La grève à l’usine VOPAK et l’industrie pétrochimique au Canada : une poignée d’ouvriers tiennent entre leurs mains des milliards de dollars!

La grève en cours à l’usine VOPAK à Montréal est une bonne occasion de s’intéresser au potentiel stratégique de l’industrie pétrochimique pour la progression générale de la révolution au pays. En effet, cette industrie possède au Canada des paramètres bien précis qui laissent entrevoir facilement la possibilité de la faire basculer en entier dans l’activité révolutionnaire – et qui révèlent par le fait même la possibilité et l’intérêt de faire basculer des industries complètes dans la révolution de manière générale. Aussi, l’industrie pétrochimique occupe une place importante dans l’économie canadienne faisant en sorte que son basculement dans la révolution permettrait d’avoir un impact particulièrement puissant à l’échelle du pays. Pour commencer, partons des événements survenus récemment à l’usine de Montréal. Nous verrons que ce qui semble à première vue n’être qu’une simple grève menée par une poignée d’ouvriers porte les germes de quelque chose de bien plus grand et de bien plus fort.

La trentaine d’ouvriers qualifiés employés à l’usine de la rue Notre-Dame Est à Montréal sont en grève depuis le 3 juillet 2019. La grève fait suite à l’échec de la renégociation de la convention collective échue depuis le mois d’octobre 2017. Les revendications des grévistes portent sur les régimes de retraite, sur les heures supplémentaires et surtout sur les salaires. Les ouvriers, syndiqués avec UNIFOR (local 175C), ont voté en faveur de la grève à l’unanimité. Face à eux se trouve VOPAK, une société néerlandaise employant 5730 personnes dans le monde. C’est en 2014 que VOPAK a acquis ses usines de Montréal et de Québec.

Les ouvriers de VOPAK ont bien sûr raison de lutter pour une augmentation de salaire. Il faut savoir que le salaire des ouvriers de VOPAK est bien en-dessous du salaire moyen dans l’industrie pétrochimique au Canada. L’industrie pétrochimique fait partie du secteur dit manufacturier. Dans cette industrie, on transforme le pétrole et le gaz naturel au moyen de différents procédés chimiques afin de produire des marchandises de toutes sortes. Par exemple, on y produit le plastique, la résine de pétrole, la fibre synthétique, le vinyle, le nylon, l’asphalte, les détergents ou encore l’éthylène (laquelle est ensuite utilisée dans de nombreuses industries). Les usines pétrochimiques sont installées proche des raffineries ou des sites d’extraction. Au Canada, elles sont situées principalement en Alberta (43,8%), en Ontario (31,3%) et au Québec (18,8%). Les ouvriers de cette industrie sont hautement qualifiés. Le salaire moyen dans l’industrie pétrochimique est beaucoup plus élevé que celui dans le reste du secteur manufacturier. Selon les statistiques disponibles, le salaire annuel moyen d’un ouvrier de la pétrochimie était de 77 000$ en 2010, comparativement à 40 000$ en moyenne pour les ouvriers du secteur manufacturier dans son ensemble. La chose mérite que l’on s’y intéresse.

Lorsque l’on compare les « livraisons » de l’industrie pétrochimique à celles de l’industrie manufacturière en général, on peut facilement constater la forte intensité du capital dans cette industrie. Les « livraisons » représentent simplement la quantité de marchandises produites, multipliée par leur prix de vente. En 2010, elles étaient de 6,4 milliards de dollars pour l’industrie pétrochimique, comparativement à 2 milliards en moyenne pour l’ensemble de l’industrie manufacturière. Il faut également s’intéresser aux « livraisons par employé » pour constater la quantité de valeur énorme produite dans l’industrie pétrochimique. Encore en 2010, les « livraisons par employé » représentaient 3 261 300$ dans cette industrie, alors qu’elle étaient de 371 000$ en moyenne dans l’ensemble du secteur manufacturier.

Ce qui est le plus intéressant, c’est que ces 6,4 milliards de dollars n’ont été générés que dans 16 usines dans l’ensemble du pays! Ensuite, ces 16 usines n’employaient en 2010 que 1060 personnes, y compris le personnel non ouvrier et non prolétarien, ce qui signifie qu’elles étaient mises en marche par un nombre encore plus restreint d’ouvriers! Ces quelques centaines d’ouvriers hautement qualifiés et difficilement remplaçables tiennent donc entre leurs mains des milliards de dollars. Il est important de bien saisir ce que cela implique. Cela veut dire que quelques centaines d’ouvriers seulement, répartis dans un tout petit nombre d’usines, concentrent en eux la capacité d’activer ou d’arrêter l’ensemble de la production de l’industrie pétrochimique au Canada.

Cette capacité de bloquer une industrie complète doit être patiemment forgée, développée et intégrée dans le processus révolutionnaire. Ce potentiel, qui apparaît clairement lorsque l’on se penche sur la réalité des ouvriers de l’industrie pétrochimique, mais qui existe également ailleurs dans la classe ouvrière, doit se traduire dans l’objectif, pour les communistes, de faire basculer des industries entières dans la révolution. Le fait de bloquer une industrie entière au pays permet d’avoir un impact immédiat sur une multitude d’autres secteurs de l’économie et de renforcer les combats se déroulant dans ces secteurs. Si elle est menée correctement, une telle action peut permettre de produire un véritable effet domino, c’est-à-dire un vaste mouvement de blocages et de grèves à l’échelle du pays entier. Le potentiel d’arrêter la production dans l’ensemble d’une industrie n’est pas unique à l’industrie pétrochimique. C’est simplement qu’au sein de cette industrie, réaliser une telle action est particulièrement accessible en raison du petit nombre d’ouvriers et du petit nombre d’usines. Pour la même raison, la possibilité de faire émerger cette forme de lutte apparaît de manière particulièrement évidente lorsqu’on se penche sur la réalité de cette industrie.

Il faut savoir qu’au Canada, 80% du marché des produits de l’industrie pétrochimique provient de la production réalisée sur le territoire canadien. Beaucoup de ces produits sont eux-mêmes nécessaires à une multitude d’autres industries du secteur manufacturier. Ces industries seraient vite affectées par un blocage ou même par un ralentissement de la production dans l’industrie pétrochimique. On peut ainsi déjà imaginer l’effet qu’aurait un tel blocage, combiné à celui du transport des importations de plastique dont la bourgeoisie tenterait alors de se servir pour compenser, à court terme, les pertes engendrées par les grèves en cours dans les usines pétrochimiques. De tels blocages devront évidemment être complétés par un arsenal de formes d’action variées, servant à attaquer la bourgeoisie de tous les côtés. Quoi qu’il en soit, on voit que parvenir à faire basculer une industrie complète dans la révolution est un objectif en soi, qui permet d’atteindre une force de frappe supérieure à celle que l’on obtient avec des grèves dispersées. On voit également que le potentiel stratégique de l’industrie pétrochimique est particulièrement fort.

À l’usine VOPAK de Montréal, la pression se déjà fait sentir du côté des capitalistes, qui ont embauché des paramilitaires (d’anciens militaires devenus des mercenaires privés) pour surveiller les lieux et intimider les grévistes. La chose n’est pas surprenante : non seulement VOPAK craint pour ses millions de dollars en équipements immobilisés sur les lieux, mais elle perd aussi des centaines de milliers de dollars à chaque jour de grève. Les événements sont à suivre et cette lutte, comme bien d’autres, est une excellente occasion pour mener un travail d’organisation et pour acquérir de l’expérience. Le Parti communiste révolutionnaire (PCR-RCP) appelle tous ses militants et ses sympathisants à appuyer activement les grévistes de VOPAK et à s’organiser pour faire pénétrer et répandre largement dans le mouvement ouvrier les perspectives et le programme de la révolution.

L’industrie pétrochimique est un excellent point d’ancrage pour faire progresser la révolution au Canada !

Pour faire basculer une industrie dans la révolution, il faut commencer dès aujourd’hui en appuyant les combats en cours et en y participant!