Lowe’s-RONA se refait une santé et les travailleurs en font les frais

C’est bien connu, les capitalistes, en période de crise importante, annoncent bien souvent des fermetures d’usines et de magasins, et par le fait même, des licenciements collectifs. C’est d’ailleurs ce à quoi nous avons assisté lors de la crise économique de 2008 (la crise des subprimes). De nombreuses entreprises ont fait disparaître leurs bilans négatifs des années antérieures au moyen de cette manœuvre en défaveur des travailleurs. Récemment, la multinationale Lowe’s (10 000 emplois au Québec et 30 000 emplois au total pour l’ensemble du Canada) n’a pas échappé à cette stratégie : elle a annoncé la fermeture de 34 de ces magasins au Canada, dont 11 magasins RONA et un magasin Réno-Dépôt au Québec. Ces fermetures s’ajoutent aux 31 autres succursales qui ont dû fermer en février dernier, dont 9 d’entre-elles se trouvaient aussi au Québec.

Selon Lowe’s, la fermeture de ces 34 magasins (ainsi que la perte de plus de 160 emplois) est rendue inévitable si l’entreprise veut se repositionner dans le marché de la rénovation. Pour ce faire, elle se débarrasse des unités qui sont jugées sous-performantes (ce qui ne veut pas dire qu’elles ne génèrent pas de profit, mais plutôt que ce profit est insatisfaisant pour l’entreprise). Plusieurs médias du Québec, tout comme le gouvernement d’ailleurs, ont été prompts à caractériser la situation comme résultant d’une mauvaise gestion par Lowe’s, et surtout, de son incompréhension du modèle « québécois » développé par RONA. À cet effet, rappelons que l’entreprise RONA, dont le siège social se trouve à Boucherville, a été vendue en 2016 à l’entreprise américaine Lowe’s.

Bien entendu, les fermetures annoncées par Lowe’s sont loin de signifier que l’entreprise américaine ait mal compris le supposé modèle québécois. Au contraire, les décisions prises par l’entreprise s’arriment parfaitement avec les obligations qui incombent aux exploiteurs capitalistes qui veulent faire du profit, et ce, peu importe où ils opèrent. Ils doivent suivre les lois du système capitaliste qui les obligent tous, sans exception, à toujours chercher à faire fructifier leur capital et à atteindre le meilleur rendement possible. Il est donc fort probable que si l’entreprise RONA n’avait pas été vendue à l’entreprise américaine Lowe’s, ses propriétaires québécois auraient procéder aux mêmes fermetures et licenciements.

La manœuvre de Lowe’s met aussi en relief que le secteur de la rénovation a connu une grande période de concentration, période lors de laquelle des géants ont fait de nombreuses acquisitions, notamment chez certains de leurs compétiteurs, ce qui a eu pour effet que le gros du secteur de la rénovation se retrouve aujourd’hui dans les mains d’une poignée de grands monopoles. Par exemple, les cinq plus grands détaillants de quincaillerie au monde sont Home Depot (ventes en 2018 totalisant 108 milliards de dollars US) et Lowe’s (ventes en 2017 totalisant 68 milliards de dollars) basés aux États-Unis, Kingfisher basé au Royaume-Uni, OBI basé en Allemagne, et Leroy Merlin basé en France. Pour donner une idée de l’expansion prise par ces monopoles, il suffit de constater que le nombre d’employés de Lowe’s est passé de 147 000 en 2003 à 310 000 en 2018, employés répartis dans plus de 1 500 magasins à travers 49 États américains. Pour sa part, Home Depot emploie aujourd’hui plus de 400 000 travailleurs. C’est l’entreprise Home Hardware (basée en Ontario) qui est le plus grand détaillant canadien du secteur de la rénovation.

Ce mouvement de concentration s’explique par le stade de développement auquel est parvenu le capitalisme : il force les entreprises à croître, fusionner ou encore disparaître. Il est à noter que cette concentration peut parfois s’avérer dispendieuse. Par exemple, Lowe’s a déboursé 512 millions de dollars pour faire l’acquisition de Maintenance Supply Headquarters, une entreprise spécialisée dans la vente de matériel de construction pour professionnels. Cette somme, parmi d’autres de la même teneur, Lowe’s doit maintenant chercher à l’amortir, ce qui explique en partie les fermetures de magasins et les licenciements auxquels nous assistons.

Ce qui vaut pour Lowe’s vaut pour l’ensemble des entreprises du même secteur. Pour engranger des profits démesurés, elles doivent s’adonner à des économies faites sur le dos des travailleurs. Et une mesure n’attend pas l’autre : en plus des fermetures annoncées récemment, rappelons qu’en août dernier, Lowe’s a annoncé des milliers de licenciements parmi les travailleurs d’entretien et de conciergerie. En vérité, ces emplois n’ont pas à proprement parlé disparu : ils ont simplement été sous-traités ailleurs, chez des contractuels qui bien souvent n’offrent pas d’avantages sociaux (comme les assurances collectives, les vacances ou les congés de maladie) à leurs employés. C’est d’ailleurs une tendance à la hausse : de plus en plus de grandes entreprises comptent sur des sous-traitants pour assumer des tâches jugées secondaires au maintien de leur activité, voire non profitables. D’ailleurs, Lowe’s défend que la sous-traitance à laquelle elle s’adonne lui permet de consacrer davantage de ressources au service à la clientèle. Sans surprise, cette manœuvre répandue favorise le développement du cheap labor.

En somme, plutôt que d’enfiler des lunettes nationalistes complètement trompeuses pour examiner les problèmes de Lowe’s-RONA, mieux vaut approfondir notre connaissance du capitalisme. Tant et aussi longtemps qu’il se maintiendra, toujours plus de travailleurs verront leurs conditions de vie et de travail se détériorer. C’est pourquoi les communistes luttent pour le socialisme. Lorsque les travailleurs auront le pouvoir, enfin, nous assisterons à une distribution planifiée qui prendra la forme d’unités populaires de production et de consommation. Ces unités répondront aux besoins réels des masses et assureront un travail à tout le monde plutôt que de remplir les poches de voleurs.

Luttons contre l’exploitation et la dégradation de nos conditions de vie et de travail!

Rejetons la propagande nationaliste!

Unissons les travailleurs en développant une solidarité ouvrière et révolutionnaire!