Grave accident de travail : procès pour négligence criminelle pour deux capitalistes

Un procès pour négligence criminelle a débuté le 13 janvier dernier contre deux capitalistes, Bernard Huot et son fils, Carl Huot, tous deux propriétaires de la la Boucherie Huot de Lévis, lieu de travail doté d’une machinerie désuète depuis des années. Leur négligence a infligé de terribles blessures à un jeune employé. Le 10 novembre 2016, Olivier Bouchard, 18 ans, est monté sur une petite échelle pour déposer de la viande dans un hachoir. Son bras et sa tête sont restés coincés. Des collègues employés se sont précipités pour lui venir en aide, mais déjà, sont corps était mutilé.

À vrai dire, le hachoir industriel dans lequel est resté coincé Olivier Bouchard en 2016 était défectueux depuis 2014, a affirmé Marc Toutant, l’électricien qui a tenté de réparer l’appareil avant que l’accident ne survienne. Au procès, il a déclaré que pour rendre le hachoir fonctionnel, il a dû contourner le dispositif de sécurité qui d’ordinaire empêche l’appareil de fonctionner lorsque son couvercle est ouvert. Il a affirme avoir informé Bernard Huot que le hachoir fonctionnait, mais qu’il n’était pas sécuritaire. Selon son témoignage, Mr Huot lui aurait dit de le laisser ainsi en attendant de recevoir la pièce qui rétablirait le module de sécurité. Le témoin a souligné que c’est le propriétaire qui devait commander la pièce en question. Après cet entretien, Marc Toutant n’aurait jamais eu de nouvelles de Mr. Huot. L’électricien, qui travaille dans le domaine depuis 2008, a affirmé au tribunal avoir enlevé un dispositif de sécurité une seule fois dans sa carrière. « Habituellement, j’en installe, je ne les enlève pas », a-t-il dit. D’autres employés ont aussi confirmé devant le tribunal que le matériel était défectueux depuis longtemps et que leurs employeurs n’avaient rien modifié jusqu’au moment du tragique accident.

Il est plutôt rare de voir des employeurs accusés de négligence criminelle parce que le fardeau de la preuve est « très » lourd. En effet, la Couronne doit prouver hors de tout doute raisonnable que Bernard Huot et Carl Huot ont fait preuve d’insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. Elle doit démontrer que la situation révèle un écart marqué face à la norme. De son côté, la défense doit tenter de semer le doute en démontrant que l’accident n’est pas attribuable aux propriétaires de la machinerie, mais bien à d’autres personnes, dont la victime. C’est d’ailleurs dans cette optique qu’elle a prétendu qu’Olivier Bouchard était sous l’effet de la drogue et de l’alcool lorsqu’il est tombé dans le hachoir.

Après avoir mené une enquête sur le cas d’Olivier Bouchard, la CNESST a réclamé une amende de 55 000$ aux propriétaires de la Boucherie Huot. Comme mentionné plus haut, plusieurs employés étaient au courant que les installations étaient déficientes en termes de sécurité. Mais comme l’a expliqué Karlain Huard, boucher pour les Huot de 2012 à 2016, personne n’osait en parler aux inspecteurs de la CNESST qui visitaient occasionnellement le lieu de travail. « Dans une entreprise où on n’est pas protégé, ça peut être mal vu, disait Mr Huard. On ne mord pas la main qui nous nourrit. » Suite aux négociations, Bernard Huot a finalement plaidé coupable à une infraction pénale pour avoir causé des blessures à un travailleur : il a dû payer environ 32 000$ d’amende.

Au-delà des accusations criminelles

L’accident de travail d’Olivier Bouchard nous amènent à examiner si les capitalistes ont intérêt à rendre les milieux de travail complètement sécuritaire. Et bien il s’avère que certaines machines apparaissent plus difficiles à remplacer qu’un employé…!

Quand on parle de droit criminel, les problèmes sont ramenés à la responsabilité individuelle. Certes, des changements législatifs sont survenus en 2004 suite à la mort de 26 mineurs dans les mines Westray en Nouvelle Écosse : il a été démontré que la faute incombait à l’entreprise et ses dirigeants qui, malgré les avis des inspecteurs en santé et sécurité du travail, n’amélioraient pas l’état de leurs installations d’extraction minière.

Mais dans la législation et devant les tribunaux, même si l’ultime responsable des conditions de santé et sécurité du travail est l’entreprise qui possède les moyens de production, qui contrôle l’organisation du travail et qui exerce le droit de gérance, ce sont les cadres et les employés sur une base individuelles qui font l’objet d’accusations de négligence criminelle. Pourtant, dans un régime capitaliste, les travailleurs ne peuvent pas modifier leurs conditions de travail. On ne leur donne qu’un certain droit de signaler des choses « anormales ».

Pire encore, pour reconnaître la culpabilité d’un individu, lors d’un procès, le juge compare le capitaliste accusé avec un autre capitaliste dit « raisonnable ». L’ennui, c’est que si l’on admet d’emblée que les accidents de travail sont courants dans notre société organisée autour du porte-feuille de la bourgeoisie et non du bien-être des prolétaires, l’on est aussi forcé de reconnaître que la plupart des risques que font encourir les capitalistes à leurs ouvriers sont chose normale. Autrement dit, le capitaliste « raisonnable » est celui qui prend des risques pour maximiser son rendement financier tant et aussi longtemps qu’il tente le moindrement de les contrôler. On ne peut donc pas exiger de lui qu’il se procure une machinerie neuve et à point, sans quoi ses affaires se porteraient mal. Le capitaliste « raisonnable » a donc l’obligation générale de prévention de risques sans pour autant que cette obligation nuise à son profit. Dans une société capitaliste, règle générale, un homme d’affaires, même s’il est croche, passe pour quelqu’un de correct.

Donc même si les Huot sont reconnus coupables d’un crime envers Olivier Bouchard, les autres capitalistes ne se verront pas plus contraints de prévenir les accidents de travail graves et mortels : le jugement aura qualifié les comportements fautifs des Huot comme nettement décalés par rapport à ce qui est attendu du capitalisme « normal » et des capitalistes « raisonnables ». Rien de très rassurant…!

En somme, les accidents de travail découlent de l’organisation du travail capitaliste. Il n’est donc pas envisageable qu’ils ne surviennent pas de tragédies dans la classe ouvrière tant et aussi longtemps que la bourgeoisie aura le pouvoir. Prendre des risques sur la vie des autres, c’est le propre de cette classe dominante pourrie. La seule issue, c’est que lui soit définitivement enlevé les moyens de production, le contrôle de l’organisation du travail et son droit de gérance.

Ôtons le pouvoir aux capitalistes qui broient des vies!

Vive le contrôle ouvrier sur la production!

En avant pour le socialisme!