La campagne « Michèle » de la STM : une attaque de plus envers les masses travailleuses!
Un correspondant de l’ISKRA a attiré notre attention sur une étrange campagne d’information publique déployée par la Société de transport de Montréal (STM). Dans les tunnels de la ville, les usagers et les usagères du transport en commun se font maintenant reprocher, dans des messages préenregistrés, une longue liste de mauvais comportements. En effet, depuis la fin du mois d’octobre, cette campagne intitulée « Les conseils de Michèle » présente aux passagers du métro des conseils de bon savoir–vivre. Appelant ainsi à une correction immédiate de l’ensemble de leurs mauvaises habitudes, des courts messages d’une quinzaine de secondes sont diffusés à répétition. En fait, moqueurs et condescendants, ces enregistrements jouent sur un ton humoristique pour passer un message clair et ouvertement hostile aux masses travailleuses : si le service de métro est mauvais, c’est la faute aux passagers et à la somme de leurs actes déraisonnables.
Et pourtant, les conseils de «Michèle» frôlent le ridicule : on nous dit de ne pas jouer à « saute-mouton » sur les rails après avoir échappé son téléphone sur les voies, de ne pas retenir les portes comme un « grand samouraï », de ne pas vomir dans le métro (!) ainsi que de ne pas porter de manteaux trop chauds afin de ne pas s’évanouir. Plusieurs prolétaires se sont spontanément plaints de l’absurdité des messages radio. Leurs commentaires sont clairs. Au début, ces messages leur étaient désagréables, car ils s’avéraient difficiles à entendre. Les gens se sont ensuite dits insultés de se faire prendre pour des imbéciles. Ils ont évidemment raison. Méprisants, ces messages préenregistrés décrivent en fait une situation qui est bien loin de la réalité. Derrière le malhabile exercice de l’administration de la STM qui cherche à amplifier consciemment des comportements et des événements relativement anodins, la direction a un objectif bien précis : mettre le fardeau des ralentissements de service et du mauvais état du réseau sur les comportements des utilisateurs et utilisatrices du métro. Cela permet de marquer des points dans leur campagne anti–populaire et de déplacer la colère généralisée envers l’état du service de transport sur les masses elles-mêmes alors qu’au contraire, l’insatisfaction trouve son origine dans les difficultés que rencontre le capitalisme à déplacer sa main-œuvre, dans la gestion contradictoire de la STM par les capitalistes ainsi que dans la lutte économique menée contre les employés de la société de transport.
La STM, un instrument à rabais pour le capitalisme
Qu’en est-il réellement de l’état des services de la STM? Le métro, à l’heure de pointe, est sur–congestionné. Les prolétaires sont entassés. Ils doivent attendre deux, trois, ou encore quatre passages avant de pouvoir embarquer dans le train, ce qui fait en sorte qu’ils arrivent fréquemment en retard au travail. En banlieue, les stationnements désignés des stations de métro et des gares de trains sont pleins dès 5h30 le matin et l’option du transport public pour s’y rendre est souvent peu accessible. Et il n’y a pas que le métro. Dans les quartiers populaires de Montréal, il n’est pas rare que des passages d’autobus soient annulés sans préavis. Les prolétaires attendent alors trente, quarante–cinq minutes, et même plus encore, dans le froid hivernal. Il est, à toute fin pratique, impossible pour les parents de se transporter en autobus avec une poussette à l’heure de pointe. Dans la même lignée, faire son épicerie en autobus comporte des limites physiques et des difficultés indéniables. Pourtant, pour certaines familles de prolétaires, le coût du transport public représente facilement 10% à 15% de leur revenu mensuel. Depuis quelques années, les inspecteurs de la STM donnent des contraventions salées aux prolétaires pauvres ayant traversé les tourniquets sans billet, ou même à ceux ayant perdu leur billet pendant leur trajet. Des opérations coordonnées pour débusquer les usagers « fautifs » dans les autobus et à la sortie des métros sont menées régulièrement, en particulier dans les quartiers populaires. Les inspecteurs et agents de sécurités, grassement payés, sont engagés de plus en plus massivement pour maintenir l’ordre bourgeois dans le métro. Ainsi, à défaut d’améliorer le service, on préfère dépenser pour intensifier la répression. Récemment, des escouades d’agents de sécurité ont même commencé à être déployées sur l’heure de pointe à la station Berri-UQAM pour faire circuler plus rapidement les usagers et les usagères en les intimidant et en leur criant après. Bref, il ne faut pas enquêter énormément pour constater dans quel état lamentable se trouvent les services administrés par les capitalistes et pour découvrir quelle classe sociale en souffre directement.
Et maintenant, la bourgeoisie, à travers le conseil d’administration de la STM, lance une nouvelle offensive pour faire reposer le fardeau des problèmes de service sur les travailleurs et les travailleuses empruntant le transport public. En fait, pour comprendre l’origine réelle de la mauvaise gestion et du pitoyable état du réseau de la STM, il faut revenir à la base de ce qui est nécessaire ou non pour faire fonctionner le capitalisme. Comme nous le savons, l’État bourgeois est propriétaire de plusieurs entreprises publiques de transport, d’énergie, de commerce, etc. Parmi celles-ci, certaines sont plus fondamentales pour la production capitaliste que d’autres. Par exemple, la poste a été pendant plusieurs décennies un outil fondamental pour la communication et le commerce. Aujourd’hui, avec internet, le vieux système postal joue un rôle de moins en moins nécessaire. D’ailleurs, Postes Canada se recentre sur le transport de colis et se réorganise devant la concurrence privée. À terme, peu rentable, le service postal pour acheminer les lettres, les cartes et les documents papier va fort probablement disparaître. Les services passent de fondamentaux à non–fondamentaux, évoluent, se modifient, apparaissent et disparaissent, le tout selon leur rentabilité et les besoins de la production.
D’un côté, la gestion de plusieurs entreprises publiques telles que la SAQ ou Postes Canada est identique à celle de n’importe quelle autre entreprise capitaliste. L’objectif est d’en tirer un profit et toutes les décisions sont rationnelles et dominées par l’accumulation de capital. D’un autre côté, pour une partie des entreprises publiques, la situation est un peu différente, et c’est le cas de la STM. Comme c’est le cas avec l’éducation et les soins de santé, il existe, dans le cas des services de transport, un minimum requis pour que le capitalisme fonctionne correctement. Dans ce cas–ci, il s’agit de la nécessité pour le capitalisme de déplacer quotidiennement la force de travail et de faire en sorte que la main-d’œuvre aie une mobilité permanente. Le transport en commun est un instrument central pour remplir cet objectif et ainsi garantir la pleine circulation du capital. Il s’ensuit que la STM est fondamentalement déficitaire, qu’elle opère à perte pour subvenir aux besoins de l’activité économique, du commerce et de la production. Puisque la STM, comme tout transporteur public, est un instrument permettant de répondre à la nécessité de déplacer les travailleurs et les travailleuses, la bourgeoisie accepte de l’opérer à perte. Par contre, elle tente nécessairement de mettre en place le service lui coûtant le moins cher possible, et ce, en refilant la facture aux masses travailleuses. Surtout, la bourgeoisie offre un service essentiellement centré sur ses objectifs économiques et non, comme elle le prétend, centré sur l’ensemble des besoins de la population.
Par exemple, les services de transport de nuit ont été mis sur pied, il y a quelques années, lorsqu’une importante quantité d’entreprises dans le grand métropolitain ont commencé à donner des quarts de soir et de nuit aux travailleurs et aux travailleuses. De nombreux trajets sont construits d’après les horaires des entreprises, dans les zones industrielles. Le service évolue en fonction des besoins du capitalisme quant à la mobilité de sa main-d’œuvre. De la même façon, lorsque l’on s’éloigne des grands centres économiques, le transport public se dégrade qualitativement, voire disparaît complètement. En régions, il n’y a pas suffisamment d’avantages et d’intérêts pour la bourgeoisie à opérer un transporteur à perte pour sa main–d’œuvre. Il y a donc très peu d’options autres que les automobiles pour se déplacer. Dans plusieurs endroits, il n’y a aucun service à la disposition des prolétaires et les coûts du transport individuel sont entièrement assumés par la classe ouvrière elle-même qui n’en a pourtant souvent pas les moyens. Il n’y a donc aucune réponse aux besoins de la population dans les territoires où l’activité n’est ni profitable ni fondamentale pour le capitalisme. Il n’est pas rare que la bourgeoisie délaisse les secteurs où les services lui coûtent trop chers pour ce qu’elle a à y gagner. On n’a qu’à penser aux caisses et mêmes aux guichets des Caisses populaires Desjardins qui sont en train de disparaître un peu partout dans la province. De nombreux prolétaires vieillissant se retrouvent alors dans une situation absurde où ils n’ont plus accès à un guichet pour encaisser leurs chèques et retirer de l’argent comptant, tout comme ils n’ont plus accès à du transport collectif pour se rendre à l’unique guichet encore accessible, mais très éloigné. De même, le transport interurbain est de plus en plus abandonné par la bourgeoisie qui n’y voit plus d’intérêt.
La STM est donc un service opéré en dessous des besoins réels du prolétariat, et un service à rabais pour la bourgeoise. Ajoutons qu’il y a aussi l’incompétence patente de la bourgeoisie à gérer correctement les effectifs et le réseau actuels de même que les enjeux tels que le développement stratégique du métro et l’affluence vers Montréal et son centre-ville. Prenons, à titre d’exemple, l’encombrement de la ligne orange survenu avec le développement du métro à Laval. Il démontre bien l’incapacité pour les capitalistes à réaliser une planification urbaine en dehors d’un vue à court-terme et de l’intérêt économique étroit. Pour répondre au problème actuel de congestion au centre-ville, des autobus supplémentaires faisant des navettes sur St-Denis pourraient être mis en place. De plus, 25% des autobus de Montréal sont, à toutes fins pratiques, inutilisables, car ils sont trop vieux ou constamment en réparation. Les ratées des dernières années ont d’ailleurs amené une fraction de la bourgeoisie à proposer de nouveaux alignements. Pour n’en nommer qu’un seul, parlons de la fameuse ligne rose. La vérité, c’est que ce genre de projet ne sera pas réalisé avant de nombreuses années et ne réglera jamais réellement les problèmes de fond. Surtout, les capitalistes sont déjà en train de baver devant toute la corruption à venir et l’argent qu’ils pourront faire grâce aux éventuels contrats de construction, aux chantiers et au développement du réseau. Bref, ils vont s’en mettre plein les poches.
La bourgeoisie s’en lave les mains et appelle les travailleurs à s’entre-déchirer
Bien sûr, la campagne Michèle ne sort pas de nul part. C’est dans le contexte d’un service de transport pourrissant qu’elle s’inscrit. Aussi, si cette campagne démontre la volonté consciente de la direction de la STM de faire porter aux masses populaires le fardeau de la grande majorité des arrêts de service, il faut rappeler, en plus, les conflits récents entre la STM et ses employés. Si la campagne cherche à présenter un service sans failles qui n’a rien à se reprocher, elle bénéficie également aux bourgeois aux prises avec des grèves chez les employés de la STM et dans d’autres services publiques.
Ce point de vue cherche à désunir le peuple et à opposer différents groupes au sein des travailleurs et des travailleuses. La bourgeoisie va toujours faire porter le blâme aux prolétaires en grève. Nous y opposons le principe fondamental, dans la lutte des classes, qui est de reconnaître que c’est uniquement la faute de la bourgeoisie quand les travailleurs tombent en grève et que les services sont au ralenti. C’est le cas récent des chauffeurs et des opérateurs de la STM. Les chauffeurs d’autobus reprochaient à l’employeur de leur donner des horaires impossibles à exécuter. Les retards des parcours sont retranchés sur le temps de pause des chauffeurs. C’est aussi le cas des employés d’entretien du transporteur (mécaniciens, électriciens, soudeurs, électromécaniciens, préposés, etc.) qui luttent pour avoir des conditions de travail moins difficiles, alors qu’ils ont l’obligation ferme de faire des heures de travail supplémentaires. Dans ce cas-ci, la direction de la STM s’emploie à supprimer les postes d’entretien de jour et à ouvrir presque uniquement des quarts de soir et de nuit. Les revendications des employés d’entretien sont légitimes tout comme la lutte et les actions des grévistes. Il en va de même pour les employés de Poste Canada qui viennent de se faire imposer une loi spéciale forçant le retour au travail. C’est aussi le cas des employés de la Société des alcools du Québec (SAQ) que l’on présente comme des commis ingrats, alors que plusieurs d’entre eux n’ont toujours pas de poste permanent, et ce, même plusieurs années après leur embauche. Dans tous ces exemples, la bourgeoisie, à travers ses conseils d’administration, agit en fonction des lois fondamentales du capitalisme et des contradictions qui résident entre les classes sociales, mais elle tente de le masquer en tenant les travailleurs et les travailleuses en grève responsables de la perte des services et en les présentant comme étant l’ennemi à combattre.
De tels évènements n’ont rien de nouveau dans l’histoire de la lutte des classes. Le prolétariat saura, à terme, discerner ses amis de ses ennemis. Au sein des pays impérialistes, la bourgeoisie présente souvent la lutte économique dans la lutte des classes comme une revendication d’une couche parasitaire de travailleurs et de travailleuses. Aussi, elle profite du paravent que lui offre la propriété publique de l’État bourgeois qui, au final, demeure inévitablement un outil du capital. Financés par une partie de la plus-value spoliée à la classe ouvrière, les services offerts par l’État capitaliste resteront toujours un instrument de la société bourgeoise. Il n’en tient qu’à nous pour renverser la situation.
Le pouvoir des travailleurs et des travailleuses organisera, enfin, le premier véritable service de transport prolétarien au Canada!
Unissons-nous et combattons avec les travailleurs et les travailleuses en grève!
La classe ouvrière doit exercer sa direction sur tout!