Bras de fer à l’usine Paccar : un combat pour l’unité des travailleurs
Dans la nuit de samedi à dimanche dernier, à minuit et une, aussitôt la dernière convention collective venue à échéance, les ouvriers de l’usine de camions Paccar à Sainte-Thérèse ont été mis en lock-out. Un lock-out, c’est lorsqu’un employeur cherche à forcer ses employés à accepter de vendre leur force de travail aux conditions qu’il fixe en les empêchant de travailler, et donc en les privant de salaire. Contrairement à une grève, un lock-out est déclenché par les capitalistes. Ceux-ci ont bien souvent la possibilité de retarder la production ou de l’interrompre puisqu’ils ont une réserve considérable d’argent et de capitaux à leur disposition, contrairement à leurs adversaires : « S’il n’arrive pas à s’entendre avec l’ouvrier, le capitaliste peut se permettre d’attendre, puisqu’il peut vivre de son capital. L’ouvrier n’a pas cette possibilité. Pour vivre, il n’a que son salaire, si bien qu’il est obligé d’accepter le travail quand, où et comment il se présente. » (Engels, 1881)
Le lock-out est la stratégie patronale de négociation qui a été employée à l’occasion de trois des quatre derniers renouvellements de convention collective chez Paccar, soit en 2004, 2014 et 2019. Plus encore, lors des deux dernières négociations, le lock-out a été décrété en hiver, à l’aube du temps des fêtes, alors que le froid se fait durement sentir et que les travailleurs ont besoin d’argent. La situation est donc à l’avantage des employeurs : les employés sont susceptibles d’accepter avec empressement une offre mauvaise. Ajoutons qu’en 2014 et cette année encore, l’employeur n’a donné aucun préavis pour que les syndiqués puissent être réunis par leurs délégués afin qu’une première offre leur soit soumise. Ainsi, l’employeur a pu invoquer la lenteur du processus de convocation d’assemblée pour justifier son décret hâtif du lock-out. En vérité, la stratégie « no contract, no work » n’a rien à voir avec des négociations qui battent de l’aile et des négociateurs syndicaux qui branlent dans le manche. C’est tout simplement une méthode de négociation musclée qui prend les employés de court en leur coupant l’herbe sous le pied avant même qu’ils ne se soient prononcés en faveur ou en défaveur d’une nouvelle convention collective. En 2004 et en 2014, les ouvriers de Paccar ont fini par rentrer au travail après avoir passé trois jours au chemin. Cette fois, c’est avec plus d’expérience, de mobilisation, d’abris et d’infrastructures en tout genre (et tout spécialement pour se réchauffer et se ravitailler) qu’ils comptent tenir tête à leur impitoyable employeur.
La multinationale Paccar occupe présentement le 130e rang dans le classement Fortune 500 qui répertorie les entreprises américaines ayant les chiffres d’affaires les plus imposants. Le sien a été d’environ 23 495 millions de dollars US cette année et elle a réalisé des profits de 2 195 millions de dollars US. Elle embauche 28 000 personnes à travers le monde (notamment en Amérique du Nord, au Mexique, au Brésil, au Royaume-Uni et en Australie). En 2017, Paccar était le 8e plus important fabricant de camions dans le monde.
Les ouvriers de Paccar sont au nombre de 1 400 à l’usine de Sainte-Thérèse. On compte parmi eux quelques dizaines de chefs d’équipe, quelques dizaines d’ouvriers qualifiés, tels que des mécaniciens d’entretien, des soudeurs et des électriciens, ainsi que plusieurs centaines d’ouvriers spécialisés et de journaliers, tels que des manutentionnaires. Sur les 1 400 employés de l’usine, 280 y travaillent depuis 10 ans et plus. Les ouvriers de Paccar sont très polyvalents et parviennent à produire deux classes distinctes (7 et 8) de camions sur la même ligne, ce qui est rare dans ce secteur, voire unique en Amérique du Nord. Ils produisent entre autres des camions de livraison et des camions à benne dans des temps record. Le volume et la qualité de la production sont remarquables et les ouvriers en sont très fiers. L’usine de Paccar à Sainte-Thérèse est l’une de celles dans laquelle se concentre encore un nombre très élevé de travailleurs. Pour les communistes, elle fait partie des incontournables du pays, car elle réunit une quantité impressionnante de forces productives et car elle abrite un procès de travail hautement sophistiqué et socialisé. De telles forces productives constituent la base matérielle de la transformation révolutionnaire à venir de la société, c’est-à-dire du passage du capitalisme au communisme. En effet, après avoir aboli la propriété privée des moyens de production, la classe ouvrière sera en mesure de les mettre collectivement en œuvre pour le bénéfice de toute la société et non pour le seul profit des capitalistes, comme c’est le cas actuellement. C’est pour cela que les ouvriers de la grande industrie représentent la fraction du peuple qui est la mieux placée pour édifier une nouvelle société après la prise du pouvoir par le prolétariat. Plus encore, c’est parce que le prolétariat est lié à l’existence de grandes usines comme celle de Paccar qu’il est la classe sociale incarnant l’avenir : « De toutes les classes qui, à l’heure présente, s’opposent à la bourgeoisie, le prolétariat seul est une classe vraiment révolutionnaire. Les autres classes périclitent et périssent avec la grande industrie; le prolétariat, au contraire, en est le produit le plus authentique. » (Marx et Engels, 1848) De plus, la présence d’une grande usine comme celle de Paccar dans le paysage canadien, à quelques kilomètres de Montréal, est une preuve que la classe ouvrière n’a pas disparu, comme le clament trompeusement de nombreux intellectuels bourgeois depuis des décennies.
Cette année, tout particulièrement, les commandes à l’usine Paccar de Sainte-Thérèse ont été nombreuses et la production a été au rendez-vous. Le lock-out est d’autant plus scandaleux que les actionnaires ont fait de très bonnes affaires dans les derniers mois. Les voilà aujourd’hui qui veulent faire encore plus d’économies sur le dos des employés. Dimanche, les syndiqués du local 728 d’Unifor ont rejeté l’offre patronale à 61%. Le lendemain, c’est à 80% que la seconde offre a été rejetée, donnant ainsi à leurs délégués un meilleur levier pour négocier. Mais jusqu’à présent, l’employeur fait la sourde oreille. La partie patronale ne se cache pas de ne travailler que dans l’intérêt des actionnaires et non dans celui des employés, et c’est sur cette note, en toute transparence, qu’elle a ouvert la première séance de négociation. Devant ce mépris décomplexé qui dure depuis près de deux décennies, les travailleurs de l’usine en ont plus qu’assez.
Chez les ouvriers de Paccar, au-delà de l’enveloppe allouée qui est contestée, c’est sa répartition qui provoque le plus la colère des travailleurs. Les représentants syndicaux et leurs membres luttent d’arrache-pied pour empêcher la concurrence et les disparités de traitement entre les travailleurs. Puisqu’un régime de retraite à deux vitesse leur avait été imposé en 2009, avant que ce type de clause ne soit interdit en 2018, ils doivent encore composer avec cette aberration qui fait apparaître 2 groupes d’ouvriers dont l’un a des meilleures conditions que l’autre bien que le travail effectué soit le même. Comme plusieurs autres, les ouvriers de Paccar réclament la réinstauration d’un régime unique. Aussi, si dans les dernières offres patronales une augmentation de salaire leur était accordée, le gain leur était retranché dans les journées de maladie payées et dans les assurances collectives. Les travailleurs insistent donc pour ne pas céder à la tentation de privilégier des hausses salariales rapides au détriment de la sécurité financière de ceux qui seront éventuellement dans le besoin. Aussi, plutôt qu’une augmentation de salaire soit accordée aux chefs d’équipe, les syndiqués demandent qu’elle aille aux ouvriers qualifiés, qui d’ailleurs sont moins nombreux. Ils sont aussi conscients que les patrons veulent favoriser un climat de délation en bonifiant la rémunération de certains employés. Ainsi, on peut affirmer qu’en défendant l’équité dans les conditions de travail et dans la répartition de l’argent destiné à la force de travail, les ouvriers de Paccar contribuent à leur manière à bâtir l’unité de la classe ouvrière et à la défendre contre les attaques capitalistes et c’est en cela que leur lutte est significative. Rappelons que le combat pour unir les prolétaires date des débuts du mouvement ouvrier et que l’union du prolétariat découle de la grande industrie elle-même, incluant la fabrication à grande échelle : « Le salariat repose exclusivement sur la concurrence des ouvriers entre eux. Le progrès de l’industrie, dont la bourgeoisie est l’agent sans volonté propre et sans résistance, substitue à l’isolement des ouvriers résultant de leur concurrence, leur union révolutionnaire par l’association. Ainsi, le développement de la grande industrie sape, sous les pieds de la bourgeoisie, le terrain même sur lequel elle a établi son système de production et d’appropriation. Avant tout, la bourgeoisie produit ses propres fossoyeurs. Sa chute et la victoire du prolétariat sont également inévitables. » (Marx et Engels, 1948) Lutter pour l’unité des ouvriers, c’est donc lutter pour quelque chose de positif, qui va dans le sens de l’histoire et qui conduira les masses laborieuses à la victoire.
C’est donc attroupés à l’entrée du terrain de l’usine que des centaines d’ouvriers, depuis lundi matin, accueillent en chahutant un cortège d’autobus remplis de cadres. Le même manège se répète le soir. Mais peu importe l’issue du bras de fer entre les travailleurs et les capitalistes de Paccar, la classe ouvrière en sortira gagnante. « Parfois, les ouvriers triomphent; mais c’est un triomphe éphémère. Le résultat véritable de leurs luttes est moins le succès immédiat que l’union grandissante des travailleurs. » (Marx et Engels, 1948)
Dénonçons la multinationale Paccar et ses pratiques de négociation odieuses!
Appuyons les ouvriers lock-outés!
Unissons notre classe dans la lutte contre le capital!
Les grandes usines sont des terreaux de la lutte pour le socialisme!