraper et de transmettre le virus. Pourtant, le gouvernement n’a cessé de répéter que de graves problèmes allaient survenir si on obligeait les gens à rester isolés chez eux plus longtemps et si on ne leur redonnait pas rapidement leur « liberté ». Des publicités gouvernementales télévisées portant sur la « santé mentale » ont même remplacé les messages invitant les gens à rester chez eux. En réalité, tout ceci n’était qu’une construction servant à justifier le fait de relancer l’économie alors que l’épidémie n’était pas du tout sous contrôle.

Lors du point de presse du 7 mai, Horacio Arruda a fait une intervention qui concentrait bien les idées présentement utilisées par le gouvernement pour faire avaler le déconfinement aux masses :

« On écoute ce que les gens nous disent, les associations. Je reçois plein de courriels de personnes soit sur des cas individuels soit sur une vision. Ça fait que c’est comme si on est en relation aussi avec le feed-back qu’on reçoit par rapport à ce qu’on annonce. […] C’est parce qu’on est à l’écoute. On est à l’écoute de ce que les gens nous disent pour essayer de trouver une solution. C’est comme la relation patient-partenaire. Moi, je peux avoir une idée pour ce qui est bon pour mon patient puis vous dire : C’est ça que vous faites. Mais le patient, peut-être qu’il veut autre chose. […] Et là on va arriver dans une période, je vous dirais, où on va demander encore des choses très importantes aux gens. Mais on veut aussi être à l’écoute de comment eux se sentent par rapport à ça. Je m’excuse, s’il y avait un vaccin au mois de septembre, on resterait probablement tous encore confinés puis on attendrait après le vaccin. Mais ce n’est pas le cas. Ça va être impensable de penser… On va avoir des révolutions. Il y a de la violence qui se passe actuellement. Il y a peut-être même des parents, des très bons parents qui, en étant enfermés, n’en peuvent plus avec les enfants, auraient juste le goût de les brasser un peu physiquement. »

En d’autres mots, les récentes décisions du gouvernement relatives à la crise sanitaire ne sont plus basées sur les nécessités objectives de la lutte contre le virus, mais bien sur ce que souhaiterait la population, selon les autorités. La fin du confinement est justifiée non pas parce qu’elle sécuritaire, non pas parce qu’elle est nécessaire du point de vue de la santé publique réelle, mais bien parce que les gens n’en pouvaient soi-disant plus d’être enfermés chez eux. En fait, lors de cette intervention, Horacio Arruda a admis sans s’en rendre compte que les orientations qu’il prend ne sont pas dictées par l’état des connaissances scientifiques sur le virus ou sur l’épidémie. Car évidemment, les décisions gouvernementales n’ont jamais vraiment été motivées par la nécessité de protéger la population du virus. Cela dit, elles n’ont jamais été dictées non plus par les exigences et la volonté du peuple. Ainsi, malgré ce que laissent croire les autorités et les médias bourgeois, ce n’est pas la souffrance des masses qui a poussé le gouvernement à lever les mesures de confinement. En vérité, ce sont les capitalistes qui ont décidé de relancer l’économie au plus vite pour ne pas perdre de terrain (ou encore pour en gagner) face à leurs concurrents internationaux, concurrents qui ont également commencé à relancer la production ailleurs dans le monde. Le déconfinement n’est pas la réalisation de la volonté de la population du Québec ou du Canada : c’est un mouvement mondial produit par la compétition entre les bourgeoisies des différents pays impérialistes. C’est un mouvement lancé par les classes dominantes de ces différents pays après qu’elles se soient poussées entre elles à aller de l’avant. Les désirs des masses populaires, quand bien même celles-ci souhaitaient réellement que l’on mette fin au confinement, n’ont rien eu à voir la-dedans.

Ainsi, au Québec, comme partout ailleurs, la véritable pression qui s’est exercée sur l’exécutif gouvernemental ne venait pas de la population en général, mais bien des propriétaires d’entreprises, des milieux d’affaires et des associations patronales, c’est-à-dire d’une infime minorité de la société dont les intérêts divergent de ceux de la majorité. Par exemple, pendant le mois d’avril, le Conseil du patronat du Québec (CPQ) et son président Yves-Thomas Dorval se faisaient entendre dans les médias pour faire valoir le point de vue selon lequel la réouverture des entreprises non-essentielles, même en pleine pandémie, était souhaitable et qu’elle ne devait pas trop tarder. Le 15 avril, le CPQ déclarait que « [l]a reprise du travail graduelle dans un environnement tenant compte de la COVID-19 est possible ». Puis, le 20 avril, l’association publiait sa « feuille de route pour une relance économique sécuritaire et durable », soit un document de quarante-deux pages visant à « dresser une liste d’éléments à prendre en considération pour alimenter les prises de décisions à venir » et visant à indiquer la voie à suivre pour relancer l’économie au plus vite. Entre autres, le document exprimait très clairement la raison poussant les capitalistes à une reprise rapide des activités :

« Dans un contexte de reprise globale de l’économie, toutes les organisations seront sur la ligne de départ, pratiquement en même temps, pour reprendre les activités, et ce, en même temps que l’écosystème dans lequel navigue l’organisation sera aussi en redémarrage. […] Qui plus est, le phénomène est mondial et la course à laquelle les entreprises au Québec devront prendre part s’étendra à l’échelle internationale. Toute la chaîne de valeur sera dans la tourmente. Certains compétiteurs sur le plan de l’exportation et même certains compétiteurs étrangers fournissant des produits et services au Canada seront sur les rangs, avec des capacités différentes et peut- être à des positions devançant les entreprises ayant des activités au Québec, si les autorisations de reprise sont trop tardives ou trop contraignante. […] Le Québec et le reste du Canada sont dans le milieu du peloton. Certains partent déjà et d’autres piaffent d’impatience pour démarrer. Un manque d’harmonisation avec les autres provinces et pays quant aux secteurs essentiels et stratégiques mettrait nos entreprises dans une position concurrentielle désavantageuse. On ne doit pas se laisser distancer dans cette course de demi-fond, voire de marathon. S’il ne s’agit pas d’un sprint, il ne faut pas trop tarder à quitter les blocs de départ et il faut doser intelligemment notre énergie dans cette épreuve d’endurance. »

La « feuille de route » du CPQ indiquait même la séquence que devaient suivre les réouvertures dans la province. Notamment, le document expliquait de manière éloquente que les écoles devaient rouvrir pour permettre aux parents d’aller travailler. Voici ce qu’on pouvait lire dans le document :

« Si ce sommet [de la contagion] survient avant la fin d’avril, certaines activités prioritaires, qui ne sont pas encore permises, devront être autorisées sous certaines conditions, et ce, peut-être même avant le 4 mai. Le gouvernement a en effet annoncé le 13 avril que plusieurs chantiers de construction résidentielle sont maintenant inclus dans la liste des services et activités prioritaires […]. Il faudrait maintenant passer aux autres secteurs de la construction et aux activités manufacturières de première et deuxième transformation. Les secondes activités à être autorisées, peut-être autour du 4 mai, et toujours sous conditions, pourraient être celles qui préparent ou permettent la réalisation des activités subséquentes à être autorisées (par ex., une chaîne d’approvisionnement nécessaire au bon fonctionnement d’une autre activité et des services scolaires ou de garderies complètement réadaptées, permettant aux parents d’aller travailler). […] Puis, dans les semaines suivantes, viendra le redémarrage d’activités économiques ne représentant pas d’interactions de proximité directe entre des individus dans le cours normal des activités (distanciation possible), comme d’autres activités manufacturières, des activités technologiques, des commerces et d’autres activités similaires, voire même touristiques en l’absence de regroupement. »

Visiblement, le gouvernement du Québec a pris des notes à la lecture de ce document! En plus du CPQ, d’autres organisations représentant les intérêts des capitalistes de la province, telles que la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM), la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ), Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ) et la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) faisaient également campagne pendant le mois d’avril pour la relance économique et la réouverture des entreprises. Le 8 avril dernier, dans une lettre commune publiée dans plusieurs grands médias du Québec, toutes ces organisation déclaraient :

« Le gouvernement et les associations patronales voudront, très prochainement, convenir d’un plan de reprise graduelle qui devra mobiliser d’avance les secteurs considérés comme prioritaires. En travaillant tous ensemble au temps de la COVID-19, nous pourrons surmonter cette crise et assurer une relance efficace et rapide de notre économie. »

Comme on peut le voir, ce n’est pas la voix du peuple que le gouvernement du Québec a écoutée en mettant progressivement fin aux mesures de confinement et en ordonnant les réouvertures, mais bien la voix des capitalistes et de leurs organisations. D’ailleurs, pendant que le « gouvernement et les associations patronales » élaboraient leur plan de relance économique, les organisations populaires commençaient à être dénoncées et stigmatisées par le premier ministre Legault. Dès le mois d’avril, les syndicats étaient accusés publiquement d’être responsables de la situation dans les CHSLD. Le premier ministre affirmait également que les négociations en cours avec les centrales syndicales étaient « difficiles ». Un peu plus tard, au moment des annonces concernant la réouverture des écoles, les enseignants et leurs syndicats, qui n’avaient même pas été consultés à propos du retour en classe, étaient accusés d’entraver le processus et de faire preuve de corporatisme. Le premier ministre les enjoignait alors de se mettre « en mode solution » (comme l’étaient probablement à ses yeux ses amis du Conseil du patronat du Québec, avec qui les négociations étaient visiblement beaucoup plus faciles qu’avec les syndicats!). Plus récemment, le premier ministre s’en prenait ouvertement à la FIQ, syndicat représentant une grande partie des travailleuses de la santé de la province. Il dénonçait une manifestation organisée devant son bureau par le syndicat pour défendre les conditions de travail et le droit de prendre des vacances des travailleuses du réseau (conditions de travail qui n’iront qu’en se dégradant davantage avec la relance économique, ce dont le premier ministre est parfaitement conscient). Bref, alors qu’il attaquait publiquement les organisations du peuple, le gouvernement appliquait, à quelques nuances près, le programme élaboré par les associations capitalistes. La pression des milieux d’affaires continue d’ailleurs de s’exercer depuis le début du déconfinement. Des représentants de tous les secteurs se font entendre pour réclamer la relance de leurs entreprises. Par exemple, le 7 mai, le président de la CCMM, Michel Leblanc, exprimait dans les médias bourgeois son mécontentement par rapport au report au 25 mai de l’ouverture des commerces à Montréal. Le 17 mai, le PDG des magasins de lingerie La vie en rose, lors de son passage à Tout le monde en parle, réclamait la réouverture des centres d’achat au plus vite et défendait son droit d’y « vendre des petites culottes », ce qu’il assurait pouvoir faire « en sécurité ». Plus récemment, le 28 mai, Stéfane Marion, économiste et stratège en chef à la Banque Nationale, était invité à s’exprimer à RDI Économie sur l’impact des mesures de confinement sur le PIB canadien et sur la nécessité de poursuivre la réouverture de l’économie pour mettre fin à la saignée. Stéfane Marion comparait les résultats économiques du Canada avec ceux de la Suède, pays qui n’a pas mis en place de confinement généralisé (et en conséquence de quoi le pays est récemment devenu celui comptant le plus de morts par million d’habitants dans le monde, avec un taux 11 fois supérieur à la moyenne mondiale). Or, selon Stéfane Marion, « [d]ans le contexte actuel, le choix de la Suède n’apparaît pas comme un choix qui soit dérisoire par rapport aux autres pays parce qu’ils ont protégé davantage leur économie. » L’économiste déclarait ensuite que « dans la mesure où on connaît de plus en plus qui sont les gens vulnérables, il y a une capacité de converger peut-être plus vers le modèle suédois et de continuer à déconfiner ».

En somme, la souffrance du peuple, réelle ou inventée, n’a eu aucun impact sur la décision de relancer l’économie. Les bourgeois au pouvoir aiment bien donner l’impression qu’ils dirigent en fonction de ce que désire la majorité, car cela leur permet de donner un semblant de légitimité à leurs actions et de dissimuler le fait que ce n’est qu’une minorité de riches qui, en réalité, décide de tout. La bourgeoisie a beau prétendre que le système dans lequel nous vivons est une « démocratie », la vérité, c’est que sous le capitalisme, ce n’est pas le peuple qui est aux commandes et ce ne sont pas ses intérêts qui dictent les prises de décisions.

Accusons les vrais responsables de la relance à venir de l’épidémie au lieu de pointer du doigt les masses

Depuis que l’activité économique est repartie et que les principales mesures de confinement ont été levées, François Legault et Horacio Arruda ne cessent d’insister dans les points de presse sur la nécessité absolue de respecter les consignes sanitaires encore en vigueur (par exemple le « deux mètres ») et de ne pas baisser la garde, sans quoi il faudrait « revenir en arrière » et reconfiner la province. Par exemple, le directeur national de santé publique a affirmé que « si on se laisse aller, ça va être dur ». À entendre les autorités, l’évolution de l’épidémie serait désormais entièrement entre les mains des masses populaires. Si celles-ci se montrent suffisamment disciplinées, le déconfinement sera un succès et l’épidémie pourra demeurer « sous contrôle ». Cependant, si le peuple n’écoute plus les consignes, on pourrait assister à une seconde vague qui forcerait le gouvernement à fermer à nouveau les entreprises. Les médias relaient largement cette idée trompeuse, faisant mousser un climat de délation au sein de la population. Sur les réseaux sociaux, les dénonciations de comportements « irresponsables » (par exemple le fait que des gens se tiennent à proximité les uns des autres dans les parcs et ne portent pas de masques), accompagnées de commentaires faisant le lien entre ces comportements et l’imminence de la deuxième vague, fusent de toutes parts. Mais en fait, cette insistance sur les choix et les agissements des prolétaires ne sert qu’à faire diversion des orientations prises par les autorités bourgeoises, lesquelles constituent les seules responsables de la relance à venir de l’épidémie.

Premièrement, si une partie du prolétariat n’écoute pas les consignes restantes, c’est en grande partie parce que des directives confuses et contradictoires ont été données au fil des semaines par les autorités. Aussi, les explications accompagnant les directives sont incomplètes, voire complètement insensées. Par exemple, le port généralisé du masque a été découragé pendant près de deux mois par Horacio Arruda, qui affirmait le considérer inutile et même dangereux. Or, les autorités exhortent désormais la population à le porter, sans quoi la deuxième vague serait inévitable! Pour donner un autre exemple, lors du point de presse du 20 mai, la vice-première ministre Geneviève Guilbault a annoncé que les rassemblements extérieurs de dix personnes provenant de trois ménages différents étaient désormais autorisés. Elle invitait les gens à organiser des barbecues dans leur cours et dans les parcs. Mais l’annonce se limitait à dire que ce genre de réunion était désormais permise. À aucun moment, la vice-première ministre n’a expliqué à la population que ces rassemblements où l’on mange et où l’on boit comportaient des dangers, et qu’un protocole extrêmement strict (et plutôt déplaisant) était nécessaire si l’on voulait réduire minimalement les risques. Pire encore, elle a incité les gens à adopter des comportements dangereux, comme par exemple le fait d’aller à la toilette à l’intérieur de la maison :

« C’est sûr que, quand on pense que des gens pourraient recevoir d’autres personnes dans leur cour, on demande de garder une distance autant que possible, mais, il faut être réaliste, là, c’est évident que quelqu’un à moment donné va devoir entrer pour peut-être aller à la salle de bain. S’il y a de très jeunes enfants, quelqu’un pourrait devoir entrer pour changer une couche. Bon, il y a des situations comme ça qui sont l’évidence et qui vont nécessiter peut-être d’entrer à l’intérieur. Mais, s’il vous plaît, on vous demande d’éviter de vous rassembler à l’intérieur. On n’est pas rendu là pour le moment. Donc, pour l’instant, on fait le test à l’extérieur, sous réserve, là, comme je disais, de certaines choses qui sont du gros bon sens, là, le fait de devoir accompagner un enfant à la salle de bain, etc., mais éviter de vous transporter à l’intérieur. »

Bref, les autorités demandent aux gens de porter des masques et de conserver une distance entre eux, mais elles les invitent en même temps à se rassembler pour partager de la nourriture et des boissons (avec un masque, c’est plutôt difficile). On demande aux gens de ne pas se rassembler à l’intérieur, mais on leur dit avec légèreté que dix personnes peuvent aller à tour de rôle à l’intérieur d’une même maison (et toucher aux poignées de portes, aux robinets des lavabos, etc.) sans problèmes. En plus de constituer une incitation directe à adopter des comportements risqués, ce genre d’annonces a aussi pour effet de donner l’impression plus générale que l’épidémie est terminée et qu’il ne s’agissait que d’un mauvais rêve. C’est d’ailleurs l’idée dominante parmi toutes les idées contradictoires que le gouvernement et les médias bourgeois véhiculent depuis le début de la relance économique. C’est par exemple cette idée qui est propagée lorsqu’on insiste sans arrêt sur « le retour progressif à la normale » et sur le fait qu’il faut maintenant « apprendre à vivre avec le virus ». C’est aussi l’idée que le gouvernement véhicule en réduisant peu à peu la fréquence de ses points de presse, comme si la situation était de moins en moins grave (alors qu’en réalité, la situation ne fera qu’empirer dans les prochains mois!). En fait, l’idée que la pandémie est terminée émane « naturellement » de la relance économique elle-même : si l’on retourne au travail, cela doit être parce que le virus n’est plus là, ou encore parce qu’il n’est pas si pire que ça, finalement. En somme, la bourgeoisie laisse entendre que la crise est sur le point de finir, alors qu’en réalité, nous ne sommes encore qu’au début de la pandémie! Il ne faut donc pas s’étonner si une partie de la population agit comme s’il n’y avait plus aucun danger : c’est ce que les actions du gouvernement et des capitalistes ont produit. Les commentaires selon lesquels les masses seraient responsables de la seconde vague à venir sont donc particulièrement inconsidérés.

Par ailleurs, le discours gouvernemental constitue une exagération grossière de la portée des choix individuels dans le contexte de la lutte contre le virus. En effet, peu importe quels moyens les prolétaires vont tenter de prendre pour se protéger et protéger les autres, ils seront néanmoins forcés d’entrer en contact les uns avec les autres et de se placer dans toutes sortes de situations dangereuses avec la reprise des activités économiques. Par exemple, si le port du masque de tissu est effectivement un moyen de protection efficace, il ne s’agit pas d’une mesure à toute épreuve garantissant que l’on ne peut être infecté ou infecter les autres, surtout dans les espaces fermés où les contacts rapprochés sont inévitables, comme c’est le cas dans les transports en commun et dans bien des milieux de travail. Avec la relance économique, les prolétaires seront obligés de recommencer à fréquenter toutes sortes d’espaces où les risques de contamination sont élevés (toilettes, ascenseurs, vestiaires, etc.). Par ailleurs, dans le contexte d’une journée de travail, les possibilités « d’accidents » sont innombrables, sans parler du fait qu’il faut bien retirer son masque de temps en temps pour manger, s’hydrater, fumer une cigarette ou encore simplement pour le changer. Les occasions d’être contaminé ou de contaminer les autres seront donc encore nombreuses, et ce, même si tout le monde adoptait le port du masque en tout temps (ce qui, de toutes manières, est irréaliste considérant que le port du masque est impossible dans certains contextes comme dans les restaurants, dont la réouverture sera annoncée sous peu, ou encore dans les piscines publiques). Par ailleurs, l’achat de masques en quantités suffisantes peut constituer un fardeau financier important pour des familles prolétariennes pauvres (considérant qu’il faut changer de masques régulièrement au cours d’une journée de travail). Or, le gouvernement recommande son usage, mais n’est même pas capable de mettre en place une distribution généralisée. De la même manière, les employeurs n’ont aucune obligation de fournir des masques à leurs employés. D’ailleurs, l’idée que le « succès » du déconfinement reposerait sur le respect ou non des consignes par la population tend à mettre tout le monde dans le même panier et à cacher le rôle déterminant joué par les dirigeants d’entreprises. En effet, c’est dans les milieux de travail que les prolétaires passeront une grande partie de leur temps avec le déconfinement. Dans ce contexte, le « respect des consignes » dépend bien plus des employeurs que de leurs employés. Or, plusieurs employeurs refuseront de mettre en place des mesures d’hygiène, même minimales. Par exemple, quelques temps après la relance des chantiers de construction résidentiels, les données du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale ont révélé que sur les 1 200 chantiers visités par les inspecteurs (parmi les 6 500 chantiers résidentiels rouverts), il y en avait 406 où les normes n’étaient pas respectées, soit le quart. Dans certains cas, il n’y avait même pas de savon ou de désinfectant sur place. Cela n’a pas empêché le ministre Jean Boulet de souligner les « excellents résultats » obtenus avec la réouverture et d’affirmer que l’expérience était « concluante ». D’ailleurs, au moment où le ministre faisait ces déclarations, les inspecteurs n’avaient fermé que 13 des 406 chantiers en faute.

L’idée selon laquelle l’arrivée ou non d’une deuxième vague dépendra des comportements des masses populaires a été renforcée davantage dans les derniers jours avec la publication des nouvelles projections de l’INSPQ. En effet, ces nouvelles projections s’intéressent à l’évolution de l’épidémie « selon le niveau d’adhésion de la population aux mesures de distanciation et l’isolement des cas ». Les chercheurs de l’INSPQ ont élaboré deux scénarios possibles pour le Grand Montréal, l’un correspondant à une « faible adhésion » (scénario dans lequel les hospitalisations et les décès augmenteraient à partir de la mi-juin) et l’autre correspondant à une « forte adhésion » de la population montréalaise (scénario lequel les hospitalisations et les décès auraient une chance sur deux de diminuer). Les médias bourgeois ont profité de la sortie de ces nouvelles projections pour mener une opération de bombardement idéologique visant à imposer une fois pour toutes l’idée que l’évolution de l’épidémie dépendrait des comportements de masses et que le déconfinement en lui-même ne serait pas déterminant. Par exemple, Radio-Canada a publié un article intitulé « Seconde vague de mortalité improbable si les Montréalais écoutent leurs élus ». Plusieurs médias, dont l’Actualité, Le Soleil et Le Quotidien ont relayé un autre article titré « Le risque d’une deuxième vague dès cet été est réel en cas d’indiscipline ». Un segment de l’émission 15-18 à Radio-Canada, émission portant sur les nouvelles projections de l’INSPQ, a été intitulé « Y aura-t-il une deuxième vague de COVID-19? Tout dépend de vous, selon des experts ». Or, premièrement, les données des projections ne portaient pas sur la possibilité d’une deuxième vague de manière générale, mais bien sur l’évolution de l’épidémie d’ici le mois d’août seulement. Ensuite, le document de l’INSPQ précise que « [l]es prédictions incluent seulement les mesures de déconfinement annoncées avant le 20 mai », un élément important considérant que les annonces de réouvertures et de reprises d’activités se poursuivent depuis cette date. Par ailleurs, même dans le scénario optimiste correspondant à une « forte adhésion » de la population aux mesures de confinement, il y aurait 50% de chances que les hospitalisations et les décès se mettent à augmenter au cours de l’été! Les décès hors CHSLD pourraient même atteindre 45 par jour au mois d’août selon les prédictions les plus pessimistes du scénario optimiste (la prédiction « médiane » correspondant à une quinzaine de décès par jour au cours de l’été dans ce scénario). Mais plus important encore, ces projections partent de la prémisse que l’application des mesures de protection comme le port du masque ou encore la distance de deux mètres est efficace à 100%, ce qui n’est pas le cas. Le document stipule qu’une « forte adhésion » correspond à un scénario où « 60-80 % des contacts sociaux déconfinés sont protégés et 75-90 % des cas symptomatiques sont isolés ». Sur son site internet, l’INSPQ précise également qu’un « contact protégé respecte les mesures mises en place pour réduire la transmission du virus, que ce soit par la distanciation à 2 mètres, le port du couvre-visage ou encore l’installation de Plexiglas dans les commerces ». Les projections sont basées sur l’idée que le déconfinement va augmenter à nouveau le nombre de contacts entre les gens, mais qu’une partie de ces nouveaux contacts seront annulés par l’effet des mesures que les gens adopteront. Les mesures de protection comme le port du masque ou la distance de deux mètres sont donc présumées infaillibles en elles-mêmes et tout reposerait sur le fait que les gens les adoptent ou non. Les chercheurs expliquent d’ailleurs qu’une adhésion des gens à 100% produirait un résultat équivalent au confinement, puisque 100% des contacts supplémentaires seraient « protégés », ce qui n’a aucun sens. Bref, ces projections sont très limitées, comme les chercheurs l’admettent en partie eux-mêmes. Mais elles ont néanmoins servi à renforcer l’idée que la responsabilité du désastre à venir reposerait sur le peuple et non sur les autorités bourgeoises, et donc à protéger la classe dominante.

Dans l’histoire, les capitalistes ont souvent cherché à favoriser la division des prolétaires et se sont souvent efforcés de les amener à lutter les uns contre les autres. Ils ont souvent accusé certaines sections des masses d’être responsables des problèmes de la société pour dissimuler leur propre responsabilité dans la souffrance du peuple et pour empêcher que la colère populaire ne soit dirigée contre eux. C’est un peu la même tactique que les autorités emploient actuellement en insistant à outrance sur le non-respect des consignes par les masses et en incitant ainsi les prolétaires à se pointer du doigt entre eux au lieu de dénoncer les vrais responsables du désastre. Il ne faut pas tomber dans le piège. Les choix et les agissements des masses populaires ne sont aucunement la cause de la catastrophe à venir. La colère et l’indignation des prolétaires doivent être canalisées vers les véritables coupables, c’est-à-dire vers les capitalistes et leur gouvernement!