COVID-19 : La colère des masses contre Horacio Arruda était parfaitement justifiée!

Le 11 mai dernier, le directeur national de santé publique du Québec, le docteur Arruda, apparaissait dans une vidéo grotesque diffusée sur internet, vidéo dans laquelle on pouvait le voir danser sur les airs d’une chanson écrite par le rappeur québécois Rod le Stod en hommage au gouvernement Legault et à sa gestion de la crise sanitaire (« Partout sur la Terre y’a un oragio/Mon paratonnerre c’est Horacio/On est chanceux d’avoir François Legault/Suspends tous mes droits, j’te donne le go »). La diffusion de cette vidéo montrant le docteur Arruda en train de se déhancher de manière obscène sur une chanson qui le glorifiait, au moment même où le peuple subissait de plein fouet les conséquences de la réponse déficiente des autorités à la pandémie, a immédiatement provoqué une vague de colère et d’indignation parmi les masses populaires de la province. La danse ridicule du docteur Arruda a été perçue, avec raison, comme un geste irrespectueux et répugnant, un geste dénotant une légèreté alarmante chez la personne officiellement censée avoir pour mandat de protéger la santé de la population. Rapidement, la page sur laquelle venait d’être publiée la vidéo ainsi que les médias sociaux en général ont été inondés de commentaires haineux à l’endroit du haut fonctionnaire, lequel a notamment été qualifié de clown, d’assassin, de « crasseux », de « débile » et de criminel. Certains ont appelé à sa démission, d’autres ont même exigé qu’il soit jeté en prison. Plusieurs ont dénoncé les paroles ultra-complaisantes et ultra-réactionnaires de la chanson, notamment le passage où le rappeur invite ouvertement le gouvernement à « suspendre tous [nos] droits ». Le docteur Arruda a aussi été accusé d’avoir « [osé] nous danser en pleine face » alors que « des personnes âgées [étaient] mortes de soif à cause de [ses] mesures lamentables ». Par ailleurs, dans les heures suivant la publication de la vidéo sur les réseaux sociaux, le Refuge des jeunes de Montréal, un organisme venant en aide aux jeunes itinérants et auquel Rod le Stod avait annoncé vouloir verser l’argent amassé avec sa chanson, s’en est distancé publiquement. La directrice générale de l’organisme a déclaré qu’en « raison du malaise que nous éprouvons et en soutien aux personnes touchées de près par cette situation de crise, dont des personnes en situation d’itinérance, nous préférons nous en dissocier ».

Le lendemain de cet événement, le docteur Arruda a présenté publiquement ses « excuses » à la population lors du point de presse gouvernemental, après qu’un journaliste l’ait interrogé sur son apparition dans la vidéo. Le fonctionnaire a alors tenté de minimiser l’importance de son geste en prétendant qu’il ne savait pas que la vidéo allait être diffusée au grand public et qu’elle allait servir à une campagne de sociofinancement (et ce, malgré le fait que Rod le Stod est un artiste connu et qu’il a demandé à Horacio Arruda de nommer la cause pour laquelle il souhait que l’argent soit versé…). Il a également prétendu qu’il n’avait pas pris connaissance des paroles de la chanson, une affirmation encore plus absurde. Le directeur de la santé publique s’est ensuite présenté comme une sorte de martyr en insistant sur le fait qu’il travaillait jour et nuit pour vaincre le virus, avant d’affirmer d’une voix étranglée qu’il avait « le cœur qui [lui tournait] » lorsqu’il constatait à chaque jour le nombre de décès dans la province. À aucun moment, il n’a reconnu que son geste était déplacé et irrespectueux. Bref, il ne s’agissait pas d’excuses, mais d’une opération de relations publiques pour imposer une image positive de lui-même et étouffer l’affaire. En fait, malgré son apparence de spontanéité, il faut comprendre cette intervention du docteur Arruda comme une réponse organisée de l’exécutif gouvernemental bourgeois pour contrôler les dégâts causés par les frasques du haut fonctionnaire. Cette réponse visait à préserver sa réputation en le faisant apparaître comme une victime et comme un homme au cœur sensible. Plus encore, il s’agissait d’un appel aux fans du docteur Arruda pour qu’ils réaffirment publiquement leur appui envers lui.

Rappelons que dès le début de l’état d’urgence dans la province, une sorte de culte ridicule s’était développé autour de Horacio Arruda au sein de la petite-bourgeoisie québécoise. Plusieurs l’avaient alors qualifié de héro national. Des « artisans » avaient même développé des produits dérivés à son effigie ou en son honneur (t-shirts, miches de pain, bières de microbrasserie, œuvres d’art, etc.). Ce phénomène s’inscrivait alors dans un mouvement plus large d’appui au gouvernement Legault et de promotion nationaliste de l’État bourgeois québécois, mouvement réactionnaire qui avait germé dans la petite-bourgeoisie suite aux appels à l’unité nationale lancés par la classe dominante. Force est de constater que ce mouvement est encore bien vivant, malgré qu’il ait perdu quelques plumes dans les dernières semaines avec le désastre des CHSLD. En effet, dans les heures et les jours qui ont suivi les « excuses » du docteur Arruda, de nombreux éléments petits-bourgeois ont répondu à l’appel de l’exécutif gouvernemental et se sont manifestés publiquement pour défendre leur idole et minimiser la gravité de son geste. Il faut dire que la chanson sur laquelle il avait dansé, avec des paroles telles que « Tout ce que tu peux acheter du Québec, fais-le/parce qu’il faut pas que nos entreprises se retrouvent le bec à l’eau », s’inscrivait elle-même très bien dans la vague nationaliste à laquelle ces éléments petits-bourgeois participent. D’abord, le chanteur et porte-parole du Refuge des jeunes, Dan Bigras, a cherché à tempérer les réticences initiales de son organisme en déclarant sur les réseaux sociaux :

« J’ai eu une très touchante conversation avec notre bon docteur. Premier point, il a reçu beaucoup de haine non méritée. La critique est une chose, la haine et la méchanceté en sont deux autres. […] Mon respect, ma loyauté et ma tendresse vont […] au Docteur Harruda qui est sur le front tous les jours lui aussi. »

Plusieurs artistes et autres personnalités du show business ont emboîté le pas et se sont exprimés publiquement en soutien au fonctionnaire. Par exemple, l’auteur-compositeur-interprète Luc De Larochellière a publié un statut Facebook (qui a ensuite été repartagé 18 000 fois) dans lequel il soulignait que la danse du docteur Arruda n’avait tué personne, contrairement à ses « interventions convaincantes » qui auraient, selon lui, sauvé des « centaines », voire des « milliers » de vies. La chanteuse Anik Jean a publié une photo d’elle arborant fièrement un t-shirt « Arruda » et faisant un pouce en l’air. Par ailleurs, des textes d’opinion et des chroniques en défense du docteur Arruda ont été publiés dans les médias bourgeois. Par exemple, le chroniqueur Mathieu Bock-Côté a dénoncé les élans de haine que la danse du fonctionnaire avait suscités dans les masses populaires, lesquels constituaient selon lui « l’expression de la moins belle part de la démocratie, lorsqu’elle se laisse aller au ressentiment plébéien ». Entre temps, les réseaux sociaux ont été submergés de commentaires en appui au fonctionnaire. Ceux qui s’étaient indignés de la danse du fonctionnaire ont été attaqués et ridiculisés. Finalement, l’animateur vedette Guy A. Lepage s’est aussi porté à la défense du docteur. Il a d’abord écrit sur Twitter que le « dévouement de cet homme [était] indéniable ». Puis, quelques jours plus tard, il a reçu le fonctionnaire à son émission Tout le monde en parle pour redorer son image et sceller l’histoire pour de bon. Mais malgré tous ces efforts déployés pour étouffer l’affaire et pour réparer les dégâts causés par les actions du fonctionnaire, celui-ci demeure maintenant complètement discrédité aux yeux d’un grand nombre de prolétaires. Et c’est tant mieux, car Horacio Arruda ne mérite rien d’autre que la colère qu’il a semée, non seulement en insultant les masses avec sa danse, mais également avec toutes les actions qu’il a posées au fil des dernières semaines et des derniers mois. Plus encore, la haine contre le docteur Arruda est légitime et souhaitable pour une raison bien simple : loin d’être une personnalité publique comme une autre, Arruda est un représentant officiel de la grande bourgeoisie québécoise et de l’État capitaliste québécois. Cela fait notamment de lui l’un des plus hauts responsables du chaos actuel et de la détérioration de l’état de santé du peuple.

Consignes incohérentes, gestion criminelle, mensonges, amour-propre : le bilan du « bon docteur » révèle son hostilité envers le peuple

Pour beaucoup de prolétaires, la danse du docteur Arruda a été comme « la goutte qui fait déborder le vase ». En effet, cet écart de conduite s’ajoutait à une longue série de déclarations et de gestes choquants qui, dans un contexte où la souffrance des masses est de plus en plus grande, commençaient depuis un moment déjà à alimenter un sentiment de colère au sein du peuple. La « prestation » du docteur Arruda n’était pas qu’un égarement passager ou qu’une simple erreur de jugement. Au contraire, ce geste reflétait la nature profonde du personnage, c’est-à-dire sa nature de bourgeois dépravé, insensible et imbu de lui-même. En fait, ce qui a choqué un grand nombre de prolétaires, c’est le fait de réaliser que Horacio Arruda, au lieu d’être préoccupé par la pandémie et par le sort du peuple, est en fait davantage intéressé par son propre succès. Ce que la vidéo montrait, c’est qu’au lieu de communier avec les masses et de partager leur angoisse, Arruda était plutôt excité de vivre son heure de gloire et d’être devenu une sorte de star. D’ailleurs, ses « excuses » lamentables n’ont fait que le confirmer : le fait de réaliser que des gens ne l’aiment pas attriste davantage le haut fonctionnaire que la mort atroce de milliers de personnes dans la province (décès qu’il annonce par ailleurs à chaque conférence de presse en affichant une bonne humeur exubérante et en s’adonnant aux clowneries les plus ridicules). Mais Horacio Arruda, malgré son extravagance et son manque de subtilité, n’est pas une exception. En fait, au-delà de ses traits de personnalité singuliers, il est à l’image de tous les carriéristes bourgeois qui ne s’intéressent qu’à leur propre succès et qu’à leur propre jouissance. Il est à l’image de tous les arrivistes qui ont réussi à se hisser aux plus hautes fonctions de l’État capitaliste et qui, malgré leur prétention de travailler pour servir la population, ne « travaillent » en fait que pour eux-mêmes. En général, ces représentants de la bourgeoisie tentent de se donner une image publique sobre et réservée pour cacher le fait qu’ils passent leur temps à se vautrer dans le luxe et qu’ils se permettent tous les excès dans leur vie privée. Mais en raison de son manque d’expérience et de son incompétence, Horacio Arruda n’a pas été capable de dissimuler suffisamment cet aspect essentiel de lui-même.

Mais au-delà de ses frasques et de son individualisme décomplexé, ce sont les actions et les déclarations « sérieuses » de Horacio Arruda, dans le cadre de la gestion gouvernementale de la crise sanitaire, qui ont fait naître un sentiment de haine à son endroit dans les dernières semaines. D’abord, il y a le fait que les consignes sanitaires que le haut fonctionnaire donne à la population depuis le début de la crise ne sont jamais claires. Pire, ces consignes se sont révélées de plus en plus incohérentes et contradictoires à mesure que la situation se développait. Le récent volte-face du gouvernement concernant le port du masque dans les lieux publics en est probablement le meilleur exemple. Après avoir passé près de deux mois à décourager son usage en disant qu’il était inutile et même potentiellement dangereux, Horacio Arruda le recommande désormais fortement depuis le début du déconfinement. Ce changement de cap soudain n’est pas attribuable à l’évolution des connaissances sur le virus. De nombreux médecins et autres spécialistes internationaux recommandaient son usage depuis le début de la crise. Notamment, à la fin du mois de mars, George Gao, le directeur général du Centre chinois de contrôle et de préventions des maladies, avait qualifié de « grande erreur » le fait de ne pas recommander le port du masque à la population. En fait, l’utilité du masque pour réduire la propagation des virus respiratoires est connue depuis longtemps. Suite à l’épidémie de SRAS au début des années 2000 et à l’épidémie de grippe H1N1 en 2009, de nombreuses études avaient confirmé que le port du masque chirurgical ou d’hygiène par la population était utile et souhaitable. Pire encore, en 2007, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) avait publié un avis scientifique en faveur du masque : « Le port du masque en communauté devrait être considéré comme une mesure de protection volontaire à promouvoir dès le début d’une pandémie, tout en reconnaissant qu’il n’offre pas une protection absolue ». Autrement dit, les consignes données par Horacio Arruda pendant les deux premiers mois de la crise étaient contraires aux recommandations émises il y a 13 ans par l’État québécois lui-même! Plus largement, l’utilité du port généralisé du masque pour réduire la propagation des virus respiratoires est un acquis des luttes contre les épidémies depuis au moins 100 ans. Déjà, lors de la Grippe espagnole de 1918, son usage s’était répandu et son efficacité avait été reconnue. Il est donc tout à fait scandaleux que le gouvernement du Québec ait passé des semaines à dire qu’il ne servait à rien de le porter. En réalité, comme l’a finalement admis candidement le premier ministre il y a quelques jours, la seule vraie raison qui justifiait le choix des autorités, c’était qu’elles se trouvaient dans l’incapacité de fournir des masques en quantité suffisante à la population. Mais au lieu de dire la vérité aux masses, le gouvernement a inventé des justifications bidon. Ainsi, Horacio Arruda n’a pas cessé de dire qu’il craignait que les gens arrêtent de respecter les autres consignes s’ils commençaient à porter le masque, ou encore qu’ils allaient se mettre à se toucher le visage sans arrêt. Cet argument ridicule constituait tout simplement une insulte à l’intelligence des prolétaires : aussi bien dire que le fait de demander aux gens de respecter une distance de deux mètres entre eux ferait en sorte qu’ils cesseraient de se laver les mains! En fait, les « explications » fournies par Horacio Arruda dénotaient un profond mépris du peuple. Les prolétaires ont été choqués de constater que le fonctionnaire bourgeois les traitait comme des animaux incapables de comprendre et d’appliquer plusieurs consignes à la fois. D’ailleurs, le mépris de Horacio Arruda pour les masses s’est manifesté constamment dans ses interventions publiques depuis le début de la crise. C’est par exemple ce mépris qui a poussé le fonctionnaire à dire que les gens allaient devenir « violents » et qu’ils allaient se révolter si le confinement devait perdurer trop longtemps, et ce, dans le but de justifier le plan de déconfinement gouvernemental au service des intérêts capitalistes. N’en déplaise à Horacio Arruda, ce n’est pas contre des consignes rationnelles (comme le fait de demander aux gens de rester confinés en pleine pandémie meurtrière) que le peuple est susceptible de se révolter, mais plutôt contre des directives irrationnelles, contradictoires et contraires aux intérêts de la majorité de la population! Finalement, le docteur Arruda insulte également les masses en ne cessant de répéter depuis un moment que le non-respect des consignes sanitaires (notamment le port du masque qu’il avait lui-même découragé pendant des semaines!) allait potentiellement entraîner « l’échec » du déconfinement, alors que ce sont les réouvertures ordonnées par le gouvernement qui forcent les gens à entrer en contact les uns avec les autres et qui vont inévitablement provoquer une accélération de l’épidémie!

Parmi les orientations adoptées par Horacio Arruda qui ont suscité l’indignation des masses, il y a eu bien sûr la stratégie de « l’immunité collective naturelle ». Après avoir passé des semaines à dire aux prolétaires de rester confinés chez eux et de redoubler de vigilance pour ne pas contracter ou transmettre le virus, le directeur national de santé publique affirmait désormais que la lutte contre l’épidémie allait nécessiter l’infection de la majorité de la population. En d’autres mots, le gouvernement demandait ni plus ni moins aux prolétaires de s’exposer volontairement au virus et de le propager autour, et ce, dans le but de justifier le plan de déconfinement gouvernemental au service des intérêts capitalistes. Le caractère criminel de cette « stratégie » était tellement évident que le gouvernement a été obligé de l’abandonner en quelques jours et de feindre qu’il n’avait jamais défendu une telle chose. On peut également citer l’exemple du changement de cap soudain de la santé publique concernant les personnes âgées de 60 à 69 ans, lesquelles, du jour au lendemain, n’étaient plus considérées « à risque » et se voyaient donner la « permission » de retourner travailler. Cet événement a permis de révéler aux yeux d’un grand nombre de prolétaires que la santé publique modulait ses recommandations en fonction des nécessités économiques plutôt qu’en fonction des risques réels posés par le virus. Dans la foulée de cette nouvelle orientation, Horacio Arruda s’est embourbé dans des directives complètement incohérentes et insensées, affirmant par exemple que les grands-parents pouvaient venir garder les enfants à la maison, mais ne pouvaient pas rester pour souper, ce qui a contribué à le discréditer entièrement aux yeux de beaucoup de prolétaires.

En plus de ses consignes incohérentes et contradictoires, Arruda ment ouvertement à la population (ou du moins, il cautionne les mensonges du premier ministre, ce qui revient au même) depuis le début de la crise afin de protéger le gouvernement et de camoufler ses ratés. Par exemple, Horacio Arruda ne cesse de répéter depuis des semaines que le désastre dans les CHSLD est survenu en raison du fait qu’on ne savait pas, au début de la crise, que les personnes asymptomatiques pouvaient transmettre le virus et que, par conséquent, le gouvernement ne pouvait pas savoir qu’il devait prendre autant de précautions. Pourtant, plusieurs études publiées avant la déclaration de l’état d’urgence sanitaire au Québec (le 14 mars) décrivaient déjà des cas de transmission par des personnes en période d’incubation ou encore par des personnes infectées à la COVID-19 mais n’ayant jamais développé de symptômes. En voici quelques unes :

30 janvier 2020 : Transmission of 2019-nCoV Infection from an Asymptomatic Contact in Germany, The New England Journal of Medecine;

18 février 2020 : A Familial Cluster of Infection Associated With the 2019 Novel Coronavirus Indicating Possible Person-to-Person Transmission During the Incubation Period, The Journal of Infectious Diseases;

21 février 2020 : Presumed Asymptomatic Carrier Transmission of COVID-19, JAMA Network;

4 mars 2020 : Clinical characteristics of 24 asymptomatic infections with COVID-19 screened among close contacts in Nanjing, China, Science China Life Sciences;

9 mars 2020 : Potential Presymptomatic Transmission of SARS-CoV-2, Zhejiang Province, China, 2020, Emerging Infectious Diseases.

Bref, lorsque Horacio Arruda affirme que c’est l’ignorance initiale des autorités concernant la transmission asymptomatique qui expliquerait le drame dans les CHSLD, il est complètement malhonnête. Avec ce mensonge, il ne vise qu’à se décharger de toute responsabilité et à blanchir le gouvernement du Québec en imputant le fiasco à « l’imprévisibilité » du virus. Au lieu de dire la vérité aux masses et d’admettre ses torts, il essaie de les duper pour éviter l’émergence d’un mouvement de contestation. Mais en fait, même s’il était vrai que le gouvernement n’était pas au courant de la transmission asymptomatique au début de la crise, cela ne justifierait nullement le fait d’avoir présumé que seuls les personnes ayant des symptômes étaient des vecteurs de transmission. Le manque de connaissances sur le virus serait censé nous amener à prendre les plus grandes précautions possible, et non l’inverse! En vérité, l’hécatombe dans les CHSLD n’est due à rien d’autre qu’au manque de préparation de l’État québécois et à sa négligence criminelle. Il faudrait d’ailleurs demander à Horacio Arruda pourquoi le gouvernement n’a pas mis en œuvre le plan préventif élaboré par l’INSPQ en 2006 avec sa propre collaboration pour protéger les établissements pour personnes âgées en cas d’épidémie. Ce plan recommandait notamment que des mesures très strictes (restriction des visites, port du masque, limitation des déplacements, dépistage, etc.) soient mises en place dans les CHSLD dès l’apparition du premier cas détecté dans la province. Autrement dit, il aurait fallu agir dès le 28 février 2020, mais pourtant rien n’a été fait dans les CHSLD avant le 14 mars, un retard impardonnable qui a certainement coûté de nombreuses vies humaines. Plus encore, il faudrait qu’on demande à Horacio Arruda d’expliquer pourquoi, de manière plus générale, pratiquement aucune action concrète n’a été posée dans les deux mois précédant la déclaration de l’état d’urgence sanitaire pour préparer la province à l’arrivée du virus, alors que celui-ci était connu depuis le mois de janvier au moins. On pourrait alors questionner le docteur Arruda sur le fait qu’il minimisait gravement, à ce moment-là, le danger du virus dans ses interventions publiques. Par exemple, au début du mois de février dernier, Arruda déclarait : « Actuellement, […] il faut plus craindre la grippe que le coronavirus. C’est ça qui rend les gens malades. Il y a probablement plus de gens qui sont tués dans le monde actuellement par rapport à la grippe qu’au coronavirus. » En fait, pas plus tard que le 9 mars dernier (soit cinq jours avant la déclaration de l’état d’urgence sanitaire dans la province!), Arruda continuait de minimiser les risques liés au virus : « On est chanceux au Québec. On a des cas, mais pas en quantités importantes. »

Afin de servir l’objectif de la relance économique, le gouvernement tente également de duper les masses en faisant dire n’importe quoi aux statistiques pour embellir la situation. Par exemple, lors du point de presse du 11 mai, le docteur Arruda a brandi un graphique montrant la courbe des décès dus à la COVID-19 dans la province selon la date où ils étaient effectivement survenus. La courbe semblait montrer une tendance à la baisse du nombre de décès quotidiens, ce que Horacio Arruda a confirmé devant les caméras. Lors du point de presse du lendemain, le premier ministre a réutilisé le même graphique pour appuyer l’idée que la situation s’améliorait. Or, ce graphique ne voulait en réalité à peu près rien dire, puisque les nombres de morts affichés dans la période où la courbe était descendante allaient fort probablement être revus à la hausse plus tard, à mesure que les décès dus à la COVID-19 seraient confirmés et comptabilisés. Bref, cette opération propagandiste ne servait qu’à donner l’impression que l’épidémie était sous contrôle pour justifier la relance économique. Pour donner un autre exemple, lors de son passage à l’émission Tout le monde en parle, le docteur Arruda a affirmé que les médias avaient mal interprété les projections les plus récentes de l’INSPQ relatives au plan de déconfinement gouvernemental (projections qui annonçaient jusqu’à 150 morts par jour à l’extérieur des CHSLD à Montréal à partir du mois de juillet). Arruda a prétendu que ces projections étaient basées sur un scénario où l’on abandonnait l’ensemble des mesures adoptées jusqu’ici pour limiter la propagation du virus (y compris le respect d’une distance de deux mètres entre les personnes) et où l’on revenait entièrement à la normale. Or, ce n’est pas du tout ce qui est écrit dans la publication de l’INSPQ, où l’on peut lire clairement que « [l]e déconfinement est basé sur le rétablissement de 15 à 30% de contacts selon le calendrier de réouverture des écoles et des secteurs économiques d’ici le 25 mai ». En somme, Arruda a encore une fois cherché à tromper les masses et à minimiser la gravité de la situation pour justifier la relance économique.

Arruda est l’incarnation publique de la bourgeoisie et du pouvoir capitaliste au Québec

Lors de ses « excuses » publiques, Horacio Arruda a affirmé travailler jour et nuit depuis le début de la crise pour protéger la population du Québec et combattre le virus. C’est d’ailleurs ce que ses défenseurs n’ont pas cessé de répéter par la suite pour discréditer les critiques dirigées contre lui. L’argument se résumait ainsi : on ne pouvait pas s’attaquer de la sorte à un homme travaillant aussi fort pour assurer le bien-être de la population. Pourtant, ceux qui travaillent réellement d’arrache-pied depuis le début de la crise pour servir les gens, ce ne sont pas les bourgeois comme Horacio Arruda, mais bien les prolétaires des secteurs essentiels qui s’exposent quotidiennement aux dangers de la COVID-19 pour faire fonctionner la société (et dont un bon nombre font justement partie de ceux qui méprisent le plus le docteur Arruda et le gouvernement Legault présentement). Plus encore, les personnes qui se démènent réellement jour et nuit pour protéger les gens du virus, ce ne sont pas les politiciens et les hauts fonctionnaires comme Horacio Arruda : ce sont les travailleuses du réseau de la santé qui s’activent quotidiennement sur le terrain pour fournir les meilleurs soins possible à la population malgré leurs conditions de travail inhumaines et hautement périlleuses. Horacio Arruda doit effectivement passer de nombreuses heures chaque jour à « travailler » sur la gestion de la crise, mais il le fait dans des bureaux luxueux, à l’abri du virus et sans aucun risque de voir son intégrité physique compromise. Aussi, il a une équipe entière qui le soutient et qui travaille pour lui. On lui sert même probablement ses repas. Finalement, contrairement aux prolétaires, il reçoit un salaire très élevé pour faire ce qu’il fait. L’an dernier, selon les données révélées par l’État québécois, la rémunération de Horacio Arruda s’est élevée à 282 623 dollars, montant auquel se sont ajoutées des indemnités de séjour de 1 255 dollars par mois ainsi qu’une allocation annuelle de 2 415 dollars, pour un total de 300 098 dollars. Il s’agit d’un montant 12,5 fois supérieur à ce qu’une personne gagnerait en recevant la Prestation canadienne d’urgence (PCU) pendant 12 mois, c’est-à-dire 24 000 dollars. Et rappelons qu’on a relevé au début de la crise que les préposées aux bénéficiaires les moins bien payées recevaient un salaire inférieur à la PCU! Bref, le « travail » de Horacio Arruda, comme celui de tous les hauts fonctionnaires bourgeois dans son genre, n’est aucunement comparable à celui de la vaste majorité des gens qui travaillent durement pour faire rouler la société.

Plus important encore : Horacio Arruda ne « travaille » pas au service de la population, mais bien au service de la grande bourgeoisie québécoise. Plusieurs journalistes et chroniqueurs ont insisté dans les dernières semaines sur le fait que Horacio Arruda était un scientifique et que son rôle était avant tout de donner des recommandations « neutres » au gouvernement. Mais Arruda, malgré sa formation en médecine, est d’abord et avant tout un haut fonctionnaire : c’est un administrateur chargé d’assurer le fonctionnement de l’instance à la tête de laquelle il se trouve, c’est-à-dire la Direction générale de la santé publique. Or, cette instance ne flotte pas au-dessus de la société : elle fait partie de la société bourgeoise actuelle. Plus encore, la Direction générale de la santé publique est une composante de l’État bourgeois, l’appareil de répression concentrant le pouvoir de la classe bourgeoise et chargé d’assurer la reproduction de la société capitaliste. Par conséquent, la santé publique n’est pas l’incarnation pure de la science médicale. C’est une instance qui utilise les connaissances produites par la science médicale pour assurer le maintien d’une hygiène publique minimale, et ce, afin que la société bourgeoise telle qu’elle existe soit en mesure de se maintenir et de se reproduire de manière relativement stable. Cela signifie que cette instance tolère toutes sortes de situations affectant négativement la santé des masses, puisque ces situations ne mettent pas en péril le maintien du capitalisme. Par exemple, les autorités sanitaires de la province ont ignoré pendant des années des données inquiétantes sur la présence de concentrations élevées de plomb nocives pour la santé dans l’eau potable. Pire encore, non seulement la santé publique tolère de tels problèmes, mais elle peut même poser des actions directement nuisibles à la santé des prolétaires si les intérêts généraux des capitalistes l’exigent, comme on l’a bien vu récemment avec la réouverture des entreprises non-essentielles et des écoles en pleine pandémie. Bref, Horacio Arruda n’a jamais travaillé au service de la population comme ses défenseurs le prétendent. Au contraire, c’est un ennemi direct des masses populaires de la province.

Mais il y a plus. Depuis le début de la crise, Horacio Arruda n’est plus simplement un haut fonctionnaire de l’appareil étatique : c’est un haut fonctionnaire qui, avec la déclaration de l’état d’urgence sanitaire, a été intégré au pouvoir exécutif de l’État québécois, c’est-à-dire au centre politique et décisionnel de la bourgeoisie québécoise. Malgré les efforts répétés du premier ministre Legault dans les dernières semaines pour présenter les décisions de son gouvernement comme résultant des recommandations « indépendantes » de la santé publique, Horacio Arruda a dans les faits été intégré à la garde rapprochée du premier ministre, aux côtés duquel il travaille désormais à titre de conseiller-expert. Cette intégration était d’ailleurs prévue dans la Loi sur la santé publique, loi conférant aux gouvernements la capacité de décréter l’état d’urgence sanitaire depuis son adoption en 2001. En effet, l’article 124 de la Loi sur la santé publique stipule que « [p]endant un état d’urgence sanitaire, le ministre agit avec l’assistance du directeur national de santé publique et les ordres ou directives donnés par le directeur national de santé publique doivent être exécutés de la même manière que ceux du ministre. » Autrement dit, le docteur Arruda fait désormais partie, aux côtés de François Legault, des plus hauts représentants politiques de la grande bourgeoisie québécoise. Il participe, sous la direction du premier ministre, à des prises de décisions qui affectent directement les millions de prolétaires de la province. En l’occurrence, ces décisions touchent ni plus ni moins à des questions de vie ou de mort. Par exemple, le fait que l’exécutif ait attendu dix jours après la déclaration de l’état d’urgence pour ordonner la fermeture des entreprises non-essentielles de la province (et ce, pour ne pas que les capitalistes québécois se retrouvent désavantagés face à leurs adversaires étrangers dans la concurrence internationale) a vraisemblablement contribué à accélérer la propagation du virus sur le territoire. En d’autres mots, cette décision prise en fonction des intérêts capitalistes et à laquelle Horacio Arruda a donné sa sanction a sans doute entraîné l’infection et la mort d’un grand nombre de personnes au Québec. Le choix de ne pas recommander le port du masque, voire même de le décourager, fait également partie des décisions délétères prises par le pouvoir exécutif avec la participation directe de Horacio Arruda. Mais parmi toutes les actions récentes de l’exécutif, c’est certainement l’opération de déconfinement et de relance économique (opération lancée alors que l’épidémie n’est pas du tout sous contrôle) qui auront les conséquences les plus funestes. Bref, les crimes auxquels Horacio Arruda a directement participé sont nombreux et leurs répercussions les plus graves sont encore à venir.

En somme, lorsque les masses expriment de la haine vis-à-vis du docteur Arruda, ce n’est pas simplement un bouffon ridicule qu’elles condamnent : c’est un représentant du pouvoir exécutif bourgeois qu’elles rejettent. Ce rejet est tout à fait légitime et souhaitable, puisque l’exécutif représente l’instance centrale du pouvoir politique de la classe capitaliste, instance chargée de diriger le processus d’accumulation des profits et l’exploitation des prolétaires. Au même titre que François Legault et que ses ministres, Horacio Arruda est responsable de la dégradation des conditions de vie des masses et de l’aggravation de la souffrance qu’elles vivent quotidiennement. Ainsi, il est tout à fait normal que ses actions attisent de plus en plus leur colère. Cette colère est d’ailleurs appelée à s’accentuer et à se répandre à mesure que la situation va se développer et que les conséquences de la gestion criminelle de la crise sanitaire vont se faire sentir plus durement. Et c’est tant mieux. Comme tous les représentants officiels de la bourgeoisie, Arruda est un ennemi du peuple à dénoncer et à combattre sans restrictions!