COVID-19: les travailleurs n’ont pas à payer pour les mesures de la bourgeoisie!
Depuis le début des événements entourant la propagation du nouveau coronavirus au Québec et au Canada, les politiciens et les médias bourgeois ont déployé une formidable campagne de propagande afin d’entraîner les prolétaires à soutenir de manière absolue « leur » gouvernement et à se ranger derrière la classe dominante de « leur » nation pour vaincre l’épidémie. Les représentants de la bourgeoisie soufflent tous dans la même trompette : l’ensemble de la société doit s’unir et se soumettre inconditionnellement aux ordres de l’État bourgeois. Tous les délinquants seront considérés responsables de la propagation exponentielle du virus et de la dégradation de la santé de la population. Le discours de la bourgeoisie laisse croire que nous vivons dans une société harmonieuse, sans contradictions : une grande famille dans laquelle tous se soutiennent les uns les autres et dans laquelle tous partagent les mêmes intérêts. La bourgeoisie veut nous convaincre que l’État défend le bien commun et que ce même État appartient à toute la société. Pourtant, c’est cet État qui se range toujours derrière les grandes entreprises et les grands monopoles lorsque les travailleurs réclament de meilleures conditions de travail; c’est cet État qui coupe impitoyablement dans les services vitaux pour satisfaire les grandes banques et les milliardaires; c’est cet État qui décrète des lois spéciales contre les grèves ouvrières et qui envoie la police réprimer les prolétaires lorsque ceux-ci font preuve d’un peu trop de combativité (comme cela s’est produit tout récemment avec les 800 ouvriers syndiqués en lock-out à la raffinerie CRC en Saskatchewan). En réalité, la société dans laquelle nous vivons n’a rien d’une société harmonieuse. Entre les riches capitalistes qui accumulent les millions sans travailler et les prolétaires qui travaillent durement pour nourrir leurs familles, il n’y a aucun intérêt commun; entre ceux qui possèdent tout et ceux qui ne possèdent rien, il n’y a pas d’unité possible. Dans cette société, ce qui prime sur tout, c’est la lutte des classes. Et même en cette période de pandémie meurtrière, cette lutte se poursuit.
L’appel des représentants de la bourgeoisie à l’unité de la nation permet à la bourgeoisie de propager l’idée que tout le monde va subir les contrecoups de la lutte contre l’épidémie de la même manière, que tout le monde doit accepter de se serrer la ceinture et que l’appauvrissement scandaleux de millions de travailleurs au pays est inévitable. La bourgeoisie vise ainsi à convaincre les prolétaires d’encaisser les attaques qu’elle va leur faire subir dans les prochains mois et les prochaines années. Elle met en place les conditions pour que toute contestation soit vue comme déraisonnable dans le contexte actuel, voire même comme relevant de la trahison nationale. En fait, ce qu’il faut comprendre, c’est que la bourgeoisie entend rejeter entièrement, à court et à moyen terme, le fardeau économique de la pandémie sur le dos des travailleurs. Pourtant, les prolétaires ne sont aucunement responsables de la situation actuelle. Au contraire, s’il faut désigner un responsable, c’est la bourgeoisie, qui n’a pratiquement rien fait pour préparer le pays à l’arrivée du virus alors que celui-ci était connu depuis au moins deux mois. Aussi, l’état dans lequel se trouvait déjà le capitalisme avant le début de l’épidémie doit être mis dans la balance.
Les prolétaires n’ont pas à se « sacrifier » pour sauvegarder un ordre social dans lequel ils n’ont aucun pouvoir et dans lequel ils sont constamment foulés aux pieds par la classe dominante. Évidemment, ils ont intérêt à ce que la pandémie soit éradiquée le plus rapidement possible et c’est pourquoi ils appliquent volontairement, dans la mesure du possible, les consignes sanitaires dictées par la science médicale. Cela dit, la grande bourgeoisie, qui a accumulé des sommes d’argent incroyables au fil des années en exploitant les ouvriers et les travailleurs, aurait amplement les moyens d’absorber l’entièreté des coûts liés aux mesures prises pour lutter contre le virus et d’assurer à l’ensemble des familles prolétariennes le même niveau de vie qu’avant. Si elle ne le fait pas, c’est qu’elle ne peut accepter d’inverser le transfert de richesses du bas vers le haut qui caractérise la société capitaliste! Ainsi, elle préférera voir des millions de prolétaires s’appauvrir plutôt que de mettre à leur disposition les richesses qu’elle monopolise. Finalement, c’est tout l’ordre social dont elle profite et qu’elle défend, et non pas le virus lui-même, qui fait en sorte que des centaines de milliers de travailleurs se trouvent présentement sans emplois et sans revenus. Étant fondée sur la propriété privée des moyens de travail, la société capitaliste est incapable d’organiser rationnellement la production à l’échelle d’un pays entier, ce qui l’empêche de prévenir les grands chocs et les grandes secousses économiques. Si, au contraire, l’économie était planifiée par les travailleurs, il aurait été possible de réorganiser la production de manière beaucoup plus fluide afin de s’assurer que les prolétaires ne subissent pas de graves conséquences économiques en raison de la lutte contre la pandémie.
Plus d’un million de prolétaires soudainement sans travail et sans revenu
Depuis le 13 mars dernier, suite aux mesures décrétées par la bourgeoisie (notamment la fermeture des écoles et des garderies ainsi que d’un grand nombre d’entreprises), les mises à pied et les pertes d’emploi se multiplient à un rythme effréné au pays. En une semaine, 930 000 demandes d’assurance-emploi ont été déposées, un chiffre sans précédent depuis la création du programme en 1940. Et c’était avant que les gouvernements du Québec et de l’Ontario, les deux provinces les plus populeuses du pays, n’ordonnent la fermeture de toutes les entreprises jugées non-essentielles sur leur territoire jusqu’à la mi-avril pour limiter la propagation du virus. Selon l’association capitaliste Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ), jusqu’à 90% des entreprises manufacturières québécoises (le secteur compte 23 000 entreprises qui emploient 500 000 travailleurs dans la province) allaient être touchées par cette mesure. On peut aussi mentionner la fermeture de la plupart des quelque 20 000 chantiers de construction dans la province, privant de travail les quelque 100 000 ouvriers qui y étaient actifs. Ce sont donc des centaines de milliers de travailleurs soudainement privés de leur gagne-pain qui se sont ajoutés à ceux de la semaine précédente. Et c’est sans parler de tous ceux qui n’ont pas cessé de travailler, mais dont les heures de travail ont été réduites, ou encore de ceux ayant dû s’absenter du travail (par exemple pour s’occuper de leurs enfants), mais n’ayant pas été formellement mis à pied par leurs employeurs. Selon un sondage réalisé en ligne entre le 20 et le 23 mars (avant la « mise sur pause » de l’économie du Québec et de l’Ontario) par le Angus Reid Institute, 44% des ménages canadiens auraient été affectés par des pertes de travail ou des mises à pied.
La majorité des travailleurs ayant perdu leur emploi (ou ayant perdu des heures de travail) se sont trouvés sans aucun revenu (ou avec des revenus grandement diminués) du jour au lendemain – une situation particulièrement désastreuse considérant le fait que près de la moitié des travailleurs canadiens vit d’une paie à l’autre. Autrement dit, le prolétariat du pays a été plongé dans l’incertitude la plus totale. L’appareil administratif de l’État bourgeois canadien s’occupant de l’assurance-emploi n’étant pas préparé à recevoir autant de demandes d’un seul coup, le système a été engorgé. Les files d’attente se sont étirées devant les bureaux de Service Canada. Un grand nombre de travailleurs ont appris que le délais de livraison de leur premier chèque d’assurance-emploi dépasserait largement les 28 jours. Pour ceux n’ayant pas accès à l’assurance-emploi, la situation était encore plus angoissante. Beaucoup ont commencé à se demander comment ils allaient faire pour payer leurs factures. Alors que dès le 13 mars, le gouvernement fédéral rassurait les grands capitalistes du pays en annonçant « des mesures de soutien à l’économie et au secteur financier » et en promettant la mise sur pied d’un programme de crédit aux entreprises, ce n’est que le 18 mars, soit 5 jours plus tard, que le gouvernement annonçait des mesures pour calmer l’inquiétude grandissante parmi les travailleurs du pays. Mais le plan d’aide annoncé par le gouvernement, le fameux « Plan d’intervention économique du Canada pour répondre à la COVID-19 », laissait toutes sortes de questions sans réponses pour les travailleurs. De plus, il était inutilement compliqué et s’avérait incapable de régler le problème de l’engorgement de la fonction publique. Les prolétaires n’ayant plus de revenus ont donc finalement dû attendre jusqu’au 25 mars (soit près de deux semaines après l’annonce des premières mesures pour lutter contre la COVID-19!) pour obtenir une réponse claire quant à ce qui allait leur arriver : il leur faudrait attendre encore trois semaines au minimum pour recevoir un premier chèque du gouvernement! Au Québec, malgré que le premier ministre Legault ait mentionné à plusieurs reprises qu’il était inquiet pour les travailleurs privés de revenus jusqu’à la mi-avril, rien n’a été fait pour pallier cette situation catastrophique. Après avoir annoncé, le 16 mars, la mise sur pied du Programme d’aide temporaire aux travailleurs (un programme de seulement 150 millions de dollars et ne concernant que les travailleurs devant se mettre en isolement complet en raison du virus), le gouvernement du Québec n’a adopté aucune mesure concrète pour venir en aide aux travailleurs sans revenus voyant leurs factures s’accumuler. Le gouvernement n’a pourtant pas tardé à venir en aide aux capitalistes : dès le 19 mars, il annonçait en effet « la mise en œuvre de mesures d’appui aux entreprises québécoises, dont un programme totalisant 2,5 milliards de dollars pour soutenir celles touchées par les répercussions de la COVID-19 ». Et pour doubler ses torts d’un affront, le premier ministre, après avoir reconnu publiquement que des familles prolétariennes commençaient à avoir de la difficulté à se nourrir, a demandé aux prolétaires de mettre leur orgueil de côté et de se tourner vers les banques alimentaires, appelant du même coup les nouveaux chômeurs en santé à faire du bénévolat auprès de celles-ci pour répondre à la demande grandissante à laquelle elles allaient devoir faire face! En somme, conséquemment au mépris de la bourgeoisie envers les travailleurs et à cause de son manque de planification et de préparation, des centaines de milliers de prolétaires canadiens sont confrontés à des délais intenables et à une lourdeur administrative inégalée.
Des masses de travailleurs appauvris pour que les riches puissent continuer à s’enrichir
Le 25 mars, le gouvernement fédéral a annoncé la deuxième mouture du « Plan d’intervention économique du Canada pour répondre à la COVID-19 », un plan d’aide de 107 milliards de dollars pour les « particuliers » et les entreprises. Le plan comprend 52 milliards en aide directe aux individus dans le besoin et 55 milliards en reports d’impôts. C’est avec cette annonce que les travailleurs sans revenus ont appris qu’ils allaient pouvoir bénéficier de la fameuse « prestation canadienne d’urgence », une prestation temporaire de 2 000 dollars par mois imposables d’une durée maximale de quatre mois. Au moment de son annonce, le gouvernement a affirmé s’attendre à devoir verser cette aide d’urgence à près de 4 millions de canadiens.
Certains diront que cette aide promise par le gouvernement est généreuse. Or, le montant de 2 000 dollars par mois (ou encore 500 dollars par semaine) est nettement inférieur à ce que gagnent beaucoup de travailleurs au pays en temps normal. En effet, selon les informations fournies par Statistiques Canada, la rémunération hebdomadaire moyenne de l’ensemble des employés salariés rémunérés à l’heure au pays était de 774,89 dollars en 2019. Dans la « branche productrice de biens », une catégorie coïncidant en bonne partie avec le noyau dur de la classe ouvrière et incluant notamment la fabrication, l’extraction des ressources naturelles et la construction, la rémunération hebdomadaire moyenne des salariés rémunérés à l’heure était même de 1 122,17 dollars en 2019, c’est-à-dire plus du double des 500 dollars par semaine accordés par le gouvernement. C’est donc dire que pour un grand nombre de prolétaires, le remplacement de leur salaire habituel par « l’aide » fédérale représentera un appauvrissement considérable. Il faut cependant mentionner que les travailleurs admissibles au programme d’assurance-emploi conventionnel et dont les revenus sont suffisants peuvent aller chercher jusqu’à 573 dollars par semaine (ce qui ne change rien au fait qu’ils s’appauvrissent, ce montant représentant au mieux 55% de leur salaire habituel). Mais ce ne sont pas tous les travailleurs qui se qualifient pour recevoir les prestations d’assurance-emploi. En effet, pour avoir droit aux prestations régulières, il faut avoir accumulé au cours de la dernière année entre 420 et 700 heures de travail assurables, selon le taux de chômage régional. Rappelons au passage qu’en 1995, avant la réforme désastreuse du gouvernement libéral de Jean Chrétien, seulement 285 heures étaient exigées.
Néanmoins, pour certains travailleurs dont les revenus sont particulièrement faibles (notamment ceux œuvrant dans le secteur de la restauration et de l’hébergement où le salaire moyen des employés rémunérés à l’heure est de 363,57 dollars par semaine), la « prestation canadienne d’urgence » aurait pu représenter une légère hausse de revenus. Ceci étant dit, le gouvernement fédéral a annoncé récemment qu’il allait subventionner (pendant au plus trois mois) les entreprises qui ont connu des baisses de revenus d’au moins 30% en raison de la crise actuelle pour qu’elles puissent conserver leurs employés. Les entreprises qui voudront se prévaloir de cette aide recevront une subvention allant jusqu’à 75% des salaires qu’elles paient en temps normal. Elles se verront obligées d’annuler leurs mises à pied et de verser l’argent qu’elles recevront à leurs salariés. Le gouvernement s’en remet au bon vouloir des capitalistes pour le 25% restant – ce qui revient à dire que plusieurs travailleurs risquent de voir leur salaire diminuer, et dans certains cas, risquent d’essuyer une perte salariale de 25% par rapport à ce qu’ils recevaient avant. Ainsi, certains travailleurs pauvres qui avaient été mis à pied pourraient recommencer à recevoir un salaire de leur employeur (ne correspondant, dans certains cas, qu’à 75% de ce qu’ils gagnaient avant) et ne seraient donc plus admissibles à l’aide de 2 000$. L’aspect positif de cette mesure, c’est que les prolétaires dont le salaire est assez élevé pourront aller chercher un montant supérieur à 573 dollars par semaine (jusqu’à concurrence de 847 dollars) si leur employeur décide de recommencer à les rémunérer. Cela dit, plusieurs d’entre eux vont quand même subir une baisse de revenus pouvant aller jusqu’à 25%. Finalement, même si certains travailleurs pourraient voir leurs revenus augmenter légèrement avec la « prestation canadienne d’urgence », il ne s’agirait que d’un effet temporaire – d’une durée de quatre mois au maximum. En effet, il est peu probable que l’État bourgeois puisse continuer pour très longtemps à verser de tels montants d’argent à un aussi grand nombre de prolétaires sans que ceux-ci ne travaillent et ne produisent de la plus-value. Rapidement, le revenu de ces prolétaires retombera soit à son niveau habituel avec leur retour au travail (en prenant pour acquis que les employeurs n’effectueront pas des baisses de salaire ou n’imposeront pas des réductions d’heures de travail pour compenser leurs pertes), soit à un niveau plus bas encore avec la perte définitive de leur emploi. Et pour ceux qui bénéficieront de la subvention de 75% de leur salaire, il faut comprendre qu’il ne s’agit aussi que d’une mesure temporaire. En fait, pour l’ensemble des prolétaires ayant présentement perdu leur travail, l’avenir est plutôt sombre : plusieurs ne retrouveront pas leur salaire tel qu’il était avant la crise et bien d’autres ne regagneront jamais leur emploi.
Les politiciens, les grands patrons, les chroniqueurs et les journalistes vont tenter de nous faire croire que le montant de l’aide financière pour les travailleurs annoncée par le gouvernement est élevé et que ceux-ci doivent se compter chanceux de pouvoir en bénéficier. Personne, dans les médias bourgeois, ne remettra en question le fait que les travailleurs s’appauvrissent massivement avec cette « aide » gouvernementale. Selon le point de vue dominant implicite, cet appauvrissement est une fatalité. Personne n’osera dire qu’en vérité, l’État bourgeois ne donne que des miettes aux travailleurs comparativement à ce qui leur reviendrait si la grande bourgeoisie mettait à leur disposition la richesse incroyable qu’elle monopolise – richesse que les prolétaires ont eux-mêmes produite entièrement en travaillant pour les capitalistes! Voyons voir un peu. Selon les données fournies par Statistiques Canada, les profits des compagnies canadiennes ont atteint 422,5 milliards de dollars en 2018. La moitié seulement de cette somme permettrait de fournir un salaire de 1 000$ par semaine (soit deux fois plus que ce qui est promis par le gouvernement) pendant une année complète à 4 millions de travailleurs au pays! À elles seules, les six plus grandes banques canadiennes (la Banque royale du Canada, le Groupe Financier Banque TD, la Banque Scotia, la Banque de Montréal, la Banque CIBC et la Banque nationale du Canada), selon les informations contenues dans leurs rapports financiers annuels, ont engrangé des profits de 46,2 milliards de dollars. Et c’est sans parler de leurs actifs, évalués à… 5 231 milliards! On peut également s’intéresser à la fortune personnelle des plus grands bourgeois canadiens. Si l’on se fie aux informations publiées par le magazine Canadian Business, les 100 individus les plus riches au Canada possédaient, toujours en 2018, une fortune équivalant à 339,15 milliards de dollars. Ces quelques exemples suffisent à montrer qu’une fraction seulement de la richesse scandaleuse accumulée par la grande bourgeoisie canadienne pourrait servir à assumer entièrement les coûts des mesures prises pour lutter contre la pandémie. On pourrait également parler du fait que les cadres des entreprises, qui demeurent en poste et qui font du « télétravail », continuent de se verser de hauts salaires même en cette période de mises à pied et de pertes d’emplois massives. Mentionnons au passage que la rémunération moyenne des plus grands patrons canadiens, en 2018, était de 11,8 millions de dollars pour l’année, soit 492 fois le montant annuel que représenterait « l’aide » gouvernementale d’urgence de 2 000$ par mois si elle était accordée pendant 12 mois. On voit bien qui est traité avec générosité dans notre société : ce ne sont certainement pas les travailleurs.
Le plan d’aide de 107 milliards annoncé le 25 mars par le gouvernement fédéral et dans lequel est inclue la « prestation canadienne d’urgence » de 2 000$ par mois peut sembler représenter un montant d’argent élevé. D’abord, il faut comprendre qu’une bonne partie des 107 milliards de dollars – et notamment des 55 milliards en reports d’impôts – n’iront pas dans les poches des travailleurs, mais plutôt dans les coffres des entreprises et dans le portefeuille des bourgeois et des petits-bourgeois. Mais il y a plus. Dans les derniers jours, toute l’attention médiatique a été monopolisée par l’aide de 107 milliards, ce qui fait en sorte qu’on n’a peu ou pas parlé de l’aide beaucoup plus importante accordée aux grands capitalistes du pays – lesquels ne représentent pourtant qu’un pourcentage infime de la population canadienne. En effet, le 26 mars, le gouvernement a annoncé qu’il allait acheter aux banques canadiennes jusqu’à 150 milliards de dollars de « blocs de prêts hypothécaires assurés » par l’intermédiaire de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), et ce, dans le but de « renforcer le système financier et l’économie canadienne ». Selon la SCHL, « cette mesure offrira un financement stable aux banques et aux prêteurs hypothécaires et favorisera la poursuite des activités de prêts aux entreprises et aux consommateurs canadiens ». En d’autres mots, l’État vole au secours du grand capital financier en lui fournissant des milliards de dollars en liquidités. À cette somme d’argent gigantesque s’ajoutent toutes sortes de subventions aux capitalistes canadiens, comme les 10 milliards de dollars accordés aux entreprises canadiennes par le gouvernement dans le cadre du « programme de crédit aux entreprises » annoncé le 13 mars, les 12,5 milliards fournis par Exportation et développement Canada et par la Banque de développement du Canada pour « aider les PME à surmonter leurs problèmes de liquidités », les 25 milliards de prêts sans intérêts avec la création du « Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes » ainsi que l’équivalent de 30 milliards de prêts sans intérêt aux entreprises avec le report des paiements de TPS et de TVH et du remboursement des taxes et des droits exigibles sur les importations. Et ce ne sont que les premières mesures annoncées pour soutenir l’entreprise privée. Mais déjà, on voit bien envers qui le gouvernement canadien est le plus généreux : envers le Capital, bien entendu!
L’appauvrissement des travailleurs canadiens ne fait que commencer. Tout indique que les pertes d’emploi et de revenus vont se poursuivre pendant un bon moment encore. Par ailleurs, il y a de fortes chances que les capitalistes abaissent les salaires de leurs employés. Le niveau de vie de la classe ouvrière va chuter de manière désastreuse, mais pendant ce temps, les ressources de l’État bourgeois vont continuer d’être mobilisées pour assurer la sauvegarde du capital financier et des grands monopoles. Pire encore, il y a fort à parier que dans les mois et les années à venir, pour rembourser les dépenses publiques colossales qu’elle est en train de faire, la bourgeoisie, comme elle l’a fait par le passé, va imposer au prolétariat de douloureuses mesures d’austérité : coupures dans les services, suppression de programmes, baisse des salaires des employés de la fonction publique, augmentation des tarifs, etc. C’est par exemple ce qui s’est produit suite à la crise de 2008. Après avoir fortement endetté l’État bourgeois pour sauver le capitalisme canadien, notamment en soutenant à coups de milliards les grandes entreprises et le secteur bancaire, le gouvernement conservateur au pouvoir a adopté des mesures de rigueur budgétaire pour rembourser la dette. Bref, il a rejeté le fardeau de cet endettement sur le dos des travailleurs canadiens. Notons que le financement massif du secteur bancaire, à l’époque, avait été octroyé en grande partie à travers le « Programme d’achat de prêts hypothécaires assurés », le même programme dont le gouvernement libéral de Trudeau se sert actuellement pour financer à nouveau les grandes banques. Entre octobre 2008 et mars 2010, le gouvernement conservateur, par l’entremise de la SCHL, avait allongé environ 69 milliards pour faire l’acquisition de prêts hypothécaires « risqués » possédés par les différentes institutions financières canadiennes. Il se pourrait bien que l’histoire se répète…
Pour ne plus être à la merci des capitalistes, il faut leur ôter le pouvoir!
Le fait que des millions de travailleurs puissent se retrouver du jour au lendemain privés de travail et de revenus, comme cela se produit présentement, révèle au grand jour l’injustice fondamentale qui caractérise la société capitaliste. Dans cette société, étant donné que les ouvriers et les prolétaires ne sont pas propriétaires des moyens de production, ils se trouvent à la merci des capitalistes qui achètent quotidiennement leur force de travail pour faire du profit. Quand les affaires vont bien pour les bourgeois, les travailleurs réussissent à obtenir un salaire pour vivre en échange du temps qu’ils leur cèdent. Mais quand les maîtres de la production ne font plus de profits avec eux, alors ceux-ci sont jetés à la rue comme de vulgaires outils dont on se débarrasse. Bref, étant donné que les travailleurs ne contrôlent pas la production, ils n’ont aucune garantie d’avoir du travail et un salaire, alors que ce sont pourtant eux – et non les capitalistes – qui font fonctionner la société!
Pour mettre fin à la situation révoltante dans laquelle ils se trouvent, les prolétaires doivent s’organiser et lutter pour renverser complètement la société bourgeoise. Comme l’ont écrit Marx et Engels dans le Manifeste du Parti communiste, « ce que nous voulons, c’est supprimer ce triste mode d’appropriation qui fait que l’ouvrier ne vit que pour accroître le capital, et ne vit qu’autant que l’exigent les intérêts de la classe dominante. » Et la seule manière pour les prolétaires de supprimer ce « triste mode d’appropriation », c’est d’ôter le pouvoir aux capitalistes par la lutte révolutionnaire et de prendre en charge la direction de l’économie à l’échelle de toute la société. En d’autres mots, la seule option, c’est le socialisme! Cela représente un défi important. Mais si nous forgeons les instruments dont nous avons besoin pour y arriver, nous y parviendrons!
Dans l’immédiat, ce qu’il faut faire, c’est démasquer la bourgeoisie et dénoncer publiquement le système capitaliste pourri qui nous écrase. C’est rejeter fermement la perspective de nous ranger derrière la classe dominante pour combattre avec elle l’épidémie. C’est défendre l’idée selon laquelle toute perte de revenu pour les travailleurs, quelle qu’elle soit, est une attaque de la bourgeoisie contre la classe ouvrière. C’est rappeler à tous que les capitalistes auraient les moyens d’assumer entièrement le coût de la lutte contre la pandémie et d’assurer des conditions de vie pareilles qu’avant aux masses populaires. C’est dissiper la confusion entretenue par la propagande bourgeoise et révéler à nos camarades que la détérioration de la situation économique des masses n’est pas la conséquence du virus, mais bien de l’organisation capitaliste de la société. Finalement, ce qu’il faut faire dans l’immédiat, c’est propager largement l’idée qu’il existe une voie révolutionnaire et c’est faire connaître au plus grand nombre d’ouvriers et de prolétaires la perspective du socialisme et de la collectivisation des moyens de production!
La pandémie n’efface pas la lutte des classes!
Rejetons l’unité avec la bourgeoisie!
Refusons de payer pour les mesures qu’elle met en place!
Renforçons notre volonté de combattre pour le socialisme!