Les ouvriers d’Olymel à Princeville continuent la lutte et passent à l’offensive!
Le débrayage à l’usine d’Olymel de Princeville se poursuit! Rappelons que les ouvriers tiennent un piquet de grève depuis le 29 octobre. Dernièrement, au tournant de près de deux mois de piquetage, ils ont levé le ton d’un cran. Ils emploient dorénavant des moyens d’action qui dépassent le cadre de leur propre lieu de travail. Le lundi 9 décembre, ils se sont rendus à l’usine d’Olymel de Vallée-Jonction et ils en ont bloqué l’entrée pendant plusieurs heures, ce qui a nuit à la production en stoppant l’approvisionnement et l’expédition de porc. D’ailleurs, en 2021, les 1 500 travailleurs de cette usine de la Beauce seront à leur tour appelés à renégocier leur convention collective avec les mêmes interlocuteurs crapuleux. Deux jours plus tard, les grévistes de Princeville se sont rendus à Québec où ils ont manifesté pour dénoncer les gros bonnets de l’industrie porcine au Québec réunis dans le Centre des congrès à l’occasion du « Porc Show »… un événement où visiblement les porcs ne sont pas seulement dans les assiettes!
La contestation se poursuit et les ouvriers comptent continuer de déployer un ensemble de moyens d’action pour faire valoir leurs intérêts dans la négociation. Ces moyens d’action ont pour effet de révéler que la lutte des classes traverse notre société basée sur l’exploitation. Ils révèlent aussi toute la vitalité du mouvement ouvrier, vitalité dont nous pouvons nous réjouir. Les ouvriers comprennent spontanément qu’il faut perturber la production là où elle se fait et chahuter les capitalistes là où ils se trouvent. Ces formes d’action naissant de l’initiative des masses ouvrières sont autant d’outils dont le prolétariat révolutionnaire pourra se servir, en combinaison avec d’autres formes de lutte et avec une intensité plus grande, pour attaquer le pouvoir bourgeois à la veille du déclenchement de la révolution et pendant le déroulement de celle-ci. La tâche des communistes consiste à prendre acte de ces formes d’action, à les généraliser et surtout à les intégrer dans le mouvement général visant à réaliser la lutte politique pour le pouvoir et pour le contrôle ouvrier sur la production, et ce, afin d’en finir avec la propriété privée et le profit d’une minorité de bourgeois, afin d’en finir avec leurs décisions irrationnelles et les conditions misérables dans lesquelles ils font travailler la main-d’œuvre qu’ils exploitent impunément jour après jour.
En matière de porc et de volaille, Olymel a le monopole de l’abattage, du désossage et de la transformation dans la province. Au Québec, il n’y a que deux usines dans ce domaine qui n’appartiennent pas à ce géant. Encore récemment, en novembre 2019, le Bureau de la concurrence avalisait la transaction entre F. Ménard et l’entreprise Olymel : cette dernière venait de faire l’acquisition de tous les actifs du producteur d’Ange-Gardien (l’usine de Saint-Jean-sur-Richelieu, l’usine de transformation spécialisée dans la production de bacon à Henryville, l’établissement d’abattage, de découpe et de désossage de porc d’Ange-Gardien, une flotte de camions, la boucherie de Saint-Alphonse-de-Granby et celle d’Ange-Gardien), soit l’acquisition de plus de 15% de la production porcine québécoise – une fraction qui lui avait échappé jusque-là. Olymel détient un chiffre d’affaires qui avoisine les 4 milliards de dollars. Après seulement un quart de siècle d’existence, l’entreprise a à sa disposition plus de 13 000 travailleurs répartis dans 27 établissement de transformation et 7 centres de distribution à travers 5 provinces canadiennes soit le Québec, l’Ontario, l’Alberta, le Nouveau-Brunswick et la Saskatchewan. Elle exporte ses produits dans 65 pays à travers le monde. Et ses ouvriers ont de bonnes raisons de croire que c’est tout leur travail concédé pour une bouchée de pain qui a permis à l’entreprise d’être devenue aussi prospère!
Plus encore, Olymel opère aux côtés de deux autres gros joueurs regroupés sous la bannière de la Coop fédérée, soit les quincailleries BMR et surtout, la division agricole Sollio Agriculture qui regroupe la production animale (avicole, porcine, laitière, bovine, équine, ovines et caprines, biologique ou non), la production végétale et la commercialisation des grains de plus de 320 détaillants et installations à travers le pays (dont 97 au Québec), ce qui l’amène à connaître un chiffre d’affaires de plus de 2 milliards de dollars. Tout porte à croire que Sollio Agriculture travaille en étroite synergie avec le maillon qui le succède dans la production de viande, soit la transformation du bétail et de la volaille en viande à consommer – une tâche assumée par Olymel, son grand frère. D’ailleurs, dans la transaction récente avec F. Ménard, Sollio Agriculture a pour sa part fait l’acquisition de la meunerie de Saint-Pie-de-Bagot et de celle d’Ange-Gardien en plus des installations destinées à l’entreposage et au séchage des grains de Sainte-Brigide-d’Iberville.
Dans son célèbre ouvrage L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, Lénine a montré au début du 20e siècle comment le développement du capitalisme engendrait nécessairement l’émergence de « groupements monopolistes de capitalistes » tendant à limiter grandement la libre concurrence, laquelle est pourtant un trait fondamental de la production marchande. L’apparition de ces monopoles a marqué, historiquement, le passage du capitalisme à son stade ultime de développement, le stade impérialiste, au-delà duquel le seul progrès social possible ne peut se faire que par la révolution prolétarienne et le passage au socialisme. À l’époque de l’impérialisme, la concentration de la production a atteint un degré si élevé avec la domination des monopoles que la société se trouve « aux portes de la socialisation intégrale de la production », c’est-à-dire de l’abolition de la propriété privée et des rapports marchands et de la prise en charge de l’organisation et de la planification de la production par les masses laborieuses. Cependant, bien que la production soit devenue sociale, tant que la bourgeoisie conserve son pouvoir sur la société, « les moyens de production sociaux restent la propriété privée d’un petit nombre d’individus » et « le joug exercé par une poignée de monopolistes sur le reste de la population devient cent fois plus lourd, plus tangible, plus intolérable ».
Au Québec et au Canada, le capitalisme est depuis un bon moment parvenu à son stade impérialiste. Les monopoles ont désormais une importance déterminante dans la vie économique et il n’y a pas de retour en arrière possible. La Coop fédérée est un bon exemple des « groupements monopolistes de capitalistes » dont parlait Lénine au début du siècle dernier. Ce groupement monopoliste correspond également à ce qu’il appelait la « combinaison », c’est-à-dire la réunion, au sein d’une même entité, de différentes branches industrielles correspondant à des étapes successives ou des domaines complémentaires pour parvenir à la production d’une marchandise. Dans le cas de la Coop fédérée, il s’agit de réunir la culture du blé, la fabrication du grain destiné à l’alimentation des animaux, l’élevage du bétail et de la volaille, l’abattage des animaux et leur transformation en viande prête à la consommation. On assiste donc ici à un cas de socialisation de la production extrêmement avancé : à ce point, il serait facile d’éliminer toute forme de transaction marchande entre ces différentes branches si les moyens de production n’étaient pas la propriété des capitalistes. En effet, cette propriété privée fait en sorte que cette socialisation formidable ne profite pour l’instant qu’à la bourgeoisie et non aux travailleurs. Il n’en demeure pas moins que l’existence de regroupements comme la Coop fédérée montre que le pays est mûr pour l’édification du socialisme et qu’il ne manque pour cela que le pouvoir politique au prolétariat.
Dans le contexte d’un monopole où l’argent coule à flot, l’indignation des travailleurs d’Olymel se voyant appauvris toujours plus à chaque renouvellement de convention collective est à son comble. Les affaires d’Olymel vont rondement et rien de tout cela ne rejaillit sur les ouvriers, bien évidemment! L’entreprise ne fait qu’à sa tête, sans aucune considération pour la force de travail. À Princeville, c’est 350 ouvriers qui abattent, découpent et désossent 13 500 porcs par semaine. Dans cette petite municipalité, l’usine en question fermait en 2004, faute de rentabilité. Dix-huit mois plus tard, elle réouvrait ses portes, faisant du même coup chuter les salaires de plus de 25 pourcent. Autrement dit, un ouvrier qui gagnait un salaire horaire de plus de 20$ en 2004 en faisait 14,75$ un ans plus tard. Et depuis, jamais les ouvriers de l’usine n’auront pu récupérer ce qu’ils ont perdus il y a 15 ans.
Olymel vit un problème d’attraction et de rétention d’employés, à Princeville comme ailleurs, notamment à sa nouvelle usine de Yamachiche. Bien entendu, la « pénurie de main-d’œuvre » est sur toutes les lèvres. Elle expliquerait les embauches déficientes et la volatilité des nouveaux employés. La bourgeoisie est bien entendu de mèche avec ses représentants à l’Assemblée nationale ou encore dans les médias : personne n’admet véritablement qu’on offre aux prolétaires des salaires dérisoires pour assumer un travail pénible, souvent inhumain et dangereux.
Dans l’usine d’Olymel à Princeville, c’est évidemment le cas. Le travail est très dur : les ouvriers travaillent sur une chaîne où le temps alloué aux manœuvres à effectuer sur l’animal et sur la viande est trop court. La pression exercée sur les travailleurs est donc très grande. Il faut savoir que l’augmentation du degré d’intensité du travail est l’un des moyens utilisés par les capitalistes pour extraire une plus grande quantité de plus-value en exploitant les ouvriers. En effet, plus la quantité de travail dépensée dans un temps donné est grande, plus grande est la quantité de valeur produite, ce qui permet aux capitalistes de faire plus de profits sur le dos des travailleurs. Plus encore, à l’usine d’Olymel, les ouvriers travaillant dans le désossage sont dans un environnement où la température est fixée à 5 ou 10 degrés Celsius, selon la saison. L’inconfort physique lié au travail est grand et les ouvriers ne connaissent aucune compensation et considération de la part de leur employeur.
Pour pallier à la soit-disant rareté de main-d’oeuvre, qui n’est que le résultat des piètres conditions de travail offertes, Olymel a acheté une maison en face de l’usine pour loger des travailleurs colombiens qu’elle fait travailler dans son installation de Princeville. C’est ainsi qu’Olymel assujettit une partie ultra-vulnérable de sa main-d’œuvre à sa toute-puissance avec la complicité de l’État québécois et canadien à travers divers ministères, notamment ceux du travail et de l’immigration. L’une des caractéristiques fondamentales de l’impérialisme est l’exploitation des nations opprimées par une poignée de grandes puissances. L’impérialisme conduit à l’oppression et au pillage de la majorité des peuples du monde par les différentes bourgeoisies impérialistes comme celle du Canada. Par conséquent, un grand nombre de travailleurs des pays dominés se voient contraints d’immigrer. Les capitalistes comme ceux d’Olymel profitent de cette main-d’œuvre bon marché, par exemple celle venue d’Amérique latine ou d’Afrique pour travailler dans les usines québécoises. Olymel crée ainsi une « sous-catégorie » d’ouvriers avec ces travailleurs immigrants en provenance d’un pays dominé et dont le statut migratoire et la survie générale dépend de l’entreprise.
La grève des ouvriers d’Olymel à Princeville est riche d’enseignements, tant au niveau des rouages du capitalisme qu’au niveau des moyens de le combattre. Les travailleurs qui y prennent part méritent tout le soutien du prolétariat québécois et canadien, non seulement parce qu’ils sont vaillants dans la lutte, mais aussi dans leur activité productrice à l’année longue.
Olymel et la Coop fédérée : un vaste monopole impérialiste à combattre!
Les ouvriers de l’industrie porcine et avicole sont des milliers de héros!
Poursuivons la lutte, car le socialisme est à nos portes!