À propos des publisacs
Un correspondant du journal a attiré notre attention sur la question de la distribution des publisacs et sur celle des conditions de travail des camelots employés dans ce secteur économique. L’article qui suit est l’aboutissement des échanges entre ce correspondant et la rédaction ainsi que de l’enquête que nous avons menée sur cette activité économique. Notre correspondant étant lui-même camelot, les lecteurs et les lectrices du journal trouveront dans cet article des détails provenant directement « de l’intérieur ».
Au cours des derniers mois, les médias bourgeois ont fait mention d’une éventuelle consultation publique visant à bannir les publisacs de l’île de Montréal. À l’origine de ce projet se trouve une pétition ayant commencé à circuler sur internet au début du printemps dernier et ayant amassé plusieurs milliers de signatures en quelques semaines. La pétition en question est accompagnée d’un exposé à haute teneur idéologique sur le gaspillage que représente la distribution de publicité papier à domicile. En effet, nous assistons depuis plusieurs années à une véritable mobilisation écologiste et « anti-consumériste » visant à bannir complètement la publicité de ce type. En réponse à cette mobilisation, l’entreprise Publisac vient d’entamer – sans grandes surprises – une opération de relations publiques visant à redorer l’image de la distribution de publicité papier à domicile en annonçant qu’elle commencerait à utiliser, dès la fin de l’été, des sacs composés de plastique recyclé. On voit une fois de plus que les capitalistes s’accommodent tout à fait de la « contestation » écologiste, y voyant même souvent une occasion de relancer leurs affaires. Par ailleurs, il est frappant de constater que le point de vue prolétarien est, comme toujours, complètement absent de ce « débat public » et de ce jeu de questions-réponses entre les écologistes et l’entreprise Publisac. En effet, dans cette controverse, personne n’a semblé s’intéresser au sort des travailleurs et des travailleuses qui distribuent les publisacs – les camelots –, à leurs conditions de travail et à la perte d’emploi qui attendrait plusieurs centaines d’entre eux (entre 400 et 800) si jamais le bannissement des publisacs en venait à être adopté à Montréal. On ne s’étonnera pas du peu d’intérêt que les capitalistes accordent aux conditions d’existence des prolétaires qu’ils exploitent, mais dans le cas des militants écologistes, cela est plus révélateur et montre bien leur véritable position de classe. Lorsqu’on analyse le secteur économique de la distribution des publisacs, on découvre la façon dont les camelots ont été historiquement mis au pied du mur par leurs employeurs et à quel point ils ont été – et sont toujours – malmenés. Avec des propositions telles que celle visant à bannir les publisacs, les écologistes ne font que mettre encore plus de pression sur ces travailleurs et ces travailleuses, dont la situation est pourtant déjà particulièrement misérable.
La publicité comme outil du capital commercial
Derrière Publisac ainsi que toutes les distributions de publicité à domicile se trouve le capital commercial, et en particulier le capital commercial local. En effet, même si la publicité est utile à toutes les grandes sociétés capitalistes, c’est avant tout le capital commercial local qui a besoin d’acheminer sa publicité à domicile, et ce, afin d’écouler son stock de marchandises (réalisation de la valeur, circulation du capital). Ainsi, les entreprises présentes sur une partie bien définie du territoire – incluant aussi bien des entreprises individuelles et des franchisés que des divisions de grands monopoles commerciaux – ciblent la population autour de leurs commerces afin de faire connaître les offres et les rabais de la semaine (lesquels représentent des surplus à écouler rapidement). Ce type de publicité s’est révélé être un outil fort efficace pour les entreprises de vente au détail telles que les épiceries, les pharmacies ou encore les magasins à grande surface. L’idée à retenir est que pour le capital commercial local, acheminer la publicité à domicile est un objectif fondamental. Celui-ci en tire un bénéfice direct en écoulant plus rapidement sa marchandise, tout comme le capitalisme, en général, bénéficie de faire circuler le capital plus rapidement et d’ainsi réaliser la quantité de valeur contenue dans les marchandises au moment de la vente.
Le service offert au capital commercial local par les distributeurs privés est de rassembler la publicité de différents commerces dans un sac facilement identifiable (le sac ayant aussi l’avantage de protéger de la pluie et du vent) et de livrer ce sac à tous les domiciles présents sur la fraction du territoire entourant le point où se déroule l’activité commerciale. Ces distributeurs privés vont aussi souvent procéder à l’impression directe des feuillets publicitaires. Plusieurs compagnies ont offert ce type de service au pays, mais la plus importante d’entre elles est sans aucun doute Transcontinental Media, qui agit en tant que véritable monopole. Cette entreprise opère sous le paravent de Publisac au Québec et sous celui de sa pendante anglopone, Targeo, dans le reste du Canada. La courte tentative de Québécor, de 2011 à 2013, de s’implanter dans ce secteur avec le Sacplus avait donné lieu à une petite guerre de concurrence économique entre les deux capitalistes, affrontement qui s’est soldé par la défaite de Québecor et son départ bredouille. À côté de Transcontinental, on retrouve aussi des plus petits joueurs offrant un service de distribution à domicile mais ne reprenant pas l’orientation du grand sac. Habituellement, ceux-ci ne réalisent qu’un seul contrat – ou du moins que quelques uns – à la fois, en distribuant des feuillets uniques, des accroches-portes ou encore des bloc-notes publicitaires que l’on reçoit par la poste.
Même si Publisac est un gros étendard présent sur tout le territoire, ce sont avant tout des dynamiques économiques locales qui sont déterminantes. La raison en est que le contenu des publisacs varie selon le code postal des destinataires et selon les commerces locaux ayant engagé l’entreprise. Cette particularité empêche un ensachage centralisé pour la province et possède un impact direct sur le modèle d’affaire de cette activité économique. On pourrait aussi s’intéresser à la façon dont les entreprises mères et leurs franchises se partagent l’achat des services de Publisac, mais cette question n’est pas la plus importante.
Les gros contrats confiés à Publisac, ses sous-traitants et le travail des camelots
Au sein d’une localité donnée, une grande majorité de capitalistes commerciaux paient une somme considérable à Publisac afin d’acheminer leur publicité à domicile. Cela constitue le point de départ de l’activité de l’entreprise. Par contre, pour avoir une vision juste de ce secteur, il faut « lever le capot » parce que c’est « en dessous que ça se passe ». En effet, derrière le grand contrat confié à Publisac se cache une longue chaîne de sous-traitants. C’est qu’en fait, l’entreprise Publisac ne possède pas elle-même l’infrastrucure pour réaliser l’ensemble de la distribution, laquelle demande des assemblages spécifiques et variés puisque chaque sac local est distinct et varie selon le code postal.
L’entreprise engage donc des responsables de territoire qui gèrent des gros secteurs (villes, régions) et qui s’organisent pour sous-traiter à leur tour à de plus petites équipes. Une longue chaîne de sous-traitants se déploie ainsi, chaîne ayant la caractéristique d’être particulièrement parasitaire. Plus on descend dans cette chaîne de sous-traitants, plus on s’éloigne du point de départ, plus on s’éloigne du capital commercial qui « veut vraiment » acheminer la publicité à domicile. Les sous-traitants « s’en foutent » parce qu’ils n’en retirent aucun bénéfice supplémentaire. L’important, pour eux, est simplement d’écouler de toutes les façons possibles la quantité de publisacs reçue et de démontrer qu’ils sont capables de monter dans la chaîne des sous-traitants. Les entreprises à la fin de la chaîne « s’en foutent » tellement que Publisac a fini par engager des superviseurs pour faire des vérifications aléatoires afin de s’assurer que la distribution avait réellement lieu et que les publisacs n’étaient pas tout simplement balancés dans des containers ou dans des ruelles. Chaque maillon de cette chaîne pourrie est en concurrence avec les autres et essaie de monter le plus haut possible au plus bas coût. Ce qui rend la chose particulièrement pourrissante, c’est que les sous-traitants ne peuvent jamais obtenir eux-mêmes les contrats des commerces. Il n’y a donc pas de progrès général des entreprises dans ce secteur lié à la concentration du capital, mais une stagnation et un état de pourrissement complet : on ne cherche pas à réorganiser ou à perfectionner la distribution, mais simplement à monter le plus haut possible et à payer le moins cher sa force de travail. La lutte se déroule entre les sous-traitants (les employeurs) et les camelots (les employés) et cette contradiction est accentuée par la pression extérieure (Publisac, concurrence, difficultés supplémentaires inhérentes à certains territoires, contrats supplémentaires spéciaux tels que les catalogues publicitaires annuels, etc.).
Pour se lancer en affaires, il suffit d’avoir un petit local et un camion. Pour donner un ordre d’idée, un contrat mensuel pour une petite fraction de la Montérégie peut facilement monter à 50 000$, avec une masse salariale mensuelle à verser de 10 000$ pour neuf employés déclarés. Souvent, il faut assembler les publisacs dans le local. Parfois, on assemble différents modèles de publisacs – pour différents codes postaux – que l’on distingue avec un code de couleurs. Il est essentiel de posséder un moyen de transport adéquat pour effectuer la distribution. Le véhicule idéal pour les entrepreneurs est un camion de type econoline ayant une bonne capacité de volume tout en étant facile à manoeuvrer en ville. L’utilisation de ce type de véhicule donne lieu à des scènes incroyables : il n’est pas rare de voir entre sept et douze camelots s’y entasser, en plus de imposante cargaison de publisacs qui s’y trouve, ce qui amène les camelots à être collés sur le plafond et à risquer de se blesser à chaque nid-de-poule. Les camelots doivent aussi se cacher de la police au moment de sortir du camion et d’y embarquer, sans quoi ils risquent de recevoir une amende et, dans certains cas, d’être arrêtés en raison du fait qu’ils n’ont pas de papiers. Il y a énormément d’immigrants ne parlant ni français ni anglais qui sont payés au noir pour faire ce travail. La police surveille toujours les camelots dans les quartiers bourgeois; elle les accuse de préparer ou de commettre des vols par effraction en raison du fait qu’ils ont la possibilité de remarquer qui est en vacances et qui ne l’est pas pendant leurs journées de travail.
Les camelots de publisacs sont des employés d’exécution faisant partie de deux grands groupes au sein du prolétariat : les employés d’exécution dans le secteur privé ainsi que les prolétaires « hors lois », c’est-à-dire les prolétaires travaillant au noir ou encore à l’extérieur des normes minimales du travail. Ce travail d’exécution consiste à se faire débarquer au coin d’une rue, à mettre le plus de publisacs qu’on peut dans un sac à épaule et à les distribuer le plus vite possible au porte-à-porte. Le camion reprend les camelots à la fin de la rue, les redépose ailleurs, et ça recommence. Pendant le dîner, le camion retourne à l’entrepôt chercher d’autres publisacs. Le travail doit être effectué à 30 degrés l’été et à -15 l’hiver. Lors des canicules, on peut passer facilement de huit à dix bouteilles d’eau par jour et par camelot, si ce n’est pas plus. Les camelots doivent travailler sans sacs professionnels, comme ceux des facteurs. Les sacs utilisés donnent inévitablement l’effet « petite corde » sur l’épaule et cela prend quelques semaines avant de s’habituer à la douleur. Parfois, il y a des extras (comme le catalogue IKEA, l’ancien catalogue SEARS, des échantillons de chips, etc.) qui augmentent le poids du sac. Pendant longtemps, le journal local était également distribué avec les publisacs. Pendant une certaine période, on distribuait même le journal 24h lorsque Québécor était dans le secteur et que ses distributeurs ne parvenaient pas à tout écouler dans les stations de métro étant donné que la STM avait donné l’exclusivité au journal Métro d’être distribué à l’intérieur.
Dans ce secteur, le taux de roulement est élevé et les visages ne restent jamais longtemps les mêmes. Les jeunes qui se font embaucher après avoir vu le poste affiché dans le journal partent habituellement au cours de la première journée de travail. Ceux qui sont particulièrement mal pris restent pendant un temps. Les immigrants, quant à eux, endurent, la plupart d’entre eux ayant des familles à nourrir. Il existe deux modes de rémunération pour les camelots : le salaire à l’heure et le salaire à la quantité (ou encore à la commission). Avec le temps, les « vieux » qui se sont habitués au rythme de travail veulent habituellement commencer à être payés à la quantité. Il y aussi des camelots qui essaient de travailler de manière autonome ou partiellement autonome à la quantité. Ceux-là ont des profils particuliers : ce sont souvent des vieux de la vieille qui ne veulent pas « se faire avoir » en travaillant trop fort pour un salaire à l’heure et qui ont aussi l’impression de se faire avoir en travaillant à la quantité. Ils tentent alors par eux-mêmes de se lancer en affaires et finissent par se « casser la gueule ». Le mieux qui puisse leur arriver est de finir par s’acheter une « run », c’est-à-dire s’acheter une part de territoire d’un sous-traitant. Certains aboutissent à mi-chemin : ils s’organisent seuls pour écouler une quantité à prix fixe, mais sans avoir de « run » qui leur appartient. La plupart n’ont même pas d’automobile ou encore n’ont pas suffisamment de fonds pour payer l’essence. Pour que leur occupation demeure rentable, ils doivent chercher d’autres avenues. Par exemple, ils volent un chariot d’épicerie et font tout le travail à pied. L’utilisation d’amphétamines (par exemple, du « speed ») est fréquente parmi eux. Ils reçoivent un montant fixe pour la « run » et paient une « cut » au sous-traitant qui leur vend la « run ». Ils veulent travailler le plus vite possible pour pouvoir quitter au plus vite et « faire plus d’argent ». Bien qu’ils gagnent ainsi une certaine forme d’autonomie dans leur cédule et leur travail, ils n’ont, en réalité, aucune chance de progresser dans la chaîne. Malgré l’existence du travail à la quantité, la grande majorité des camelots sont payés à l’heure. Une bonne partie, voire une majorité d’entre eux, sont des immigrants payés au noir.
Les autocollants «pas de publisacs»
Depuis plusieurs années, des autocollants « pas de publisacs » à mettre sur sa boîte aux lettres ou encore sur sa porte d’entrée sont disponibles pour signifier que l’on ne désire pas recevoir de publisacs. En fait, ces autocollants sont offerts par l’entreprise Publisac elle-même. Au départ, ils avaient été présentés par la compagnie comme étant la manifestation d’une forme de compromis auquel elle aurait consenti devant l’opinion publique et les pressions des écologistes. En vérité, l’existence des ces autocollants s’explique moins par la volonté de Publisac de respecter « l’environnement » que par son désir d’accroître ses profits en se dotant d’un excellent outil de marketing. En effet, ces autocollants sont rapidement devenus un puissant outil commercial permettant à l’entreprise de calculer le « taux de pénétration » de la publicité sur un territoire donné. Le taux de pénétration du marché est un outil de calcul économique bourgeois permettant de déterminer la couverture du marché par un produit ou un service donné. Dans ce cas-ci, l’objectif est de déterminer le taux de pénétration des publisacs à domicile, c’est-à-dire la quantité de publisacs qui sont effectivement reçus et « consommés » sur le nombre de domiciles potentiels. Cet outil permet ainsi de faire monter le prix des contrats pour les territoires ayant un taux de pénétration plus haut que la moyenne. La chose est ultimement bénéfique pour Publisac, car elle lui permet de quantifier ses résultats et de mettre de l’avant, à son avantage, le service que la compagnie offre. Elle permet aussi à Publisac de vendre des « études statistiques », réalisées par la simple force des choses, au capital commercial. C’est pour ces raisons, bien plus qu’à cause des pressions écologistes, que Publisac a adopté cette méthode. La compagnie, d’ailleurs, ne s’en cache pas : elle l’a expliqué froidement, dans les dernières semaines, lorsqu’il est venu le temps pour elle de défendre son modèle d’affaires afin de contrecarrer la proposition des écologistes. Cette proposition visait à inverser la méthode des autocollants, c’est-à-dire à faire en sorte que les publisacs soient distribués uniquement aux personnes qui en possèdent et non le contraire, excluant ainsi tous ceux et toutes celles qui n’auraient pas fait la demande pour en avoir.
En fait, il n’y a rien de surprenant au fait que Publisac mette en place un tel système d’autocollants. C’est que le capital commercial local – qui, rappelons-le, est le donneur d’ouvrage de Publisac – n’a pas intérêt à distribuer sa publicité là où les gens n’en veulent absolument pas. Au contraire, les sous-traitants engagés pour effectuer la distribution veulent simplement écouler leur stock. Le capital commercial a un intérêt direct à ce que la publicité soit acheminée à domicile, alors que les sous-traitants n’en tirent aucun bénéfice autre que la simple reconduction de leurs contrats. L’objectif des sous-traitants est uniquement d’écouler la plus grande quantité possible de publisacs au prix le plus bas, en payant les salaires les plus bas possible au noir ou en accordant le salaire minimum si le travail est déclaré ainsi qu’en faisant exécuter la besogne sur le plus petit nombre d’heures et avec le moins d’employés possible.
En fait, plus il y a d’autocollants « pas de publisacs », plus la difficulté objective d’écouler les publisacs augmente, les camelots devant franchir une plus grande distance pour distribuer le même nombre de publisacs. De fait, les difficultés supplémentaires à réaliser la tâche de distribution – par exemple, la présence de grands escaliers dans certains quartiers, ou encore l’inclusion de matériel lourd comme les catalogues dans le stock à écouler – créent toujours de la pression sur les travailleurs et les travailleuses et accentuent la contradiction qui les oppose avec les sous-traitants, lesquels ne veulent pas verser une plus grande masse de salaire. Le travail s’intensifie, mais le taux horaire reste le même. Dans le cas des camelots rémunérés à la commission, les salaires baissent objectivement étant donné qu’il faut travailler plus pour obtenir le même revenu. Souvent, les heures supplémentaires ne sont même pas payées lorsque les salaires sont versés au noir. Plus il reste de stock encore non-distribué dans le camion, plus la cadence augmente et plus les journées sont difficiles. Le rêve du camelot, ce sont les mégablocs appartements HLM où il est possible de déposer des douzaines de sacs d’un seul coup. Son cauchemar, c’est le petit–bourgeois sortant de chez lui et lui courant après parce qu’après avoir franchi toutes les marches d’un long escalier, il a déposé un publisac malgré la présence d’un autocollant qui « l’interdisait ». Le résultat du système des autocollants, c’est que le travail des camelots devient plus difficile, sans aucun gain de salaire. Pour plusieurs, il s’agit même d’une baisse directe de salaire, car ils doivent travailler plus longtemps pour le même gain. Si l’entreprise Publisac offre elle-même « gratuitement » les autocollants, c’est parce qu’elle en transfert les coûts sur les camelots, en intensifiant leur travail et en faisant baisser tendanciellement leurs salaires.
Le cas des camelots est particulièrement intéressant pour ceux et celles appuyant la cause du prolétariat. L’objectif à poursuivre n’est pas de défendre les publisacs en tant que tels, mais bien de défendre les travailleurs pauvres qui les distribuent. Les petits-bourgeois écologistes ou anti-consuméristes ne sont pas en train de «sauver la planète », en dépit de ce qu’ils en pensent. En réalité, ils ne font rien d’autre que participer au renforcement de l’exploitation des camelots. Ils contribuent à faire augmenter la pression des sous-traitants sur les salariés. Par ailleurs – et il est important de le mentionner –, ces petits-bourgeois entretiennent un mépris pour les prolétaires qui aiment recevoir les publisacs afin de connaître les rabais hebdomadaires. Ils font fi de la base matérielle (faibles revenus) qui pousse ces prolétaires à vouloir bénéficier de ces rabais.
La situation dans laquelle se trouvent les camelots a quelques similarités avec celle dans laquelle se trouvent les caissières luttant pour ne pas perdre leur emploi à cause des caisses robots ou encore avec celle dans laquelle se sont trouvés historiquement les postiers et les débardeurs devant l’introduction de nouvelles technologies mettant leur emploi en péril. Ce n’est pas tout à fait pareil, mais il y a des ressemblances, en raison du fait que la publicité papier a quelque chose d’historiquement dépassé (il faut le reconnaître). L’une des choses qui distingue le plus le cas des publisacs de ces autres exemples est que dans ce secteur, le taux de roulement est tellement grand et les conditions de travail sont tellement mauvaises que l’organisation des travailleurs et des travailleuses est extrêmement difficile. Historiquement, le mouvement spontané n’a pas été capable d’y parvenir. C’est qu’il n’y a pas de base stable, suffisamment forte et durable, de travailleurs et de travailleuses voulant conserver cet emploi. La seule base commune des prolétaires de ce secteur est l’urgence du moment d’avoir un revenu minimal. Il n’en demeure pas moins que tant que la distribution de publisacs va continuer – et cela, peut-être pour de nombreuses années encore, n’en déplaise aux écologistes –, le travail va devenir de plus en plus difficile pour les camelots. Pourtant, ceux-ci ne sont pas les seuls travailleurs et les seules travailleuses se trouvant dans une situation particulièrement difficile et ayant l’impression d’être devant un cul-de-sac. La perspective la plus forte pour les camelots est probablement celle du rassemblement de tous les prolétaires composant les grands groupes dont ils font partie.
Les communistes doivent révéler les liens objectifs qui existent entre les travailleurs et les travailleuses inorganisés effectuant des travaux difficiles et mal payés partout au pays!
Le capitalisme et le travail au noir génèrent ensemble les conditions dans lesquelles des dizaines de milliers de travailleurs et de travailleuses combattent et se regroupent !
Contre la confusion petite-bourgeoise et les illusions véhiculées par l’écologie politique, les communistes doivent défendre les camelots et renforcer l’analyse des conditions d’exploitation de notre classe !