Une nouvelle ministre de propagande capitaliste : la ministre de la Prospérité de la classe moyenne
Les résultats des dernières élections fédérales ont été décevants pour la bourgeoisie canadienne en général et pour le Parti libéral de Justin Trudeau en particulier. Ils démontrent qu’il y a une polarisation accrue entre les diverses fractions régionales de la bourgeoisie (notamment entre les élites de l’ouest du pays et celles du centre). Bien que cette polarisation puisse prendre beaucoup de place dans les médias, il n’en demeure pas moins que les conflits entre bourgeois en viennent à se résoudre dans des ententes qui permettent de maintenir le capitalisme canadien fonctionnel. De fait, le problème le plus important pour la bourgeoisie se situe ailleurs : la participation électorale enregistrée à l’automne dernier démontre que la façade démocratique que se plaît à afficher le capitalisme canadien est de plus en plus remise en question par une masse grandissante de prolétaires qui tend à se désintéresser durablement du principal mécanisme de légitimation du pouvoir bourgeois, c’est-à-dire les élections.
En effet, depuis longtemps, on assiste à la consolidation d’un bloc dans la population (près d’un tiers des électeurs potentiels) qui ne va pas voter. Ce bloc prend de l’expansion au fur et à mesure que le capitalisme continue à faire dégénérer les conditions de vie et de travail au pays. Or, le capitalisme dans les dites démocraties occidentales repose essentiellement sur l’illusion de légitimité qu’octroient les élections à ceux qui sont au pouvoir, et sur la capacité répressive de l’État. Donc, le problème pour les bourgeois, c’est de parvenir à redorer les principales institutions capitalistes (notamment le parlement) sans pour autant perdre un sou de profit, notamment en ne concédant rien aux millions de travailleurs et de travailleuses, et ce, tout en donnant l’illusion de redistribuer la richesse. C’est ici qu’intervient le nouveau dispositif mis en place par le gouvernement libéral (qui rappelons-le, représente la fraction monopoliste du capital canadien) : la soi-disant « ministre de la Prospérité de la classe moyenne », Mona Fortier. Bien que ce nouveau poste soit appelé à servir sur le long terme en tant que machine de propagande en faveur du capitalisme, il n’en demeure pas moins qu’à plus court terme, il sera un des principaux instruments utilisés pour assurer une majorité électorale au Parti libéral lors des prochaines élections. Voilà qui explique que le premier mandat de cette nouvelle ministre est de mettre en œuvre, d’ici les prochaines élections, des politiques qui favoriseront la classe moyenne, ce qui revient à dire qu’elle aura la tâche de vendre le programme libéral, celui des « champions de la classe moyenne ».
Fidèle à sa nouvelle stratégie, la première mesure adoptée par le gouvernement Trudeau a été de réduire l’impôt sur le revenu de la classe moyenne. Or, cette baisse est loin de représenter une réelle amélioration pour l’ensemble des travailleurs et des travailleuses. En effet, il ne s’agit pas à proprement dit d’une baisse des impôts, mais plutôt d’une modification apportée au seuil minimal à partir duquel on doit payer de l’impôt, c’est-à-dire que le gouvernement entend faire passer ce seuil de 12 069$ à 15 000$ dans 5 ans, soit en 2023. Selon le gouvernement, plus de 20 millions de Canadiens vont bénéficier de cette modification. Or, la modification apportée à l’impôt ne donnera au mieux que des miettes aux travailleurs et travailleuses. Pour ne donner qu’un exemple, une personne seule récupérera au plus 200$ en 2020, ce qui sera loin de compenser les hausses des coûts liés au logement et au panier épicerie. Autrement dit, ce qui semble être un retour d’argent pour tous est plutôt une manière de pas remettre d’argent du tout.
Les prolétaires face à l’impôt
À première vue, s’il semble que cette baisse d’impôts témoigne d’une réelle préoccupation du gouvernement envers la classe laborieuse, il n’en demeure pas moins qu’au final, elle s’avère n’être qu’une opération de propagande capitaliste lancée à un moment opportun pour la bourgeoisie, une opération qui vise à nous convaincre que le capitalisme canadien est en mesure d’améliorer les conditions de vie et de travail des travailleurs canadiens. Mais tout cela n’est que de la frime puisqu’en vérité, les travailleurs continuent à s’appauvrir tandis que les riches continuent à accumuler les richesses.
Le dogme bourgeois (que partagent toutes les formations politiques qui représentent les intérêts de la classe dominantes comme le Parti libéral, le Parti conservateur, le NPD et le Bloc québécois), c’est de croire que la croissance de l’économie capitaliste, accompagnée d’une stratégie étatique d’intervention (qui va de pragmatique chez les libéraux à minimaliste chez les conservateurs) suffit pour améliorer le sort des travailleurs. Au fond, c’est le profit des capitalistes qu’elle fait fructifier.
En somme, les riches s’enrichissent alors que l’ensemble des travailleurs demeurent essentiellement prisonniers des mêmes conditions de vie et de travail. De son côté, le gouvernement donne l’illusion d’améliorer les choses.
La classe moyenne selon la bourgeoisie et le prolétariat réel
D’après une définition courante, pour faire partie de la classe moyenne, les ménages doivent présenter un revenu après impôts et transferts étant compris entre 75% et 200% du revenu médian – point de partage de la population en deux groupes égaux en nombre. Au Québec, pour être considéré comme faisant partie de cette « classe », le revenu annuel doit se situer entre 29 600$ et 79 000$ pour une personne seule, 41 900$ et 111 700$ pour un couple sans enfants et 59 300$ et 158 000$ pour une famille de quatre personnes. Cela équivaut à placer 61% de la population québécoise dans cette grande fourchette de revenus. Qui plus est, la classe moyenne québécoise serait surpassée par 8% de la population sans compter que 31% se trouverait en dessous. Certaines autres études adoptent plutôt une fourchette de 75% à 150% du revenu médian pour délimiter la classe moyenne, ce qui a ainsi pour effet de la rétrécir. Il est à noté que le gouvernement canadien n’a que faire de définir réellement la classe moyenne puisqu’il ne se sert même pas de ce concept dans sa fiscalité. En effet, il se structure autour des seuils de faible revenu qu’il fixe (afin d’octroyer des exemptions fiscales et de l’aide financière aux ménages qui ne parviendraient pas à reproduire leur force de travail autrement) et autour des cinq paliers d’imposition, d’où l’évidence que la ministre de la Prospérité de la classe moyenne et l’usage abusifs du terme « classe moyenne » dans les discours des politiciens n’est qu’idéologique.
En fait, l’expression classe moyenne entretient l’illusion que l’écart de richesses est beaucoup plus restreint qu’il ne l’est réellement. Cette formulation donne l’impression que la majorité de la population se situe « au milieu », c’est-à-dire qu’une petite partie des gens d’un côté comme de l’autre gagnent légèrement moins ou encore légèrement plus. En vérité, les gens contenus dans la classe moyenne sont beaucoup plus près, en termes de richesses, des « personnes à faible revenu » que des personnes au sommet de la société. Parce que la catégorie bourgeoise de « classe moyenne » est organisée autour de la donnée statistique du revenu médian, elle donne une idée de la répartition des personnes et non des richesses. Elle vient donc masquer le fait que notre société contient une poignée de personnes outrageusement riches. Par exemple, dans un rapport du Centre canadien de politiques alternatives (CCPA) datant de 2017, on apprenait que la rémunération moyenne des 100 PDG les mieux payés au Canada était de 9,5 millions de dollars, ce qui était 193 fois plus élevé que le salaire industriel moyen au Canada (49 510$). Cet écart s’établissait à 42 pour 1 en faveur des dirigeants d’entreprises, si on prenait en compte l’ensemble des PDG.
Quoiqu’il en soit, en réalité, les classes sociales ne se définissent pas à partir des revenus, mais bien de la place que les personnes occupent dans les rapports de production. Dans la société capitaliste, il existe deux grandes classes qui se font face, soit le prolétariat et la bourgeoisie. Le prolétariat, c’est la classe des travailleurs contraints, pour vivre, de vendre leur force de travail à la bourgeoisie. La bourgeoisie, c’est cette classe d’exploiteurs qui possèdent les moyens de production. Entre ces deux classes se trouvent des couches intermédiaires et petites-bourgeoises composées essentiellement d’artistes, d’intellectuels, de professionnels salariés et de détenteurs de petites entreprises. Sur cette base, force est de constater qu’une grande proportion des personnes classées dans la soi-disant classe moyenne sont des prolétaires. En effet, il n’y a pas que les « personnes à faibles revenus » qui subissent l’exploitation. En fait, on peut même gagner un revenu dans la portion haute de la fourchette de la « classe moyenne » et se faire exploiter. C’est entre autres le cas de certains ouvriers qualifiées dans la production, les transports, l’extraction ou la construction. C’est donc dire que les exploités qui font partie de la « classe moyenne », qu’importe leurs revenus, appartiennent donc à une classe sociale qui n’est pas « au milieu », mais qui est au bas de la société. Plus encore, le concept de « classe moyenne » et son emploi à outrance par les bourgeois qui nous dirigent – et leurs intellectuels qui nous mentent – laissent entendre qu’il n’existe pas une grande contradiction entre le prolétariat et la bourgeoisie, un conflit immense qui ne saura se résoudre que par la révolution prolétarienne.
Autrement dit, la création d’un nouveau poste ministérielle sensé prendre soin de la classe moyenne n’est qu’une initiative idéologique et propagandiste. Le gouvernement Trudeau, comme tous les gouvernements bourgeois, n’est pas au service de la majorité de la population, mais bien d’une minorité de riches exploiteurs. Les prolétaires ne doivent pas se laisser duper. Ils doivent apprendre à reconnaître leurs ennemis ainsi que leurs frères et sœurs de classe.
La classe moyenne n’existe pas!
Le prolétariat la seule classe révolutionnaire!
La société bourgeoise est au service des riches exploiteurs!