COVID-19 : La manifestation de la FIQ, une action légitime!
Mardi le 19 mai dernier, des militantes et des militants de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) ont manifesté devant les bureaux du premier ministre pour réclamer la cessation de l’arrêté ministériel 2020-007 et défendre les droits des travailleuses de la santé, notamment celui de prendre des vacances. Rappelons que l’arrêté 2020-007 avait été signé par la ministre de la Santé et des Services sociaux Danielle McCann le 21 mars 2020 dans la foulée de la déclaration de l’état d’urgence sanitaire dans la province. L’arrêté suspend plusieurs aspects du contrat de travail des travailleuses de la santé et octroie des pouvoirs élargis aux gestionnaires et aux directeurs du réseau, dont celui de reporter ou d’annuler les congés (y compris les vacances déjà accordées), de modifier les horaires de travail et de déplacer du personnel. En somme, il permet à l’État capitaliste d’intensifier l’exploitation des travailleuses de la santé, lesquelles travaillaient déjà dans des conditions abominables (sous-effectif, manque de ressources, horaires épouvantables, etc.) avant le début de la pandémie. Pour le gouvernement, cette surexploitation sert à pallier les carences du réseau de la santé (carences dont l’État bourgeois est le seul responsable en ayant refusé de financer correctement le réseau au fil des années) ainsi qu’à remédier partiellement au manque de préparation scandaleux dont il a fait preuve pour faire face à l’arrivée du virus dans la province. En conséquence, les infirmières auxiliaires, les infirmières, les inhalothérapeutes et les autres travailleuses du réseau travaillent sans relâche et dans des conditions exécrables depuis le début de la crise sanitaire. Par-dessus le marché, elles sont exposées régulièrement au virus en raison du manque de matériel de protection, en conséquence de quoi des milliers d’entre elles ont déjà été infectées. À présent, elles sont épuisées et ont besoin de repos. Or, en raison de l’arrêté ministériel, elles ne savent plus quand elles vont pouvoir se reposer, voire même si elles vont pouvoir le faire tout court avant la fin de la pandémie. C’est pour dénoncer cette situation tout simplement intolérable que la FIQ a organisé son action devant les bureaux du premier ministre, une action totalement légitime.
La présidente de la FIQ, Nancy Bédard, qui se trouvait à la tête de la manifestation, a déclaré devant les journalistes des médias bourgeois : « Ce qu’on veut, c’est le fait de récupérer nos droits, nos vacances, nos congés, nos horaires de travail. Qu’on arrête d’être bafouées et d’être malmenées. » Elle a ajouté : « Si on veut être capables de donner les soins, d’opérer nos patients, il faut minimalement redonner un moment de répit à nos professionnels en soins. C’est les vacances, mais aussi leur redonner leurs conditions de travail. » Ces revendications sont entièrement justes. Avec l’état d’urgence sanitaire, l’État bourgeois québécois a placé les travailleuses de la santé dans une situation complètement inhumaine. Malgré le fait que Legault les appelle ses « anges gardiens », la vérité, c’est qu’il les force à travailler dans des conditions extrêmement dangereuses et les traite comme des outils qu’il cherche à user à la corde. Mais les travailleuses de la santé n’ont pas à porter à elles seules le poids de l’épidémie sur leurs épaules. Surtout, elles n’ont pas à payer le prix de la faillite du gouvernement et de l’incapacité de la bourgeoisie à protéger la population contre le virus. Elles ne sont aucunement responsables du désastre actuel. Les seuls coupables, ce sont les bourgeois au pouvoir qui ont négligé le réseau de la santé pendant des années et qui n’ont pas été en mesure, dans les derniers mois, de faire les préparatifs nécessaires pour affronter la pandémie sans avoir à sacrifier les prolétaires. Ce sont eux, et personne d’autre, qui sont responsables du manque de personnel actuel dans le réseau. Si les travailleuses de la santé ont besoin de se reposer, elles ont entièrement le droit de le faire et cela ne devrait pas être négociable, peu importe que l’on soit en pleine pandémie! Les capitalistes ont toujours cherché à pousser au maximum l’exploitation des prolétaires et à réduire le plus possible leurs temps de repos. De leur côté, les prolétaires ont toujours lutté pour obtenir plus de temps libre et pour défendre leur droit de s’arrêter. Le droit aux vacances a été gagné de haute lutte et l’on ne peut tolérer de revenir en arrière.
Lors de la manifestation, la ministre de la santé Danielle McCann est allée à la rencontre des syndiquées pour feindre l’ouverture et la bonne entente. Elle a déclaré aux manifestantes : « On va aller au maximum pour les vacances. C’est certain qu’on va aller au maximum de ce qu’on peut faire. » Cela signifiait que ce ne sont pas les besoins (même physiologiques) des travailleuses qui allaient déterminer quand et combien de temps elles allaient pouvoir se reposer, mais plutôt les « besoins » de l’État bourgeois et du réseau de la santé! Autrement dit, la ministre leur accordera le minimum de temps de repos, voire pas du tout si les conditions ne le permettent pas. Mais les vacances sont un droit, et l’on ne peut accepter qu’il soit ainsi remis en question. Car en réalité, ce n’est pas aux bourgeois à décider de ce qui est possible d’accorder aux travailleuses en termes de temps de repos : c’est à elles de déterminer quel est le maximum de temps de travail qu’elles sont capables de fournir avant d’être épuisées! Par ailleurs, comment la ministre McCann peut-elle affirmer que son gouvernement va en faire le plus que possible pour permettre aux travailleuses de prendre des vacances, alors que ce même gouvernement est en train de tout faire pour submerger entièrement les hôpitaux de la province avec son plan de relance économique? Si les problèmes auxquels fait face le réseau de la santé sont à ce point insurmontables qu’il faut priver les travailleuses de leurs droits pour le faire fonctionner, pourquoi le gouvernement va-t-il de l’avant avec le déconfinement, lequel va inévitablement provoquer une intensification monstrueuse de l’épidémie dans la province? Évidemment, nous connaissons la réponse à ces questions : c’est parce que le gouvernement est le gouvernement de la classe capitaliste et que pour lui, seul l’argent et le profit comptent. Pour relancer l’accumulation de capital, l’État bourgeois est prêt à envoyer des milliers de prolétaires à l’abattoir et de plonger les travailleuses de la santé dans une situation absolument infernale. Et c’est malheureusement ce qui s’apprête à se produire.
Le jour de la manifestation, lors de son point de presse, le premier ministre Legault a consacré la première partie de son allocution à attaquer ouvertement la FIQ pour son action, dénonçant le fait que le syndicat préférait « organiser des manifestations devant [son] bureau » plutôt que « d’essayer de trouver [avec lui] des solutions pour que notre réseau fonctionne ». Au lieu de parler de la raison pour laquelle les infirmières manifestaient (soit pour demander la cessation de l’arrêté ministériel), il a également préféré semer la confusion en abordant uniquement l’enjeu des ratios (et en le faisant d’une manière complètement démagogique), un enjeu soulevé dans le cadre des négociations en cours sur le renouvellement des conventions collectives venues à échéance ce printemps. Legault a reproché au syndicat de manifester au lieu de dialoguer, un reproche complètement malhonnête considérant que la FIQ n’a eu droit qu’à six heures de rencontre avec la partie patronale en 50 jours depuis le 30 mars dernier et que le gouvernement se montre complètement fermé aux solutions qu’elle propose. La présidente de la FIQ a répliqué aux propos du premier ministre en l’avertissant que « [l]es professionnelles en soins ne s’arrêteront pas de parler, de revendiquer et vont prendre les moyens pour se faire respecter, pour elles et pour les patients. »
Avec cette nouvelle attaque, Legault continue à développer son discours anti-syndical décomplexé, discours sur lequel il avait commencé à miser il y a quelques semaines, d’abord en imputant aux centrales syndicales les bas salaires des préposées aux bénéficiaires et le manque de personnel dans les CHSLD, puis en attaquant les syndicats d’enseignants à l’aube de la réouverture des écoles. La récente attaque du premier ministre contre la FIQ vient confirmer une fois de plus que le gouvernement voit présentement dans l’activité syndicale une menace et une entrave à ses objectifs réactionnaires – en particulier à l’objectif de relancer l’économie capitaliste au plus vite et à tout prix. En effet, si les syndicats de travailleurs sont la cible de l’exécutif gouvernemental bourgeois, c’est parce qu’ils représentent actuellement la seule force organisée capable de défendre les prolétaires et ayant le potentiel d’opposer une résistance efficace aux capitalistes. La manifestation des infirmières de la FIQ en est un bon exemple : s’il ne s’agissait encore que d’une action « symbolique », pour reprendre l’expression employée par le syndicat, cette manifestation envoyait néanmoins un message puissant au gouvernement en montrant que l’opposition organisée aux plans de la bourgeoisie est en train de se consolider parmi les travailleuses de la santé. Ainsi, l’action était annonciatrice d’un aiguisement de l’antagonisme entre les prolétaires soignants et leur patron – à savoir les directions du réseau de la santé et l’État bourgeois du Québec – et laissait poindre à l’horizon d’autres actions plus percutantes et plus « dérangeantes » pour le gouvernement. Déjà, dans le contexte actuel où les rassemblements sont limités – voire interdits – et où l’activité syndicale est compromise par les mesures spéciales de l’état d’urgence, le fait d’avoir organisé une manifestation rassemblant des dizaines d’infirmières et de travailleuses de la santé devant les bureaux du premier ministre est un geste audacieux de la part de la FIQ. Il faut aussi souligner la qualité de l’exécution de la manifestation (synchronisation, marche en rangs, etc.), le degré de préparation qu’elle nécessitait ainsi que le niveau de discipline des militantes et des militants qui y ont pris part. Bref, il n’est pas étonnant que le gouvernement ait vu dans cette action une bravade inquiétante et qu’il se soit empressé de la dénoncer publiquement. Et c’est tant mieux comme cela! Comme les communistes le disent souvent, le fait d’être attaqué par l’ennemi est une excellente chose puisque cela montre qu’on a réussi à lui nuire. Que le gouvernement Legault se le tienne pour dit : s’il ne veut pas voire les manifestations et les gestes de protestation se multiplier dans les prochaines semaines et les prochains mois, non seulement dans le réseau de la santé mais également dans tous les secteurs où le prolétariat est exploité, il n’a d’autre choix que de satisfaire les revendications des travailleurs ainsi que de reculer entièrement quant à la relance de l’économie capitaliste! Mais dans la conjoncture actuelle, considérant la force du mouvement de déconfinement enclenché par les capitalistes, on peut déjà prédire que ce n’est pas l’option qu’il va choisir. Il faut donc s’attendre à une intensification de la lutte des classes et à l’émergence de formes de contestation de plus en plus nombreuses et variées dans les prochains mois. Bien que les travailleuses de la santé joueront certainement un rôle de premier plan dans ce vaste mouvement de résistance à l’exploitation capitaliste, la contestation ne se limitera pas seulement à un secteur en particulier : c’est l’ensemble du prolétariat (travailleurs des services publics, ouvriers d’usine, ouvriers de la construction, employés des magasins, etc.) et de ses organisations défensives qui, de manière de plus en plus unifiée, va combattre la bourgeoisie. Les revendications justes exprimées par les travailleurs de tous les secteurs devront être appuyées et défendues par l’ensemble de notre classe. Surtout, l’ensemble des combats devront servir de leviers pour développer un mouvement révolutionnaire visant le renversement de la classe capitaliste. Les organisations prolétariennes en lutte seront des maillons importants dans le combat pour la transformation profonde et progressiste de la société!
Appuyons entièrement les revendications des travailleuses de la santé!
Saluons leur ténacité dans le travail et dans la contestation!
Préparons-nous pour la vague à venir de combats prolétariens!
Poursuivons la lutte contre l’exploitation capitaliste!