Galvano et l’industrie métallurgique : faire résonner l’action révolutionnaire dans les grands centres de concentration ouvrière
Partout sur le territoire, les combats économiques menés de front par des travailleurs sont nombreux. Ils s’accumulent et s’enchaînent dans le temps, sans connaître de trêve. Ces combats témoignent de l’activité vivante des masses ouvrières et nous renseignent sur leurs liens organisationnels. Les communistes ont intérêt à prendre acte des caractéristiques objectives communes aux différents centres de concentration ouvrière de même qu’ils gagnent à connaître les formes de regroupements « naturels » qu’on retrouve dans le prolétariat en général et dans le mouvement ouvrier en particulier, et ce, afin de mieux déployer l’action révolutionnaire parmi les masses (ARM).
Le cas de l’industrie métallurgique illustre ce qu’on entend par un regroupement naturel. Il nous éclaire également sur ce qui pourrait facilement être accompli par notre mouvement dans ces regroupements. Cette industrie n’est certainement pas la seule à être digne d’intérêt. Plusieurs expériences ouvrières dans d’autres secteurs de la production ont été déterminantes dans la dernière décennie (comme ceux de la construction, de l’industrie pétrolière, etc.). Toutes ces expériences méritent notre attention.
Le cas de la grève en cours à l’usine Galvano est néanmoins un bon point de départ. Il nous incite à remonter aux derniers combats que les ouvriers de l’industrie de la métallurgie ont menés. Force est de constater que les grèves récentes de Rio Tinto Alcan à Alma, de la CEZinc à Salaberry-de-Valleyfield et d’ABI à Bécancour ont connu une couverture médiatique imposante et un appui indéniable au sein du prolétariat. Il est donc tout indiqué de les étudier. De cette brève revue historique, on peut extraire une méthode de progression dans le mouvement ouvrier que les révolutionnaires doivent adopter.
Les ouvriers de Galvano refusent de se faire acculer au pied du mur
Le 9 juillet dernier, les 35 ouvriers de l’usine Galvano, située à Belœil au Québec, votaient à l’unanimité en faveur de la grève. Quelques jours plus tard, 97% d’entre eux refusaient l’offre patronale au grand dam de la direction de l’usine qui souhaitait la remettre en marche au plus vite. La grève dure maintenant depuis près de 3 mois pour les vaillants grévistes du local 9414 du Syndicat des Métallos et l’on recense quelques altercations sur la ligne de piquetage.
À l’usine Galvano, les dernières années ont été difficiles pour les ouvriers. En 2005, la manufacture a fait faillite. Elle a ensuite été rachetée par une grande société américaine, le groupe Heico. Son rachat a été suivi d’une détérioration des conditions de travail. Les ouvriers de Galvano ont vu la presque totalité des gains qu’ils avaient faits durant les décennies précédentes leur être retirés : perte de leurs régimes de retraite, perte de l’indexation salariale au coût de la vie (gel des salaires), ainsi que perte de la contribution de l’employeur à l’assurance collective. La nouvelle direction a qualifié cette impitoyable manœuvre de simple mesure transitoire dans le but de garder l’usine en fonction en période de « redressement financier ».
Galvano est une usine en détresse financière parmi d’autres rachetées par le groupe Heico dont le modèle d’expansion et d’affaire repose essentiellement sur ces rachats. Les acquisitions d’entreprises agonisantes sont ordinairement suivies d’une période de grande rigueur économique caractérisée, entre autres, par la réduction des salaires des travailleurs. Le cas de Galvano n’a pas échappé à la règle. Notons au passage que comme d’autres sociétés usant du même stratagème, le groupe Heico a bénéficié d’un financement additionnel de l’État bourgeois canadien pour avoir « rescapé » l’usine.
Comme beaucoup de travailleurs dans une situation défensive similaire, craignant de perdre leur gagne-pain, les ouvriers de Galvano ont concédé leurs acquis devant la menace et le chantage de la direction de fermer définitivement l’usine si celle-ci ne parvenait pas à connaître un redressement financier. Et comme de fait, l’usine Galvano s’est remise sur pied et est devenue appréciablement profitable pour ses actionnaires. Encouragée par son succès, la direction de Heico a récemment cherché à augmenter la cadence et à faire rouler l’usine 24 heures sur 24. Pour ce faire, elle désire remanié les horaires de travail selon des quarts de 12 heures. Cette exigence nouvelle soumise lors de la renégociation de la convention collective a été la bougie d’allumage : depuis, la grève a été déclenchée et la colère des ouvriers de Galvano gronde toujours.
L’usine Galvano a été fondée en 1977. Son nom a pour origine le processus de galvanisation par lequel des matériaux métalliques sont immergés dans un bassin de zinc pour les couvrir d’une couche protectrice. À l’usine Galvano, on fabrique quotidiennement 300 000 kilos de produits métalliques. En 2005, c’est par le biais de sa division Ifastgroupe que Heico rachète l’usine. Ifastgroupe est un grand fabricant et distributeur de fixations métalliques qui possède, entre autres, l’usine Sivaco/Infasco en Montérégie. Ifastgroupe est loin d’être la seule division de la société mère. Heico est une immense entreprise américaine qui possède plusieurs filiales elles-mêmes possédantes de nombreuses autres divisions. Selon le magazine Forbes, elle se classe dans le top 200 des plus grandes entreprises privées américaines.
L’industrie métallurgique : des occasions nombreuses de faire résonner l’action révolutionnaire
Les combats qui ont récemment été menés au sein de l’industrie métallurgique ont fait les manchettes. Les 8 mois de lock-out à l’aluminerie d’Alma en 2012, les 9 mois de grève à la CEZinc en 2017 ainsi que les 18 mois de lock-out à l’aluminerie de Bécancour en 2018-2019 n’ont laissé personne dans l’indifférence. Ces conflits de travail sont reliés. Mis ensemble, ils totalisent un nombre impressionnant de rassemblements, de manifestations, de piquetages et d’interventions. Pris séparément, ils n’auraient pas le même poids.
D’ailleurs, le 9 septembre dernier, les ouvriers de l’aluminerie d’Alma au Saguenay-Lac-St-Jean sont allés à la rencontre des grévistes de Galvano pour leur offrir leur solidarité et leur support. Ils apportaient avec eux un montant de 5 000$ en donation. Le 26 septembre, de nombreux militants syndicaux de la Montérégie, où travaillent beaucoup d’autres ouvriers et métallurgistes, se sont réunis devant l’usine Galvano pour appuyer les grévistes. À leur tour, les tenaces ouvriers d’ABI ont livré à leur homologues de Belœil un don de 10 500$ et ont promis de mener une mobilisation en soutien aux grévistes jusqu’à la résolution du conflit. Ces démonstrations d’unité ouvrière sont des occasions encore trop peu saisies par le mouvement révolutionnaire au pays. Pourtant, ces liens entre les ouvriers se doivent d’être maîtrisés, développés et même transformés par l’activité révolutionnaire. Ce sont autant de ponts et d’accès naturels que les révolutionnaires doivent emprunter pour se lier et se déployer dans le mouvement ouvrier.
Cette forme de liaison spontanée et d’action de solidarité au sein d’une industrie lorsque survient un conflit donné, bien qu’elle ne soit pas la seule en son genre, nous intéresse tout particulièrement, car bien souvent, elle constitue le meilleur point d’accès à l’ensemble des ouvriers de l’industrie en question. Autrement dit, un parti révolutionnaire gagne progressivement en crédibilité auprès de tous les ouvriers d’une industrie à force de combattre aux côtés de certains d’entre eux. Il devient alors une force politique réelle en accumulant une expérience bien tangible et une histoire commune avec les masses laborieuses en lutte, là où elles se trouvent.
Une méthode de progression dans le mouvement ouvrier
Pour notre parti, l’objectif est de développer et de faire résonner l’action révolutionnaire dans les regroupements et les grandes concentrations de prolétaires. Ces épicentres prennent des formes variées comme les grands groupes du prolétariat, les industries, les syndicats, les villes, les zones ouvrières, ou encore les unités de production. Il faut les recenser et y agir pour révéler les liaisons qui existent entre les ouvriers, pour faire apparaître l’unité dans la multiplicité des combats qui ont cours partout et tout le temps dans le prolétariat, et pour déployer une activité révolutionnaire continue dans un mouvement ouvrier en ébullition.
C’est cette méthode de progression, qui vise à passer toujours plus vers l’intérieur du mouvement ouvrier en transitant par ses portes d’entrée naturelles, qui permettra aux révolutionnaires de se positionner au sein des larges masses de la société. Par exemple, l’ARM persistante au sein de l’industrie métallurgique aura un effet décuplé au fil du temps. Plus encore, elle nous permettra de ne pas nous retrouver à la case départ à chaque effort de solidarité avec une nouvelle lutte menée par des ouvriers de Rio Tinto Alcan, de la CEZinc, d’ABI, ou de biens d’autres usines de métallurgie. Nous nous serons taillé une place et nous aurons la légitimité de lutter coude à coude avec nos frères et nos sœurs de classe dans cette branche de la production.
C’est en considérant les dimensions de durée, de persévérance et d’accumulation que les communistes parviendront à se saisir des différentes occasions continuellement provoquées par la lutte des classes. Il faut envisager la pratique des prochaines années comme une succession d’interventions dans le mouvement ouvrier. C’est l’accumulation et la récurrence de ces interventions qui produira un impact. À l’heure actuelle, nous devons commencer par débusquer les intéressés et rassembler tous les ouvriers révolutionnaires, peu importe l’industrie dans laquelle ils œuvrent. Cela signifie qu’il nous faut frapper à toutes les portes, indistinctement. Cela dit, il est déjà possible de saisir des occasions réelles, d’ouvrir des portes d’entrée dans la réalité, d’emprunter des chemins tracés, afin de brandir le drapeau rouge au sein d’une même grande concentration ouvrière et plus largement, au sein du mouvement ouvrier dans son ensemble.
Le Parti communiste révolutionnaire (PCR) appelle largement tous les ouvriers, les révolutionnaires et ses partisans :
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À se joindre au vaste mouvement d’activité et d’organisation en direction du mouvement ouvrier et des grands groupes du prolétariat;
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À se saisir des luttes réelles, économiques et syndicales (grèves, lock–outs, fermetures d’usines, etc.), de même que des expériences qu’elles engendrent, expériences qui comprennent leurs lots de révélations partielles, incomplètes, mais qui contiennent l’amorce spontanée et immédiate du combat révolutionnaire;
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À faire fusionner le mouvement révolutionnaire avec ces affrontements qui suscitent un réel sentiment d’injustice, une volonté de combattre, un élan de solidarité et, ultimement, un désir d’aller plus loin ensemble;
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À faire croître cette combativité et cette unité en les affirmant haut et fort, en les précisant, de même qu’en regroupant et en organisant les travailleurs qui aspirent à transformer la société;
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Pour chacune des luttes réelles auxquels ils prennent part, à aider au déploiement d’actions diverses telles que la mise sur pied de tournées de solidarité dans les usines voisines, l’organisation de rencontres politiques publiques ou secrètes, la création de comités d’appui aux grévistes ou d’opposition aux fermetures d’usines, etc.;
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À coordonner des réseaux de solidarité qui perdurent en dehors des épisodes de lutte, des cercles de travailleurs révolutionnaires, ainsi qu’à aider au développement d’antennes et de correspondants du journal ISKRA.
Aux portes de Galvano, dans la métallurgie et au sein de toutes les industries, appuyons activement les grévistes en lutte!
Faisons résonner l’action révolutionnaire dans tous les grands centres de concentration ouvrière!