COVID-19 : Ceux qui dénoncent le gouvernement ne sont pas des « gérants d’estrade »
Jour après jour, un mouvement de contestation du pouvoir politique en place se développe et se consolide. L’épidémie de COVID-19 fait rage et de plus en plus nombreux sont ceux qui en ont plus qu’assez de la gestion criminelle du gouvernement Legault. Cette contestation grandissante est un fait politique majeur. Les commentaires ouvertement hostiles envers l’exécutif gouvernemental abondent. La crise actuelle révèle des injustices qui alimentent cette colère justifiée.
Placé devant ce mouvement spontané de contestation, Legault et son entourage craignent le pire. C’est donc dans ce contexte d’hostilité que le directeur de la santé publique Horacio Arruda a dénoncé les « gérants d’estrade » qui se permettent de remettre en question les décisions prises jusqu’à maintenant. Cette sortie médiatique compte parmi de nombreuses initiatives cherchant à mobiliser l’ensemble des capacités politiques et sociales à la disposition du gouvernement pour ralentir la tendance à la contestation et pour attiser un élan de sympathie à l’endroit des têtes dirigeantes.
Qu’on se le tienne pour dit, devant l’épidémie et la crise sociale qu’elle provoque, ceux qui dénoncent les crimes, les inactions, les « erreurs » et les « incohérences » de l’exécutif gouvernemental ne sont pas des gérants d’estrade. Bien au contraire, ils assument une tâche politique fondamentale. Ils arborent une réponse des plus normales et conséquentes. Les critiques auxquelles faisait allusion Horacio Arruda sont fondées et légitimes. Elles marquent une étape importante dans l’expérience de nombreux prolétaires. Elles sont l’amorce d’une vie politique effervescente. Elles sont l’expression de la lutte des classes.
Le mécontentement sera de plus en plus la norme dans le prolétariat. Les travailleurs cultiveront un profond et puissant sentiment d’injustice. En fait, le mouvement de contestation populaire envers les décisions de l’État bourgeois se développe à mesure que la relance de l’économie capitaliste va de l’avant et que l’épidémie prend de l’ampleur. Ce mouvement traduit une prise de conscience de plus en plus généralisée des conflits et des abus dans la société actuelle.
Au tout début de la crise, le gouvernement bénéficiait d’une certaine crédibilité. Il était généralement perçu comme voulant protéger les masses de la COVID-19. Mais depuis quelques semaines, le vent a tourné. Les vraies questions demeurent sans réponse; les craintes et les frustrations s’accumulent. Dans les masses populaires, des critiques justes et nombreuses émergent. Plusieurs éléments de la gestion gouvernementale sont ciblés par ces critiques, éléments que nous avons regroupés comme suit :
1) La pénurie de matériel médical
La pénurie de matériel médical a heurté de plein fouet les travailleuses du réseau de la santé, spécialement en ce qui a trait à l’équipement de protection. Cette pénurie entraîne chaque jour des conséquences graves et mortelles. Rien de tout cela n’a jamais été réellement admis par le premier ministre François Legault. Il a préféré parler de problèmes dans la distribution, et ce, même si les témoignages des travailleuses de la première ligne n’ont cessé de le contredire, avec raison.
2) Les consignes contradictoires sur le port du masque
Les consignes concernant le port du masque dans les lieux publics ont changé du tout au tout. Alors que pendant huit longues semaines les autorités demandaient de ne pas le porter, désormais, il est hautement recommandé. Le gouvernement a candidement justifié son volte-face. Il a affirmé que pendant deux mois, il a voulu que les Québécois renoncent à se protéger davantage pour ne pas aggraver la pénurie de masques de procédure dans le réseau de la santé. Il a ajouté s’être résigné à ne pas recommander activement de se couvrir le nez et la bouche, car il était apparemment incapable de fournir des masques de qualité en nombre suffisant à la population du Québec. Aujourd’hui, François Legault solutionne le problème en encourageant la fabrication artisanale de couvre-visages. Bref, le gouvernement avoue s’être adonné pendant des semaines à de la négligence criminelle organisée. Souvenons-nous que pendant le confinement, l’infâme direction de la STM est allée jusqu’à punir ses travailleurs pour avoir revendiqué le port du masque ou pour carrément l’avoir porté sur leurs lieux de travail.
3) L’hécatombe dans les CHSLD
Le triste sort des CHSLD, c’est celui des gens qui meurent par centaines, des survivants qui se trouvent dans des conditions intolérables et des milliers de préposées aux bénéficiaires et d’infirmières travaillant d’arrache-pied… en ayant un pied dans la tombe de leurs patients. Les CHSLD sont en proie au manque de matériel de protection et de dépistage, au manque de mesures de sécurité et au manque de ressources en tout genre. Les conditions d’existence et de travail y sont inhumaines et elles conduisent à la quasi-certitude d’être infecté.
4) Les attaques de l’État envers les syndiqués
Depuis le début de la crise, l’État ne cesse de s’en prendre aux syndiqués. On n’a qu’à penser à la charge qu’il a mené et qu’il continue de mener contre les organisations qui représentent les préposées aux bénéficiaires et les infirmière, les enseignants du primaire et du secondaire, ou encore le traitement qui a été réservé aux employés de l’entretien et aux chauffeurs de la STM. Au fond, le gouvernement attaque les syndicats parce que ce sont eux qui, en ce moment, contestent de manière organisée la relance économique et la gestion de la crise en général. Malgré les attaques du gouvernement, les syndiqués conservent leurs appuis dans la population et suscitent des vagues de solidarité bien méritées. Par le fait même, la colère provoquée par les mensonges et l’arbitraire de l’exécutif bourgeois ne s’en trouve que renforcée.
5) L’objectif criminel de « l’immunité collective naturelle »
Pendant l’espace de quelques jours, la santé publique a révélé viser l’objectif de l’immunité collective naturelle, objectif qu’elle jugeait crédible. Une telle « stratégie » n’était rien d’autre qu’une opération meurtrière de grande envergure révélant le seul objectif réel du gouvernement : repartir la machine à profits pour les capitalistes. Pire, le trio Arruda-Legault-McCann a une fois de plus fait volte-face en conférence de presse en prétendant qu’il n’avait jamais défendu cette stratégie. Voilà qui constituait une révision grossière de l’histoire!
6) Le retour forcé au travail des personnes de 60 à 69 ans
Le retour forcé au travail des personnes de 60 à 69 ans, personnes qui jusqu’alors avaient été désignées comme étant à haut risque de développer des complications graves si elles contractaient la COVID-19, démontre que le gouvernement module ses décisions au gré des nécessités de la relance de l’économie capitaliste. Cette tranche de travailleurs a été incorporée au broyeur à vies humaines pour subvenir au manque de personnel dans les écoles et dans les garderies, entre autres.
7) La réouverture hâtive des écoles
La réouverture hâtive des écoles primaires doit permettre, à n’importe quel prix, la relance de l’économie capitaliste en assurant le retour au travail d’un bassin suffisamment grand de salariés pour faire fonctionner tous les secteurs. La réouverture des écoles met également de la pression sur les travailleurs qui n’ont plus d’excuse pour ne pas se présenter au travail alors que tout indique qu’il est très dangereux de le faire.
8) L’interdiction des rassemblements familiaux, sauf pour le gardiennage
Le gouvernement a demandé aux familles de confier aux proches ou aux grands-parents la garde de leurs enfants pour pouvoir regagner leur travail. D’un coup de baguette magique, l’interdiction des rassemblements familiaux (qui a coûté entre 1 000$ et 6 000$ de contravention à de nombreux Québécois) à des fins de santé publique est disparu du jour au lendemain au nom du gardiennage, et ce, pour palier au manque de places en garderies et dans les écoles primaires.
9) Les faux-fuyants des ministres
Les lamentables explications de la ministre des aînés ou de celle de la santé au sujet de la situation des CHSLD, les revirements au niveau des décisions prises, le flou autour des informations rendues publiques ainsi que les échecs du réseau de la santé ont provoqué une colère immense dans les masses. Au final, personne ne veut porter le blâme. Aucun ministre n’est imputable, pas même ceux des gouvernements antérieurs. Le prolétariat est consterné devant l’impunité des « élus ». Les haussements d’épaules de Marguerite Blais ont fait rager les prolétaires partout dans la province. La crise a révélé le carriérisme lamentable des membres de l’exécutif qui n’ont que faire de la vie des gens.
10) La banqueroute d’Horacio Arruda
Horacio Arruda a perdu toute once de crédibilité aux yeux d’une bonne partie du prolétariat de la province. La vidéo de cet abruti dansant allègrement sur les paroles « Suspends tous mes droits, j’te donne le go » alors qu’en deux mois, près de quatre mille personnes sont mortes de la COVID-19 au Québec a suscité un tollé. À la lumière des explications que le directeur de la santé publique donnait dans les points de presse de mars et d’avril, plusieurs remettaient déjà en doute la compétence du personnage. Le vidéoclip n’a fait que confirmer cette impression. Derrière cet homme sans jugement à l’humour grossier se cache un énergumène imbu de lui-même et surexcité devant son heure de gloire. Il savoure son succès en étant complètement déconnecté de la souffrance provoquée par la gestion criminelle de la crise sanitaire et par la relance de l’économie capitaliste.
11) La propagation à Montréal
La relance de l’économie a rencontré des obstacles à Montréal. Le gouvernement a annoncé l’ouverture des écoles et des commerces, puis a reculé. En fait, les réajustements imposés par l’ampleur des dégâts dans la métropole ont démontré le non-sens de cette relance précipitée. Plus encore, ils ont mis en lumière à quel point l’exécutif était désemparé. Mais devant une épidémie incontrôlée, l’insistance du gouvernement démontre aussi qu’il souhaite à n’importe quel prix la réouverture de Montréal, grand centre économique mondial. Au départ, pour parvenir à réaliser la relance dans les régions, le gouvernement insistait sur le fait qu’il existait « deux Québec » : celui de la grande région métropolitaine et celui de partout ailleurs. Mais les problèmes de Montréal ne se sont pas résorbés en une semaine de sursis. Ensuite, on a espéré que le problème soit contenu dans quelques arrondissements ciblés de la ville, mais plus le temps a passé, plus la crise a pris de l’ampleur et plus les médias ont fait couler de l’encre. Le gouvernement a été déjoué et à ce jour, la réouverture n’est pas allée de l’avant comme prévu. La population comprend maintenant que la situation est désastreuse et craint qu’elle se détériore davantage. De nombreuses municipalités redoutent les échanges et la communication avec Montréal, en particulier avec la saison estivale qui s’amorce. Si le gouvernement défend les Montréalais, c’est qu’il ne veut pas que le bourbier de Montréal entrave la relance économique des régions (tourisme, loisirs, etc.) et crée des points de friction qu’il aura à gérer en sus.
12) La menace de la « zone chaude» généralisée
Le cas de Montréal a révélé la limite du concept de « zones chaudes » et de « zones froides », concept qui cherche à faire croire que l’exécutif provincial contrôle la situation et que la relance économique est possible et sans danger. D’une part, le non-respect systématique de l’étanchéité de ces zones par les gestionnaires de tout le réseau de la santé au Québec a démontré la difficulté technique d’une telle répartition des cas. Plus encore, de telles démarcations demeurent relatives et temporaires à l’échelle nationale. Elles ne sont valides que momentanément et ne permettent pas de saisir le mouvement dynamique de la propagation, les échanges réels entre les différentes régions et les liens économiques qui unissent les régions entre elles. La COVID-19 pourrait connaître de nouveaux épicentres demain matin si rien n’est fait. L’épidémie a commencé avec à peine quelques personnes infectées dans la province et aujourd’hui, elle est parvenue à contaminer plusieurs milliers de personnes un peu partout.
Les critiques populaires envers Arruda et Legault sont entièrement légitimes
La sortie médiatique d’Arruda contre les « gérants d’estrade » ne fait que démontrer à quel point les critiques populaires heurtent et discréditent le pouvoir politique bourgeois. Il faut donc absolument continuer à suivre l’actualité, à cultiver cette colère et à formuler des critiques nombreuses. Plus encore, il faut pousser nos réflexions jusqu’à leurs conclusions, jusqu’à l’explication de la crise en cours.
Les décisions du gouvernement ne sont pas prises dans le vide, de manière désintéressée et abstraite, à l’extérieur de la société réelle et de ses lois économiques. En fait, ce qu’il faut comprendre, c’est qu’il ne s’agit pas de décisions ayant comme base le bien-être de l’ensemble de la société et des millions de travailleurs qu’elle contient. Il s’agit de décisions exécutives qui visent le maintien et la reproduction de l’intégralité de la société bourgeoise et de l’économie capitaliste. Tout ce que le gouvernement cherche à faire pour les prolétaires, c’est de ne pas trop les éloigner d’un niveau de vie minimal et « acceptable » à l’époque du capitalisme, sans plus.
Ce que les travailleurs appellent spontanément des « erreurs », des « incohérences » et de « l’incompétence », ce n’est que la manifestation dans leur conscience des contradictions et des injustices que recèle la société bourgeoise. Surtout, ils perçoivent à leur manière que les décisions sont prises en fonction des nécessités du capitalisme et des intérêts économiques bourgeois. La force des lois économiques dans la société est bien plus grande que celle de la simple volonté individuelle. C’est donc la force des lois économiques capitalistes qui vient moduler au jour le jour les décisions du gouvernement. Ce qui pousse le gouvernement à rectifier son tir, à changer son discours, à employer de nouvelles justifications et à abandonner les anciennes ainsi qu’à s’adapter aux tendances, c’est qu’il doit parvenir à faire passer le profit avant la santé des travailleurs sans que cela ne soit trop disgracieux aux yeux de la population. Le gouvernement doit absolument faire accepter le programme de relance de l’économie capitaliste et doit trouver un « terrain d’entente » minimal avec la population. L’on voit d’ailleurs la différence entre le louvoiement des dernières semaines et la fermeté avec laquelle la pause économique a été ordonnée. L’État capitaliste ne se gère pas sans soubresauts et aussi facilement que le voudrait l’exécutif en place. Il se gère avec des avancées et des reculs. Et cette gestion se bute parfois au mouvement de contestation spontané et à la résistance organisée des syndicats. Les travailleurs sont nombreux à vouloir entraver la réalisation du programme réactionnaire de la bourgeoisie qui ne veut que repartir la machine à profits.
La relance de l’économie capitaliste traduit une réalité objective, celle de la concurrence internationale et de l’affrontement entre les États et les économies nationales. Cela crée une tendance exacerbée, une montée aux extrêmes pour une relance précipitée de l’économie capitaliste nationale. La trêve commune de mars et d’avril 2020 est bien finie, et avec elle s’est évanoui l’espoir de voir l’épidémie être correctement et durablement contrôlée par le pouvoir politique et par la santé publique en place.
Concentrer la colère légitime du peuple pour exposer le rôle de l’État bourgeois
L’épidémie de COVID-19 touche la vie, le quotidien, des travailleurs d’ici et d’ailleurs. Les prolétaires ne peuvent ignorer la crise. Plus encore, ils s’intéressent spontanément à sa gestion de même qu’à la recherche de la solution qui pourra l’endiguer. L’épidémie de COVID-19 est donc un événement majeur de l’histoire qui a poussé de très nombreux travailleurs à faire le saut dans la vie politique réelle… à entrer à l’école de la lutte des classes! L’épidémie de COVID-19 révèle avec force les contradictions et les injustices qui règnent dans la société capitaliste. Tous cherchent à mesurer s’il y a une adéquation entre les décisions qui sont prises par ceux qui gouvernent et leurs intérêts économiques de classe. Les bourgeois se consolent en réalisant que oui; les prolétaire découvrent que non. En somme, l’épidémie de COVID-19 nous amène à questionner le fonctionnement du monde dans lequel nous vivons.
Le rejet du pouvoir politique bourgeois s’exprime toujours par la colère envers des personnes réelles et prend toujours la forme d’une contestation de mesures très concrètes. En tant que révolutionnaires, il faut donc reconnaître le mouvement actuel qui s’oppose à Legault et à Arruda et s’en réjouir. Plus encore, il faut l’encourager et le renforcer. Dans l’histoire, un tel mouvement de dénonciation est toujours un premier jalon parmi d’autres dans le développement d’un mouvement politique pour transformer la société. Il est l’expression d’un rejet grandissant du pouvoir politique de l’État capitaliste. Il nous laisse entrevoir l’étendue de la détermination du prolétariat. C’est là un filon riche en substance!
À tous ceux qui veulent voir tomber le gouvernement en place, nous disons que vous avez raison! Legault et Arruda sont des ennemis à combattre!
La résistance face à la relance de l’économie capitaliste et au programme du gouvernement bourgeois est entièrement légitime!