COVID-19 : La santé publique n’est pas « indépendante »
Depuis mars dernier, le gouvernement se fortifie de remparts idéologiques pour maintenir l’ordre social et traverser la tempête. Ces remparts ont pris différentes formes allant des mensonges aux accusations sans fondement en passant par les demi-vérités. Ils sont des armes de défense contre l’impopularité; des outils politiques qui tordent la réalité, qui masquent les intérêts bourgeois derrière les décisions gouvernementales et qui suscitent des appuis.
Dès le début de la crise, le décret de l’état d’urgence sanitaire a permis au premier ministre et à son équipe de se présenter comme une force bienveillante au service de la population. L’on prétendait que la santé publique avait pris le dessus sur les nécessités économiques et l’on invoquait le confinement comme en étant la preuve irréfutable. Ce qu’on nous cachait, c’est que la pause économique obéissait aux intérêts capitalistes. Elle survenait alors qu’on assistait à l’émergence du mouvement défensif unifié à l’échelle internationale. L’on cherchait également à masquer que cette trêve avait été ordonnée à la toute dernière minute. Pendant de longues semaines, les États nationaux s’examinaient et hésitaient à mettre un frein à leurs activités. Puis, de peur d’être à la remorque les uns des autres, ils se sont tous jetés dans la marre au même moment. D’autres remparts idéologiques ont également été érigés au moment d’ordonner la relance économique capitaliste. Par exemple, on a insisté sur le fait que les enfants ne couraient pas de grands dangers et n’étaient pas de grands vecteurs de contamination. Au fond, le gouvernement ne faisait que prôner la réouverture des écoles et des garderies pour faciliter la reprise économique, soit le retour au travail des parents. Pour ce faire, « l’opinion publique » devait être de son bord.
Ceci étant dit, l’un des remparts idéologiques les plus forts auquel s’en remet le gouvernement, c’est celui de « l’indépendance » de la santé publique. Les médias tentent tant bien que mal de présenter cette instance comme étant « autonome ». François Legault prétend qu’il écoute Arruda, le directeur de la santé publique du Québec, « comme si c’était [s]a mère ». On va jusqu’à laisser entendre que l’état d’urgence sanitaire impose une nouvelle dynamique selon laquelle les membres de l’exécutif national sont partiellement dépossédés de leurs pouvoirs depuis la déclaration de l’état d’urgence sanitaire. La vérité, c’est que la tête de la machine d’État moderne ne s’est pas affaiblie au profit de la santé publique, bien au contraire. D’ailleurs, la relance économique est amorcée et elle n’obéit pas à l’impératif de garder la population en santé, loin de là. Legault et Arruda ne s’en cachent même pas et affirment en toute impunité que nous sommes rendus dans une nouvelle phase exigeant des agissements différents. Autrement dit, les capitalistes veulent se remplir les poches comme avant et cela exige qu’on devienne imprudent.
Bref, le pouvoir exécutif n’a pas perdu du galon en décrétant l’état d’urgence sanitaire. Ce qui s’est réellement produit, c’est la fusion du pouvoir exécutif d’origine avec la santé publique via l’intégration du directeur national de santé publique dans la garde rapprochée du premier ministre. Plus encore, le pouvoir exécutif a été renforcé. Par conséquent, les recommandations de la santé publique s’arriment aux objectifs visés par le cabinet des ministres. Leur premier objectif, c’était de mettre en place le programme défensif unifié (confinement à l’échelle planétaire, pause économique, trêve commune entre concurrents économiques et politiques à l’international). Aujourd’hui, leur objectif, c’est de prendre en charge la relance de l’économie capitaliste dans le cadre de la concurrence impérialiste (déconfinement à l’échelle planétaire, réouverture de tous les secteurs économiques).
Sous le capitalisme, la santé publique n’a jamais été indépendante et ne le sera jamais. Elle est un appendice du pouvoir politique d’État. Comme toutes les autres institutions politiques et sociales, son but est de maintenir et de reproduire durablement le monde tel qu’il existe. Plus encore, la Loi sur la santé publique participe au renforcement du pouvoir exécutif usuel qui, grâce à elle, peut se débarrasser, en temps de crise sanitaire, des encombrements bureaucratiques habituels propres au parlementarisme bourgeois et libéral.
La Loi sur la santé publique et l’article 118 sur la déclaration de l’état d’urgence sanitaire
C’est conformément à l’article 118 de la Loi sur la santé publique que l’état d’urgence sanitaire peut être déclaré dans la province. L’adoption de cette loi en 2001 constitue un fait politique nouveau dans l’histoire de la santé publique et de la société bourgeoise. À l’échelle planétaire, presque tous les États nationaux se sont dotés d’une loi de cet ordre. Cette modernisation commune permet aux gouvernements du monde entier de faire perdurer l’économie capitaliste en cas de déstabilisation sanitaire de l’ordre d’une pandémie. Plus encore, cette loi permet le renforcement et la concentration du pouvoir exécutif bourgeois, conformément à l’article 123 dans la version québécoise, article précédé de l’article 118 :
« Le gouvernement peut déclarer un état d’urgence sanitaire dans tout ou partie du territoire québécois lorsqu’une menace grave à la santé de la population, réelle ou imminente, exige l’application immédiate de certaines mesures prévues à l’article 123 pour protéger la santé de la population. »
[…]
« Au cours de l’état d’urgence sanitaire, malgré toute disposition contraire, le gouvernement ou le ministre, s’il a été habilité, peut, sans délai et sans formalité, pour protéger la santé de la population:
1° ordonner la vaccination obligatoire de toute la population ou d’une certaine partie de celle-ci contre la variole ou contre une autre maladie contagieuse menaçant gravement la santé de la population et, s’il y a lieu, dresser une liste de personnes ou de groupes devant être prioritairement vaccinés;
2° ordonner la fermeture des établissements d’enseignement ou de tout autre lieu de rassemblement;
3° ordonner à toute personne, ministère ou organisme de lui communiquer ou de lui donner accès immédiatement à tout document ou à tout renseignement en sa possession, même s’il s’agit d’un renseignement personnel, d’un document ou d’un renseignement confidentiel;
4° interdire l’accès à tout ou partie du territoire concerné ou n’en permettre l’accès qu’à certaines personnes et qu’à certaines conditions, ou ordonner, lorsqu’il n’y a pas d’autre moyen de protection, pour le temps nécessaire, l’évacuation des personnes de tout ou partie du territoire ou leur confinement et veiller, si les personnes touchées n’ont pas d’autres ressources, à leur hébergement, leur ravitaillement et leur habillement ainsi qu’à leur sécurité;
5° ordonner la construction de tout ouvrage ou la mise en place d’installations à des fins sanitaires ou de dispensation de services de santé et de services sociaux;
6° requérir l’aide de tout ministère ou organisme en mesure d’assister les effectifs déployés;
7° faire les dépenses et conclure les contrats qu’il juge nécessaires;
8° ordonner toute autre mesure nécessaire pour protéger la santé de la population.
Le gouvernement, le ministre ou toute autre personne ne peut être poursuivi en justice pour un acte accompli de bonne foi dans l’exercice ou l’exécution de ces pouvoirs. »
La mise en place de l’état d’urgence sanitaire implique une suspension des séances de l’assemblée nationale ou, du moins, de son fonctionnement normal. Comme pour dans d’autres situations d’urgence (p. ex. : une guerre) la machine d’État cherche à se débarrasser des mécanismes inutiles et superflus qui alourdissent son travail. Le parlement (ou l’assemblée nationale au Québec) peut adopter une motion de désaveu lorsque l’état d’urgence sanitaire est décrété. Si les députés ne le l’adoptent pas, c’est qu’ils considèrent qu’un tel décret est en phase avec la situation objective, laquelle requiert des mesures extraordinaires. C’est donc ce qui est arrivé au Québec le 14 mars dernier, et ce, comme dans bien des endroits dans le monde autour des mêmes dates. Partout, les bourgeoisies nationales partageaient la volonté de s’unir derrière leur exécutif national respectif. C’était dans leur meilleur intérêt de le faire.
Le parlement sert à rendre « fonctionnelle » la bourgeoisie dans l’exercice de son pouvoir politique, et ce, malgré la concurrence qui la traverse. Dans les conditions historiques actuelles, un conseil d’administration du capitalisme est mis en place de façon « démocratique » pour mener à bien la réalisation des profits nationaux pendant la durée de son mandat renouvelable de quatre ans. Cependant, les événements exceptionnels (p. ex. : une crise sanitaire) permettent la suspension des séances parlementaires et le renforcement du pouvoir exécutif (le premier ministre, le cabinet ministériel et le parti au pouvoir) jusqu’à la sortie de crise. Dans ces circonstances, il y a entorse à la « séparation des pouvoirs » au cœur de la démocratie bourgeoise libérale et toute la bourgeoisie y consent. À ce propos, au mois de mars dernier, l’opposition à l’assemblée nationale n’avait que des éloges à faire au premier ministre et à sa petite équipe. Il a fallu attendre de longues semaines au cours desquelles se sont enchaînés plusieurs scandales pour que les encouragements et le soutien indéfectible des autres élus fassent place aux critiques. À ce stade, le maintien du pouvoir politique bourgeois dépendait de la résurgence de l’opposition dans les limites convenues par la bourgeoisie elle-même. D’ailleurs, le 19 avril dernier, invité à l’émission de radio La soirée est encore jeune, Gabriel Nadeau-Dubeau, député de Québec solidaire, décrivait le rôle de l’opposition en temps d’urgence sanitaire comme suit :
« Oui on l’est [solidaire du gouvernement], pour le moment. Pour le moment parce que globalement, ça serait difficile de cracher dans la soupe. Je pense qu’on a un gouvernement qui fait […] un travail qui est très responsable depuis un petit bout. Ceci étant dit, on commence à voir envie de reprendre les débats […]. Nous, on a proposé de continuer, bien sûr, à travailler tout le monde ensemble et à collaborer, mais d’ajouter à ça un peu de débat démocratique parce que je pense que c’est important et je pense que la crise ne doit pas nous faire perdre de vue des choses bien importantes. […] C’est sûr que le gouvernement en ce moment, il jouit d’une grande popularité, puis c’est normal. Je pense qu’en temps de crise, les gens se retournent vers les figures d’autorité, les figures en contrôle. C’est normal, puis ce serait bien mal placé pour moi de critiquer ça. Par contre, si je prends juste un petit peu de recul, je pense qu’il faut se rappeler que les contre-pouvoirs en démocratie, ils ont pas besoin d’être populaires pour être importants. […] Ce que ça me fait dire, c’est ça, c’est que les contre-pouvoirs sont importants. Je pense qu’on ne voudrait pas vivre dans une société où le plus sérieusement du monde, il y a une seule personne qui dirige et qui monopolise le débat public. Je pense que ça passe pendant quelques semaines, mais qu’à un moment donné, on est prêt […]. Je pense que pendant au moins le premier mois, les trois premières semaines, quand on voyait François Legault, on voyait surtout un premier ministre, surtout un chef d’État. Je pense par contre que depuis une bonne semaine, depuis, on va se le dire là, l’éclatement des scandales dans les CHSLD, depuis les déclarations un peu maladroites sur la réouverture des écoles, je pense qu’on voit aussi de plus en plus le chef de la CAQ durant les points de presse de 13h00. Et de dire ça, je pense que c’est pas nécessairement une critique en bas de la ceinture. C’est-à-dire que François Legault, il est premier ministre et c’est aussi un politicien et ce n’est pas nécessairement un défaut, c’est-à-dire qu’il gère la crise, mais il fait aussi certains choix politiques, ça aussi, certains choix qui sont teintés par son projet de société, par son idéologie puis ça c’est normal. Et c’est pour cela, je pense, que c’est important qu’on commence aussi à poser des questions, qu’on commence, progressivement, bien sûr, à ramener un peu de démocratie et de débats au sein de l’assemblée nationale parce que les gouvernements, ils ne sont pas affaiblis quand on leur pose des questions et quand on leur demande des redditions de comptes. Je pense qu’ils peuvent en être encore meilleurs et encore plus efficaces. »
Autrement dit, les représentants de la bourgeoisie comme Gabriel Nadeau-Dubois savent très bien qu’à un certain stade de la crise, si l’on veut préserver l’État bourgeois, il faut réactiver la démocratie bourgeoise. Dans le meilleur des cas, permettre les critiques consolident le pouvoir de l’exécutif. Dans le pire des cas, si l’exécutif en place perd toute sa crédibilité, la bourgeoisie peut toujours confier les tâches exécutives à ceux qui auront émis les critiques. Ainsi, la classe dominante s’assure de toujours avoir une « porte de sortie » pour que ce soit toujours ses intérêts qui soient défendus à l’assemblée nationale.
L’intégration à rabais du directeur de la santé publique au pouvoir exécutif bourgeois
L’indépendance de la Direction générale de la santé publique (DGSP) est totalement mensongère. Les commentateurs politiques bourgeois ont tord. En mars dernier, le pouvoir dont est dépositaire l’exécutif national n’est pas passé aux mains d’Horacio Arruda. Celui-ci a simplement été intégré au pouvoir exécutif à titre de conseiller-expert et de participant. Plus encore, il s’agit d’une fusion et non d’une mise sous tutelle. Le premier ministre et son cabinet n’ont pas été inféodés à la santé publique. Alors que le directeur de la santé publique intègre le pouvoir exécutif, le premier ministre et la ministre de la Santé et des Services sociaux gagnent en capacités décisionnelles. L’état d’urgence sanitaire leur a d’ailleurs permis de passer une quantité astronomique de décrets ministériels ayant de grandes incidences sur l’organisation de la province. Pour s’en convaincre, examinons le décret 177-2020 du 13 mars 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire au Québec.
« QUE la ministre de la Santé et des Services sociaux soit habilitée à ordonner toute autre mesure nécessaire pour protéger la santé de la population en application du paragraphe 8° du premier alinéa de l’article 123 », c’est-à-dire « ordonner toute autre mesure nécessaire pour protéger la santé de la population ».
L’article 106 de la Loi sur la santé publique nous informe des pouvoirs qui incombent au directeur de la santé publique en temps normal, à l’année longue.
« Lorsqu’un directeur de santé publique est d’avis, en cours d’enquête, qu’il existe effectivement une menace réelle à la santé de la population, il peut:
1° ordonner la fermeture d’un lieu ou n’en permettre l’accès qu’à certaines personnes ou à certaines conditions et faire afficher un avis à cet effet;
2° ordonner l’évacuation d’un édifice;
3° ordonner la désinfection, la décontamination ou le nettoyage d’un lieu ou de certaines choses et donner des directives précises à cet effet;
4° ordonner la destruction d’un animal, d’une plante ou d’une autre chose de la manière qu’il indique ou le traitement de certains animaux ou de certaines plantes;
5° ordonner la cessation d’une activité ou la prise de mesures de sécurité particulières si c’est cette activité qui est une source de menace pour la santé de la population;
6° ordonner à une personne, pour le temps qu’il indique, de ne pas fréquenter un établissement d’enseignement, un milieu de travail ou un autre lieu de rassemblement, si elle n’est pas immunisée contre une maladie contagieuse dont l’éclosion a été constatée dans ce milieu;
7° ordonner l’isolement d’une personne, pour la période qu’il indique mais pour au plus 72 heures, si celle-ci refuse de recevoir le traitement nécessaire pour éviter toute contagion ou s’il s’agit de la seule mesure à prendre pour éviter la transmission au sein de la population d’un agent biologique médicalement reconnu comme pouvant mettre gravement en danger la santé de la population;
8° ordonner à une personne de respecter des directives précises pour éviter toute contagion ou contamination;
9° ordonner toute autre mesure qu’il estime nécessaire pour empêcher que ne s’aggrave une menace à la santé de la population, en diminuer les effets ou l’éliminer.
Malgré les dispositions du premier alinéa, le directeur de santé publique peut aussi utiliser les pouvoirs visés aux paragraphes 1° et 2° de cet alinéa comme mesure de précaution, s’il a des motifs sérieux de croire qu’il existe une menace à la santé des personnes qui fréquentent ce lieu ou cet édifice. »
Pour sa part, l’article 116 de la Loi sur la santé publique nous renseigne sur les prérogatives qui reviennent à la ministre de la Santé et des Services sociaux en place lorsqu’elle est informée que la santé des Québécois est menacée. Ses pouvoirs se voient accrus et ceux du directeur de la santé publique le sont aussi. Un travail conjoint s’en suit.
« Le ministre peut décider de coordonner les actions de plusieurs directeurs de santé publique ou d’exercer, compte tenu des adaptations nécessaires, certains ou tous les pouvoirs accordés au directeur de santé publique par le chapitre IX ou la section I du présent chapitre:
1° lorsque le directeur national de santé publique l’informe qu’il a reçu une déclaration d’une intoxication, d’une infection ou d’une maladie visée au chapitre VIII;
2° lorsqu’il est informé d’une situation susceptible de constituer une menace, réelle ou appréhendée, pour la population de plus d’une région;»
3° lorsqu’il est informé d’une situation susceptible de constituer une menace, réelle ou appréhendée, pour la population et qu’il est nécessaire d’en informer des autorités sanitaires extérieures au Québec.
Dans ces circonstances, le ministre agit avec l’assistance du directeur national de santé publique et les ordres ou directives donnés par le directeur national de santé publique doivent être exécutés de la même manière que ceux du ministre. »
L’article 124 de la Loi sur la santé publique décrit les tenants de l’intégration du directeur de la santé publique à l’exécutif national lorsqu’une déclaration d’état d’urgence sanitaire survient.
« Une déclaration d’état d’urgence sanitaire n’empêche pas les autorités de santé publique d’exercer les pouvoirs qui leur sont conférés par d’autres dispositions de la présente loi.
Pendant un état d’urgence sanitaire, le ministre agit avec l’assistance du directeur national de santé publique et les ordres ou directives donnés par le directeur national de santé publique doivent être exécutés de la même manière que ceux du ministre. »
L’on constate que le décret sur l’état d’urgence sanitaire permet d’intégrer le directeur de la santé publique à la garde rapprochée du premier ministre. L’on constate également que cette intégration n’enlève aucun pouvoir à la ministre de la Santé et des Services sociaux, et par le fait même au premier ministre. Au contraire, cette intégration lui en confère davantage. La fusion qui s’opère lorsque l’état d’urgence sanitaire est décrété soumet le directeur de la santé publique aux mêmes réalités dans lesquelles sont prises toutes les décisions exécutives sous le capitalisme. Par conséquent, c’est la réalité concrète de la concurrence impérialiste et de l’exploitation capitaliste qui dicte les décisions et non la théorie « scientifique » et l’appréciation subjective du directeur de la santé publique. C’est d’ailleurs de cette manière que le pouvoir exécutif est exercé en temps normal.
En 2001, l’adoption de la Loi sur la santé publique n’avait pas fait l’unanimité au sein la bourgeoisie. Certains de ses représentants craignaient que des pouvoir soient accordés à un « non-élu ». Mais au fond, c’est le carriérisme bourgeois qui faisait voir d’un mauvais œil que des hauts fonctionnaires puissent du jour au lendemain accéder aux plus hautes fonctions et s’asseoir à la table des ministres. Mais les parlementaires ont fini par majoritairement donner leur aval à cette loi au caractère exceptionnel. Plus qu’une simple fusion technique, l’intégration du directeur de la santé publique à l’exécutif national permet de préserver la société bourgeoise, et ce, même en temps de crise sanitaire. En fait, cette fusion politique parfaite permet de donner une « sanction divine », au nom de « la science » et de la médecine, à des décisions qui ne sont prises que pour protéger le capital. En 2001, les députés qui siégeaient à l’époque à l’assemblée nationale ont estimé que c’est cette loi qui permettrait à l’économie nationale québécoise, dans l’éventualité d’une catastrophe sanitaire, de mieux s’en tirer que les économies concurrentes à l’international.
L’illusion « d’effacement » d’Arruda dans le trio Legault-Arruda-McCAnn
Certains commentateurs politiques bourgeois ont observé que la voix d’Horacio Arruda perdait en importance lors des points de presse et dans les décisions rendues par l’exécutif. Certains sont allés jusqu’à mesurer le temps de parole du docteur pour en tirer cette conclusion erronée. En fait, Arruda joue le même rôle depuis le début de la crise. Cependant, en début de crise, il devait résoudre un problème qui n’est plus du tout le même aujourd’hui. En mars dernier, il prenait part à l’exécution de la trêve alors qu’un mouvement défensif commun voyait le jour dans tous les États nationaux. Arruda devait donc, dans le cadre concret de l’économie et de la société du Québec, aider l’exécutif à adopter des normes et des mesures en phase avec ce qui était fait ailleurs dans le monde, selon les meilleures recommandations produites par les centres de recherche épidémiologique. Le docteur a donc paru comme « l’homme de la situation » alors qu’en définitive, le programme de confinement et les mesures d’urgence sanitaire se sont imposées à lui comme elles se sont imposées à tous les dirigeants de la planète. Alors que l’on saluait naïvement son initiative individuelle, le monde entier obéissait au même mouvement.
Aujourd’hui, une nouvelle tendance s’impose avec la même force historique que celle de la trêve commune : la relance économique. La tâche de l’exécutif national est désormais de relancer l’économie capitaliste au plus vite, avant de prendre du retard sur les compétiteurs. Par la force des choses, Arruda n’ordonne plus aucune forme de mesures qui protègent indirectement les travailleurs (comme c’était le cas lors du confinement). Dernièrement, il n’avait qu’à offrir son appui complice au gouvernement. Sa fonction générale n’a pas changé : son intégration à l’exécutif national justifie les pouvoirs accrus de l’équipe Legault en temps de crise sanitaire. Depuis la mi-mars, le docteur n’a jamais tenu entre ses mains autre chose qu’une toute petite parcelle du pouvoir exécutif et cettee parcelle de pouvoir n’a connu aucune fluctuation depuis lors. Il s’est toujours trouvé sous l’autorité du premier ministre, voire de la ministre de la Santé et des Services sociaux. Bien entendu, par les temps qui courent, ce n’est pas Arruda qui est chargé de faire l’annonce des mesures du gouvernement en matière d’économie ou qui est chargé de commenter le bras de fer entre Québec et les syndicats. Cependant, il continue d’être sous les feux de la rampe et de savourer chaque instant de gloire. La pandémie de COVID-19 est pour lui l’occasion inespérée d’échapper à l’anonymat et à sa carrière de haut-fonctionnaire d’État qui était, jusqu’à tout récemment, insignifiante aux yeux de bien des bourgeois.
Les instances de santé publique au service de la préservation de la société bourgeoise
Contrairement à ce que le gouvernement tente de nous faire croire, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), pour sa part, ne bénéficie que d’une marge de manœuvre technique et comptable. Certes, elle peut faire des prédictions statistiques en toute indépendance sur le nombre de décès à venir, mais c’est là bien peu de choses à l’échelle de la lutte des classes. Prenons Statistique Canada. D’année en année, cette instance produit des rapports qui révèlent, dans le menu détail, l’étendue des disparités de richesses au pays, mais cela n’ébranle pas la classe qui est maintenue au pouvoir. Qu’elle soit intègre ou pas dans ses méthodes et dans le compte rendu de ses prédictions, jamais l’INSPQ, ni aucune autre institution de cet ordre, n’a agit extérieurement à l’intérêt général de la bourgeoisie. Cette institution ne faire que décrire de manière technique et comptable, pour les besoins de l’État bourgeois, les dégâts du capitalisme et, dans le cas qui nous intéresse, de la gestion capitaliste de l’épidémie au Québec. D’ailleurs, les notions modernes d’épidémiologie ont été développées à des fins de préservation de la société bourgeoise et d’une économie nationale forte. Forcément, la santé publique bourgeoise connaît des limites objectives. La gestion de l’épidémie est modulée par les impératifs de l’activité économique et de l’accumulation de capital.
Au final, c’est l’ensemble de la santé publique qu’il faut critiquer et resituer dans son contexte historique et politique. En l’occurrence, dans le cadre de la pandémie de COVID-19, les indicateurs des épidémiologistes et des différentes instances de santé publique représentent la capacité de la société bourgeoise à se maintenir et à se reproduire (p. ex. : le nombre de lits d’hôpitaux que nous avons dans la province). Ils ne nous renseignent que très peu sur l’état réel de la propagation du virus ou sur les ravages qu’il cause sur le corps humain. Cela vaut aussi pour les critères fixés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour enligner les différents États nationaux sur la levée du confinement. En fait, ils ne servent qu’à permettre la réouverture hâtive de l’économie capitaliste.
« 1) La transmission doit être contrôlée;
2) Les systèmes de santé doivent être en mesure de tester, d’isoler et de traiter chaque cas et de retracer chaque contact;
3) Les risques d’épidémies doivent être réduits au minimum dans des environnements particuliers comme les établissements de santé et les maisons de soins;
4) Des mesures préventives devront avoir été mises en place sur les lieux de travail, dans les écoles et dans d’autres lieux publics essentiels;
5) Les risques d’importation pourront être gérés;
6) Les communautés doivent être pleinement éduquées, engagées et habilitées à s’adapter à la nouvelle norme. »
Si l’OMS semble exiger un peu plus que ce que les gouvernements mettent de l’avant pour s’autoriser à déconfiner, c’est seulement parce qu’il s’agit d’une instance plus éloignée dans la superstructure que le sont les parlements et les cabinets ministériels. L’OMS est donc plus déconnectée de l’exercice réel du pouvoir d’État. Plus encore, le programme réalisé un peu partout dans le monde ne s’éloigne pas significativement de ce que recommande l’OMS et s’inscrit dans la même lignée. D’ailleurs, la liste citée ci-haut ne contient pas de mesures contraignantes. Elle ne cherche qu’à s’assurer que les États-nations aient la volonté d’améliorer la situation. Ainsi, l’OMS ne rentre pas en contradiction avec la vie économique capitaliste. D’ailleurs, elle vise la réouverture de l’économie capitaliste au plus vite, sans pour autant tenir compte des difficultés de la gestion concrète, sur le terrain, d’un État et d’une économie nationale.